Censé combler l’attente des fans conquis par les tubes énergiques et accrocheurs de Clayman, le live en Terres nippones a plutôt été une belle désillusion de la part d’un groupe au sommet de son art. C’est pourquoi l’impatience est à son comble lorsqu’est annoncé ce nouvel album. En outre, à en considérer les nombreuses rumeurs précédant sa sortie, impossible de passer à côté de Reroute To Remain. Simple coup marketing ou rumeurs fondées, autant vous avertir, les Suédois n’ont de cesse de nous surprendre.
En effet, pour cet album, IN FLAMES décide de changer de studio, en l’occurrence le Dug-Out, et de producteur, soit Daniel Bergstrand, après les dix-sept années de fructueux services de Fredrik Nordström au Studio Fredman. Une démarche étonnante qui ne manque pas de se faire sentir sur la nouvelle production. Cette dernière se montre quelque peu étouffée, laissant la part belle à la basse et la batterie, qui permettent d’obtenir un son puissant, au détriment des guitares, plus en retrait dans le mixage. Avec quatorze morceaux et pratiquement aucun ne s’aventurant au-delà des 4:00, les compositions s’avèrent relativement directes et agressives. Les guitaristes privilégient donc les riffs formatés et accrocheurs aux solos, qui restent corrects (« Transparent », « Minus ») mais sont généralement très courts (« Cloud Connected », « Dark Signs »). La rythmique, très carrée, délivrée par un Daniel vraiment énergique et soutenue par une basse des plus vrombissantes accentue l’efficacité des compositions. Bien qu’étant désormais orientées vers la simplicité, celles-ci n’en restent pas moins recherchées et variées. Les breaks sont toujours présents et les ponts très bien maîtrisés, à l’instar de celui de « System » se terminant en un sample frénétique. Déjà utilisés sur l’album précédent, les claviers sont devenus partie intégrante de l’instrumentation. Ils s’imposent nettement lors d’accalmies ou des refrains, renforçant l’aspect entraînant des morceaux. Souvent sous forme de nappes aériennes (« Reroute To Remain », « Dismiss The Cynics »), les samples prennent parfois des teintes Electro, comme le démontre l’intro de « Cloud Connected », ou se perdent dans d’étranges expérimentations, telle la mélodie enfantine et innocente de « Free Fall » ou l’effet hydraulique qui marque le début de « Black & White ».
Cependant, l’évolution majeure que l’on découvre sur Reroute To Remain provient indéniablement des capacités vocales d’Anders. Effectivement, le chant clair qui, agrémenté de nombreux effets, lorgne nettement vers le Metal Alternatif a pris une place prépondérante dans les compositions, et ses vocaux hurlés se montrent moins extrêmes qu’auparavant. Une modification vers l’accessibilité qui n’épargne pas les refrains. Ceux-ci ont été travaillés pour être efficaces et accrocheurs, répétés de nombreuses fois au cours du morceau, avec notamment une multiplication des voix et une augmentation d’intensité, pour les rendre mémorables. Toutefois, Anders se montre très convaincant et des titres tels que « System », « Trigger », ou encore « Free Fall », s’imposent en morceaux phares de cet opus, du fait de leurs refrains incontournables. Il dévoile également une autre facette de ses compétences en délivrant une superbe voix mélancolique sur les deux ballades de l’album, « Dawn Of A New Day » et « Metaphor ». Sur ces pistes, IN FLAMES ravive la touche acoustique, légèrement folk, qui lui est si particulière et crée une scission envoûtante et poétique parmi les autres morceaux. En outre, « Metaphor » dispose d’un violoniste, Fiol-Olof, qui sublime la mélodie et se permet un solo sur fond de percussions ; un superbe passage.
Les paroles, quant à elles, sont dans la continuité de celles de Clayman et traitent de sujets personnels qui, néanmoins, se montrent être source de préoccupations pour la plupart des gens. Tout au long de l’album, les pensées d’Anders, toujours complexes et profondes, évoluent d’après les évènements qu’il a traversés lors de leur écriture. Ainsi, certaines reflètent un esprit torturé tandis que d’autres symbolisent un bonheur plus présent dans sa vie. Une lumière salvatrice, en quelques sortes, qui se ressent de par la pochette claire et certaines illustrations du livret, symboles d’espoir. Comme à l’époque de Whoracle, on constate que le groupe tient à marquer cette évolution sonore par un remaniement de son logo. La typographie s’épure et se simplifie ; perdant son côté brut et imposant, elle adopte désormais une apparence commune et moderne.
Reroute To Remain marque un tournant majeur dans la carrière d’IN FLAMES, au détriment des fans qui risquent de se diviser. Plus mélodique, moderne et formaté, l’album démontre toutefois que le groupe n’a rien perdu de son talent et peut continuer à surprendre tout en adoptant la facilité. Ainsi, cette expérimentation réussie permet aux Suédois de se réorienter sans trop de dommages, nous laissant néanmoins dubitatifs quant à leur pérennité dans ce courant musical.

Discographie Complète de IN FLAMES :
Lunar Strain (Album - 1994), Subterranean (EP - 1995), The Jester Race (Album - 1996), Whoracle (Album - 1997), Colony (Album - 1999), Clayman (Album - 2000), The Tokyo Showdown - Live In Japan 2000 (Live - 2001), Reroute To Remain (Album - 2002), Soundtrack To Your Escape (Album - 2004), Used And Abused... In Live We Trust (DVD - 2005), Come Clarity (Album - 2006), A Sense Of Purpose (Album - 2008), Sounds Of A Playground Fading (Album - 2011)

MI Bonus :
IN FLAMES (se) - Anders Fridén (ITW - Nov-2011/VF-EV)