Troisième pour la formation suisse, premier sur le label Listenable Records, Redemption Through Looseness est le genre d'album qui devrait apporter ses lettres de noblesse à KRUGER. Avec un tel patronyme, KRUGER, ça pourrait tout aussi bien être du gros Hard Rock que de l'Indus. A ce titre, la pochette, avec ces deux escargots qui entourent le Christ et ces coquelicots garnis d'yeux est des plus énigmatiques et mérite une mention particulière. Or, KRUGER, c'est en réalité du Post Hardcore (Sludge ?) rugueux, du genre qui vous laisse des échardes à chaque écoute. L'ambiance est lourde, à mi-chemin entre THE DILLINGER ESCAPE PLAN et NEUROSIS. Etouffante mais jamais suffocante car le groupe nous aménage quelques poches d'air, soit à travers un chant clair qui évoque S.U.P. (« Ammunition Matters ») soit à travers des passages plus calmes (« Holy Fire »). Mais même dans les titres qui paraissent plus traditionnellement Heavy (« Army Of Lovers »), l'atmosphère est pesante, l'auditeur sent que l'orage gronde. KRUGER évoque alors un homonyme : Krueger... Freddy Krueger dont les lames viennent troubler votre sommeil tout comme ces guitares saturées, ces harmonies déstructurées (« Queen Of The Meadow », « Hummers Vs Pedestrians ») et ces rythmiques souvent au bord de la rupture (« The Graveyard Party »). Avec leurs près de 9 minutes, « Holy Fire » et « Crusaders » quant à eux consument l'auditeur à petit feu et vous pétrissent les trippes.
KRUGER s'inscrit en porte-à-faux par rapport à sa patrie d'origine connue pour ses ambitions iréniques, car KRUGER n'est pas synonyme de paix intérieure mais de confusion, de trouble. KRUGER ne marque pas tant par la technique de ses musiciens mais par le sentiment qu'il crée d'avoir face à soi un engin de chantier dont les freins auraient lâché et qui, d'abord lentement mais inéluctablement, dévale une pente avant de tout broyer sur son passage.