RAGE AGAINST THE MACHINE (usa) - Rage Against The Machine (1992)
Label : Epic Records
Sortie du Scud : 10 novembre 1992
Pays : Etats-Unis
Genre : Fusion
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 53 Mins
Les mariages contre nature donnent souvent naissance à des enfants bâtards et difformes, rarement viables, et qui finissent irrémédiablement par décéder, après des années de lutte pour la survie.
Parlons Fusion. En admettant que ce terme couvre un spectre assez large, on peut alors facilement y ranger le Thrash (Punk et Heavy Metal), le Hard FM (Pop et Hard-Rock), et bien évidemment le Crossover (Hard-Core et Metal).
Mais tous ces genres étant assez proches, il y avait peu de chances au départ que leur union ne choque, elle a en effet tout au plus interpellé (je ne me souviens pas de fans ayant crié au scandale lors de la sortie des premiers METALLICA, BON JOVI, ou du troisième DRI…), mais jamais vraiment dérangé.
Lorsque l’on aborde le cas épineux du mariage Rap/Metal, la question devient plus sujette à la controverse.
En 1992, il y avait bien sur déjà eu quelques tentatives, mais elles semblaient toutes portées sous le couvert du Fun Act. Les RED HOT bien sur, mais seulement par moments, BEASTIE BOYS pour sur, FISHBONE, en de rares occasions, URBAN DANCE SQUAD, en version light, ou même SCAT OPERA par touches éparses. Les duos avaient aussi tenté une approche timide, tels RUN DMC et le SMITH, ou même ANTHRAX et PUBLIC ENEMY. Mais il fallait toujours en rire, ou en mosher. Pas le choix. Le breuvage devait faire sourire, pas provoquer une attaque.
No way.
Alors quand ce quatuor au nom improbable fit son entrée sur la scène internationale avec la bombe que fut son premier et séminal effort, le monde entier trembla, vieille et jeune garde. Car ils avaient osé. Et avec le plus grand sérieux.
Tout est parti d’une rencontre dans un club de L.A, comme quoi la ville la plus superficielle du monde pouvait aussi engendrer des paires de leaders contestataires crédibles. Tom Morello, fraîchement évadé de LOCK UP (un autre groupe fusion tant qu’à faire…), tombe sur le rappeur Zach de la Rocha, et reste suffisamment impressionné par son flood et ses textes pour lui proposer derechef de monter un gang. Tom ramène Brad Wilk, qui avait auditionné pour son ancien combo, et Zach a dans sa musette Tim Commerford, un ami d’enfance qui taquine la quatre cordes. Line up complet, l’aventure peut commencer.
Une première démo 12 titres est enregistrée dans la foulée, et suite à un concert à Orange County, la major Epic, filiale de Sony Music, est suffisamment intéressée pour donner suite, en l’occurrence un long format. Comme le label ne conteste pas la volonté du groupe de garder un contrôle absolu sur son image et sa musique, l’affaire entre les deux parties roule, et aboutit à un premier effort, dix titres pour cinquante minutes de musique.
Et le 10 novembre 1992 sort enfin ce premier LP, sa pochette choc (Thích Quảng Đức, moine bouddhiste s’immolant par le feu en 1963 pour protester contre le meurtre de bouddhistes perpétré par le régime de Ngô Đình Diệm, couvert par les Américains), et sa musique qui ne l’est pas moins.
Du Punk, RATM a gardé l’esprit frondeur et foncièrement anti-gouvernemental. Du Rap, le phrasé heurté et les textes impliqués. Et du Metal, la puissance sonore et l’interprétation en bloc.
En gros, le meilleur de PUBLIC ENEMY, THE CLASH et LED ZEP en une seule livraison. Imparable.
On a beaucoup glosé sur l’importance qu’a eu un titre comme « Killing In The Name », chérie des radios US, censored version bien sur, et cheval de bataille live. Mais réduire RATM à une formule, aussi vindicative soit elle, serait injuste et historiquement révisionniste. Fuck You.
S’il est vrai que les pamphlets virulents ne manquaient pas sur Rage Against The Machine, il y avait aussi autre chose, beaucoup d’autres choses.
Le chant enragé de Zach. La rythmique élastique et pourtant compacte de Tim et Brad, toujours solide, et pourtant si fluide dans la percussion. Du slap, du chaloupé Funky, tout y était.
Et bien sur, la guitare de Tom, une des plus inventives dans ses incartades bruitistes contrôlées depuis disons… Jimi Hendrix, Ok ? Son utilisation du vibrato, ses excès d’harmonizer et d’octaver, tout était justifié et pardonnable. Car à bon escient. Et après la vague/valse des guitar-heroes à trois balles des années 80, c’était un putain de bol d’air frais !
RATM, c’était l’appel de la rue, la volonté de révolte, de contestation, fondée sur des siècles d’esclavage physique et capitaliste. No more bullshit, nothing but the truth, n’en déplaise à Mike Muir.
“I think I heard a shot.”
Et c’était un vacarme, un vrai. Alors, on peut avoir des inclinaisons naturelles et justifiées envers les titres « à conclusion », comme « Killing » bien sur, « Wake Up », « Freedom », ou encore « Bullet In The Head », car tout y passe, le massacre des native americans et la farce Léonard Peltier, l’hypnotisme consumériste populaire, la dépendance des masses, la dictature yuppie, les conflits/génocides inutiles, et l’éradication des gêneurs (au choix Malcolm X, Martin Luther King, à vous de voir…), et en force, mais négliger « Take The Power Back » et sa Funkadelic touch version hystérie politique ou « Fistful Of Steel » et son hommage même pas déguisé à PUBLIC ENEMY serait hérésie. Car tous ces titres (et vous pouvez y inclure bien sur le monstrueux de groove « Know Your Enemy », et « Township Rebellion » qu’aurait pu chanter Marley s’il avait eu un goût prononcé pour la distorsion) sont aussi indispensables à l’équilibre de l’album, que justifiés par eux-mêmes.
Il n’y a rien de faible sur cet album. Aucun titre de remplissage, car le message devait passer, coûte que coûte. Et il passera. Triple platine s’il vous plaît. RATM avait réussi là ou les MC5 et les STOOGES avaient échoué. Question d’époque sans doute. Faire plier l’Amérique tout en amadouant son peuple.
Après ?
Page et Daddy sur la BO de Godzilla, un second album plus faible (Evil Empire, à posséder pour l’imparable « Bulls On Parade »), et un troisième en guise de coup fourré dément (The Battle Of Los Angeles, aussi bon et explosif).
Mais rien ne provoquera à nouveau ce choc des consciences, cette sensation de s’être fait enfler, et cette manière de l’apprendre comme on prend le jus en mettant ses doigts dans la prise.
La colère est un don.
J’espère que vous aurez appris entre temps à vous en servir.
Ajouté : Jeudi 23 Février 2012 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Rage Against The Machine Website Hits: 10804
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