CRADLE OF FILTH (uk) - Dani Filth (Août-2006)
Rendez-vous place de la République à Paris avec le sieur Dani. Difficile de rester de marbre devant le leader d’une des plus grandes formations actuelles de Black symphonique (en studio il est vrai, plus que sur scène). Mon anglais se fait hésitant mais Dani se plie aux règles de l’interview.
Line-up : Dani Filth (chant), Paul Allender (guitare), Charles Hedger (guitare), Dave Pybus (basse), Rosie Smith (claviers), Adrian Erlandsson (batterie), Sarah Jezebel Deva (backing vocals)
Discographie : Invoking the Unclean (Démo - 1992), The Black Goddess Rise (Démo - 1992), Orgiastic Pleasures (Démo - 1992), Total Fucking Darkness (Démo - 1992), Goetia (Album - 1992), The Principle Of Evil Made Flesh (Album - 1994), V Empire or Dark Faerytales in Phallustein (EP - 1996), Dusk... And Her Embrace (Album - 1997), Cruelty And The Beast (1998), PanDaemonAeon (DVD - 1998), From The Cradle To Enslave (EP - 1999), Midian (Album - 2000), Bitter Suites To Succubi (Album - 2001), Lovecraft & Witch Hearts (Album - 2002), Heavy Left Handed and Candid (DVD - 2002), Live Bait For The Dead (Album - 2002), No Time To Cry (EP - 2002), Damnation And A Day (Album - 2003), Babalon AD (So Glad For The Madness) (DVD - 2003), Mannequin (DVD - 2003), Nymphetamine (Album - 2004), Thornography (Album - 2006), Eleven Burial Masses (Live - 2007), Godspeed On The Devil's Thunder (Album - 2008), Darkly Darkly Venus Aversa (Album - 2010), Midnight In The Labyrinth (Album - 2012), The Manticore And Others Horrors (Album - 2012), Hammer of the Witches (Album - 2015)
M-I Interviews du groupe : Paul Allender (Avril-2005), Dani Filth (Août-2006), Paul Allender (Sept-2012), Dani Filth (Juin-2015)
Crédit Photos : LudoPix.com
Metal-Impact. Commençons par une présentation détaillée de Thornography…
Dani Filth. Le titre de l’album symbolise l’obsession de l’humanité pour le péché et sa propre personne. L’épine, c’est l’image de la couronne d’épines qui a fait souffrir le Christ, et par là même le désir caché de l’homme de blesser Dieu ; mais l’épine, c’est aussi ce qui protège, ce qui renvoie à ce besoin de se protéger face au monde extérieur.
Le terme Thornography témoigne aussi d’une attraction sexuelle pour l’iconographie religieuse comme dans le cas des nonnes possédées de Lourdes.
Nous aimons ce titre. Pour nous, c’est une réminiscence des tableaux de la période pré-rhapaélite mais en plus sombre, plus sexy, où la Belle au Bois Dormant serait réveillée par un baiser empoisonné.
« Dirge Inferno » : Un titre apocalyptique dans la veine d’un « Cthulhu Dawn » (Midian) ou « Mother Of Abominations » (Nymphetamine). Dans le livre de l’Apocalypse, Dirge Inferno est le surnom de la Bête. C’est l’incarnation même du chaos et de la guerre qui s’abat sur le monde à la fin des temps.
Il représente l’instinct guerrier de l’homme et tout ce qui s’oppose à la stabilité et à la paix. C’est l’Armageddon fait chair.
« Tonight In Flames » : Ce morceau traite du fanatisme religieux qui peut naître de la perte soudaine d’un être cher. L’idée derrière cette chanson est que même le plus ardent défenseur de la paix peut être entraîné dans la violence quand sa foi est réduite en miettes.
Ce titre reflète l’assaut des ténèbres spirituelles qui pervertissent et obscurcissent l’esprit à la suite d’un deuil et d’une perte irréversible.
Sans vouloir sembler trop politique, on peut aussi y voir un parallèle avec le terrorisme actuel, où des groupes religieux habituellement pacifiques se laissent gagner par la haine en réponse à ce qu’ils considèrent être infligé à leurs frères.
« Libertina Grimm » : Libertina Grimm est un personnage gothique, qui est en fait un amalgame de différentes femmes. Elle est sexy, érudite, mais cela est contrebalancé par un appétit pervers pour l’autodestruction et des pulsions morbides, fruits de secrets profondément enfouis, d’usage de drogues et d’une vie sexuelle débridée.
C’est la petite fille des contes de fée qui mange le grand méchant loup. Libertine Grimm, c’est celle qui mène la danse dans toute assemblée de jeunes filles gothiques.
« The Byronic Man » : Le titre parle de lui-même. Ce morceau traite du poète libertin Lord Byron. La chanson est écrite à la première personne. Ce n’est pas seulement historique, c’est une auto-analyse, une réflexion sur le glissement d’un individu vers le déclin et le plaisir qu’il éprouve dans cette corruption.
« I Am The Thorn » : C’est le morceau qui se rapproche le plus d’un titre éponyme pour l’album. Il y est question d’un Dieu, furieux d’avoir vu toutes les guerres de religion menées en son nom, qui décide d’envoyer son bras vengeur, l’Epine, un ange de la mort, pour faire subir aux hommes un châtiment collectif afin de leur rappeler à tous son pouvoir absolu.
Si le concept d’un Dieu amour devait être cru, comment peut-on concevoir que sa Volonté devienne violente dans l’esprit de l’Ancien Testament et pour les prophètes autoproclamés qui mènent la guerre en son nom ?
