De Sete Lagoas, Brésil, déferle une nouvelle vague Thrash qui risque de laisser de sales traces sur nos côtes. Formé en 2006 par d'anciens musiciens de la scène locale, SERENITY IN FIRE n'avait alors qu'un seul désir. Etre plus méchant, plus agressif, plus véloce, et faire revivre l'esprit d'animosité qui régnait dans les années 80 en Amérique du Sud, lorsque SEPULTURA et OVERDOSE poussaient leurs premiers cris de rage.
Après une première démo en 2010, intitulée Begin Of Destruction, le duo a rongé son frein sur les scènes nationales en compagnie de grands noms, avant de pouvoir exprimer ses vues sur ce premier LP, distribué par le média local Ms Metal Agency, qui s'occupe du destin du label Eternal Hatred Records. Et nous voici donc aujourd'hui témoins de l'invasion patiemment préparée par André Leao (Basse, Chant, ESPADA NEGRA), Jiusepe Gaspari (Chant, Guitare, ESPADA NEGRA, et ex INNOCENCE PURE MUTILATED) et Andre Bastos (PLEIADES, batteur de session), qui annonce clairement la couleur en nous conseillant de donner notre âme...

En écoutant les pistes de ce premier album, il n'est pas difficile de comprendre à qui nous devrons la confier. "Fire Burns The World", "Kill Believers", "Inverted Crosses", les intentions des deux lascars sont claires, c'est le malin qui guide leur quête, et il vaut mieux nous rendre à l'évidence : il n'est pas patient.
Si neuf années ont été nécessaires à la réalisation ce premier album, on se rend rapidement compte que nos brésiliens du jour n'ont pas passé leur temps à glander. Style affirmé, compositions soignées, gros travail de fond, et surtout distanciation de la scène Néo Thrash de ces quatre/cinq dernières années pour bien se démarquer.

Le son global de l'album ne doit en effet pas grand chose aux cadors du genre tels qu'on les connaissait il y a trente ans, mais s'inspire plus de la violence sud américaine qu'ont autrefois utilisée les groupes du cru.
Give Him Your Soul, tout en étant très violent et agressif est typique du son des combos brésiliens, mexicains et argentins, avec cette production très crue et dense, sans artifices, qui rend la musique encore plus compacte qu'elle n'est.

Je parlais de SEPULTURA en préambule, et la comparaison n'est pas vaine. A ceci près que SERENITY IN FIRE ne tombe jamais dans l'ultra brutalité, à contrario de la bande à Max sur ses premiers efforts. Le tempo est toujours sous contrôle, et la voix de Jiusepe ne verse pas dans les grognements sourds et incompréhensibles, ni dans les gueulantes démoniaques. Le fond est plus à évoquer, pour cette sobriété des riffs qui vont à l'essentiel, et surtout pour ce propos anti-religieux très affirmé. Musicalement, l'affaire est autre. On peut parler d'INFERNAL MAJESTY, HEXX, INDESTROY, ou encore la période la plus diffuse d'HOLY MOSES et LIVING DEATH, pour ces intonations légèrement étouffées, et ce Thrash pas vraiment ouvert et massif, qui préfère l'attaque sournoise et continue, comme un travail de sape, aux explosions franches et soudaines. Si certains riffs empruntent directement au vocabulaire de SEPULTURA (celui de "Master Of Darkness" notamment, qui survole même un solo à la Andreas Kisser), les morceaux se veulent plus longs, plus compacts, plus "modérés", même si certaines grosses baffes ne sont pas évitées ("Die... My Symphony", qui cogne comme un soudard à la porte du bar avant de se barrer en courant).

Pour parvenir à ses fins, le trio/duo utilise tous les codes disponibles. Leur démarche est d'ailleurs très bien résumée par le monumental "Two Faces" qui synthétise tous les vecteurs d'approche, et se laisse même aller à un semblant de mélodie. C'est en tout cas le titre où les extrêmes s'expriment le plus, puisque la rythmique se débride pour atteindre une vitesse plus que déraisonnable (limite Thrashcore même), tandis que le refrain explosif laisse une discrète harmonie se greffer à la voracité ambiante.
Pas de lassitude à l'écoute des neuf pistes de cet album, et c'est très bon signe. Chaque morceau possède son emprunte, même si les points communs sont nombreux. Que SIF parle parfois dans un langage Speed (le riff central de "Inverted Cross", très DESTRUCTION), qu'il abuse du contretemps si cher à HEXX ("Fire Burns The World", parfois presque ANNIHILATOR), le duo arrive toujours à trouver une idée pour relancer la machine, sans se forcer.

Et je dois reconnaître que l'ambiance globale qui se dégage de ce Give Him Your Soul est assez fascinante, comme si le Thrash des brésiliens s'opacifiait d'une pellicule sombre, alors que bon nombre de ses contemporains privilégient le fun, la vitesse et le premier degré. Leur musique à ce petit quelque chose d'unique, comme une sorte de Thrash vraiment méchant et sournois, qui louvoie, agresse, puis recule, se cache, avant de porter une estocade fatale à l'auditeur.
C'est assez difficile à retranscrire par des mots, mais une simple écoute vous suffira à comprendre...

En tout cas, Give Him Your Soul est un LP de première catégorie, qui se démarque de la production ambiante, et qui s'affirme comme un nouveau souffle pour ce Néo Thrash qui se plaît à capitaliser sur son passé pour mieux se tourner vers l'avenir.
Il valait bien quelques années de maturation, et se laisse dévorer de bout en bout. Et pour l'apprécier, pas besoin de vendre votre âme au diable. Il suffit de l'acheter.