J'imagine que peu de monde connaît DARK MOOR... Et pourtant les espagnols concrétisent là leur sixième album en 14 ans d'existence! Mais comment se fait-il alors? Certainement que leur précédent label Arise Records, aujourd'hui enterré, n'avait pas suffisamment de poids pour une diffusion efficace dans l'hexagone. Signés désormais chez Scarlet, peut-être que ce Tarot apportera la consécration à DARK MOOR qui pourra sabrer le jéroboam qu'ils gardent précieusement depuis des années!
En tout cas je leur souhaite, car la bande d'Enrik Garcia (seul membre fondateur encore à bord du navire) ont une grande maîtrise du Heavy. Ne vous attendez pas à du réchauffé d'un style éculé, mais plutôt à un renouveau frais, moderne et talentueux d'un genre qui a du mal à garder la côte. Pour faire simple, DARK MOOR est parti d'un Heavy presque mélodique, soutenu par une chanteuse, puis est revenu à quelque chose de plus classique. Enfin ce Tarot évolue avec plus de claviers que sur les précédents opus, un peu à la manière d'un AXXIS (en moins kitsch tout de même). Bref, beaucoup de voix claires, de riffs Heavy et d'ambiances diverses au programme.
Plongeons-nous un peu plus au coeur de ce concept-album, qui parle des mystères des arcanes (de tarot évidemment). Après l'intro « The Magician », assez classique mais qui fait toujours son petit effet, on enchaîne « The Chariot » et « The Star », deux magnifiques concentrés de beauté, de force et de majesté. Supportés habilement par les nappes de claviers, les riffs et les voix doublées sonnent magnifiquement, les compositions sont complexes sans dériver vers des délires techniques progressifs. DARK MOOR a su trouver un bon compromis entre complication, intensité et intelligibilité des chansons. Chaque titre reste cohérent malgré une grande diversité des ambiances et l'opus se tient parfaitement. Les soli de guitare sont très bien intégrés à la musique, inventés avec subtilité pour apporter un réel plus au morceau, et non pour satisfaire l'égo du guitariste. Ce dernier apporte force et noirceur, tandis que le chant est gracieux et les claviers entre mélancolie et majesté. « Devil In The Tower » montre la grande ouverture d'esprit du combo, qui réinvente carrément ce à quoi peut ressembler du Heavy, n'ayant aucun mal à nous vendre des passages presque « a capella » ou des breaks très longs au clavier. Et les sept minutes de la chanson sont déjà écoulées.
De crainte de vous saouler de paroles, je ne parlerais guère des canons de voix sur « Devil In The Tower », ni de « The Moon », habile mélange revitaminé d'odes de musique classique sur lequel je pourrais m'appesantir autant que sur un album entier. Je ne parlerais pas non plus du son absolument parfait, très riche et plein de nuances diverses, bien qu'un peu surproduit. DARK MOOR explose de sentiments, de mélodies qui touchent l'âme et le coeur (en tout cas le mien, pourtant endurci par des heures d'écoutes de Death/Grind, comme quoi...), et si leur clip est ridicule, leur musique y échappe tout juste et reste crédible, sensible et emprunte de vie. Si Ce Tarot vous émeut, vous pourrez l'écouter des heures sans jamais vous lasser, bercés par la subtilité des phrases musicales, béats et heureux comme des bambins.