Le tout en musique est d’avoir la bonne main au départ. Style une bonne poignée d’atouts, un ou deux bouts, et une coupe franche. Et hop, on part pour la garde contre, à compter que le partenaire appelé sache lire entre les lignes. On emmène le petit au bout, et la partie est enlevée. Ou alors, on part avec pas grand-chose. Quelques atouts, trois piques histoire de contrecarrer les plans de conquête, et on sait rester patient. En tout cas, ce sont les postulats d’usage du tarot à cinq (le tarot à quatre étant plus hasardeux, puisqu’on se retrouve seul…). C’est un peu l’histoire du TAROT. Le groupe, pas le jeu. Ils ont éclos à l’aube des années 80, sous le nom de PURGATORY, à l’initiative des frères Hietala. Oui, le même Hietala de NIGHTWISH, ceux qui ont indiqué la porte de sortie à leur lyrique chanteuse il n’y a pas si longtemps (grand bien leur en ait pris !). Après une carrière erratique et pas vraiment flamboyante hors de leur pays natal, les deux frères se sont retrouvés pour quelques concerts concentrés sur leurs deux premiers albums, signé un nouveau contrat, et retourné en studio pour nous concocter ce fabuleux Crows Fly Back.
Ils ont été servis, on regardé leur main, ont vu les 10 atouts, petit, 21 et excuse compris, pas de piques, et ils ont lancé la garde contre. Ils ont gardé le petit jusqu’au bout. Les adversaires au tapis, ils savourent leur victoire. Tu m’étonnes. Un triomphe dans la forme et le fond. Pochette superbe, production au dessus de tout soupçon, musiciens irréprochables, tout y est. La musique ? A l’image de la partie, évidente, lumineuse, sans accrocs. Tenez, vous voulez qu’on égrène les coups ? Facile !
Le joueur de gauche lance son roi de cœur, TAROT réplique avec « Crows Fly Back », riff d’intro en avant, son de basse à décoiffer Rob Halford (si, c’est possible !), chœurs angéliques en arrière plan, mélodie qui tue. La main est prise. On appelle le partenaire, qui lance à pique. Le joueur de droite se laisse avoir, jette le roi. TAROT réplique derechef avec « Traitor », plus PRIEST que l’original, avec solo Downing/Tipton en prime. Les doutes se lisent déjà sur les visages des trois pigeons. On repart de plus belle avec « Ashes To Ashes », sui sent le single de l’année. Exit RHAPSODY, HAMMERFALL et consorts, le vrai Metal qui tue est là. Dès lors, la partie est gagnée. Mais il faut aller au bout avec panache, les meilleures cartouches ne sont pas tirées. « Before The Skies Come Down » et son break très années 80 (on ne se refait pas !), « Tides », power ballade si il en est, adoucit le climat pour mieux écraser les derniers doutes. Harmonies imparables, rythme hypnotique, les ultimes grosses cartes tombent sans rien pouvoir faire en face, sinon admirer le travail. Pour annihiler toute résistance, on envoie en guise d’assommoir les derniers atouts, « Bleeding Dust », power Metal hyper méchant, dans la plus droite lignée Painkiller. Les opposants sont lessivés, ils n’ont plus qu’à pleurer en regardant les 3 de trèfle ou les 6 de carreaux qu’il leur reste. « You », le single officiel, passe le dernier coup de balai, avant la chute finale, « Howl » et son intro acoustique, et « Grey », deux pépites Heavy que n’aurait pas renié le HELLOWEEN de la grande époque.
Le tout au TAROT est de vaincre avec la manière. Pas de victoire à la Pyrrhus. Le nombre de points est certes primordial, mais la façon de les acquérir l’est tout autant. Crows Fly Back est le parfait guide du gagnant opiniâtre. Celui qui sait attendre son tour pour miser gros. Gageons qu’avec un jeu pareil, ils atteindront les cimes enneigées des charts nordiques (ce qui est déjà partiellement fait, puisque le single « You », a été numéro 1). Reste à partir à l’assaut du reste de l’Europe. Gageons que Marco Hietala regrette de moins en moins d’avoir abandonné sa castafiore. De toutes façons, elle n’arrêtait pas de gueuler. Et elle trouvait le tarot trop vulgaire. Pff, l’opéra c’est trop chiant…