« Cemetery And Sundown » : C’est un titre qui appelle les légions de morts-vivants à s’unir, à rompre le serment signé en des temps immémoriaux avec les vivants, à quitter l’ombre où ils vivent comme des parias en vue de redevenir les maîtres de la nuit.
Sur ce titre, on trouve également des vocaux de Sarah Jezebel Deva.
« Lovesick For Mina » : Tout est dans le titre. Mina Harker est la promise de l’infâme Comte Dracula. Les paroles ici relatent le moment où Mina est définitivement perdue pour Dracula et s’attardent sur le désespoir du Comte qui cherche à retrouver son amour. Cette chanson mêle romantisme noir et Thrash couillu.
« The Foetus Of A New Day Kicking » : Après une longue traversée dans les ténèbres, l’âme en ressort bien souvent deux fois plus forte. Ce titre exploite l’iconographie religieuse une fois de plus et traite des notions de trahison, de désespoir, de mort spirituelle, mais surtout de la renaissance.
Cette notion de revenir deux fois plus fort se ressent profondément à mon avis dans les chœurs mélodiques qui accompagnent ce titre.
« Under Huntress Moon » : C’est un hymne à la beauté de la lune, personnifiée par la chasseuse céleste Diane. Les paroles de ce titre renvoient aux thématiques des premiers albums de Cradle avec une imagerie païenne mêlée à une forte sensualité féminine.
Les paroles sont très classiques et c’est seulement à travers le phrasé morbide que l’auditeur appréhende toute la dimension perverse de cette compo.
MI. L’enregistrement de Thornography a été repoussé parce que ton état de santé ne te permettait pas d’assurer tes parties vocales, ce qui s’en ressent d’ailleurs sur cet album où la voix aiguë qui te caractérisait se fait rare. Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
Dani. Il est vrai que j’ai attrapé une infection gastrique qui m’a vraiment cassé et qui a aussi eu des conséquences au niveau de ma voix. J’ai dû suivre un régime spécial pendant 4 mois et j’ai pris six semaines de repos et je dois dire que ça fait du bien. Je ne saurais même pas dire ce que j’ai fait concrètement pendant ces six semaines… je crois que j’ai vraiment profité de mon temps libre, ce qui est assez rare finalement. Et aujourd'hui, tout va bien.
MI. Sur Thornography, il y a des titres qui sonnent très Black, comme par exemple « Dirge Inferno » et son riff à la MARDUK, mais il semble que sur cet album vous ayez surtout mis l'accent sur les rythmiques et le groove avec notamment des morceaux comme « Tonight in Flames » et « The Foetus Of A New Day Kicking » qui sont définitivement Thrash… Dirais-tu que CRADLE OF FILTH est un groupe de Black Metal ?
Dani. Je ne pense pas que l’on puisse être classé comme un groupe de Black. Quand tu penses au Black Metal, tu penses à des groupes comme EMPEROR et DIMMU BORGIR et à mon avis, on ne sonne pas du tout comme ces groupes. Pour moi, CRADLE, c’est un groupe de Heavy Metal extrême. Dans notre musique, il y a de nombreux passages et riffs que je ne classerais pas comme Black. Je pense que si les gens continuent à nous classer dans ce genre, c’est par rapport à The Principle Of Evil Made Flesh. Je pense que nous sommes plus un groupe d'horreur, comme il y a des films d'horreur, un groupe thématique, plutôt qu'un groupe de Black.
MI. Tu as dit aussi dans une interview pour Revolver Magazine qu’avec Thornography, le groupe testait les limites de ce qu’il pouvait faire. Cela signifie-t-il que cet album constitue une étape particulière dans votre carrière ?
Dani. Oui, je pense. On a vraiment voulu tester ces limites dont tu parlais et ce dans toutes les domaines. Pas seulement au niveau de la voix, mais aussi de la structure des morceaux, des mélodies, des guitares afin que l’auditeur puisse se dire que tel titre est vraiment différent de tel autre… Sur Nymphetamine, chaque morceau avait une vraie personnalité, et je crois que sur Thornography, nous avons été plus loin et repoussé encore nos limites.
Ce que nous avons essayé de faire pour cet album, c’est que chaque morceau soit mémorisable en trouvant pour chaque titre la musique qui convenait avec ici un blast beat, là un gros riff Heavy en fonction des nécessités du moment. Si tout avait ressemblé à « Dirge Inferno », même si c'est vraiment un bon titre, l’album aurait été ennuyeux. Thornography est très varié même si ce n'était pas planifié, on a juste cherché à se faire plaisir. La seule chose véritable que l'on ait faite consciemment, ce fut le choix de la cover song (ndr : « Temptation », initialement interprété par un groupe d'Electro Pop britannique des années 1980, HARVEST 17, considéré comme un hymne gay en Angleterre) très éloignée de notre univers mais d'en faire quelque chose qui sonne comme du CRADLE OF FILTH. C'était un challenge.
MI. Pour cet album, vous avez donc joué une reprise de ce groupe d'Electro Pop et sur le titre « Byronic Man », vous avez également fait appel au chanteur d'HIM, Ville Valo. Est-ce que vous souhaitiez par ce biais donner une touche Glam, moins extrême, à votre musique ?
Dani. Non, car ces deux titres sont extrêmes dans leur genre. Comme je disais plus haut, avec « Temptation », il s'agissait de prendre un morceau très éloigné de notre musique pour en faire un titre de CRADLE OF FILH.
MI. Comment avez-vous choisi ces titres ?
Dani. Pour HARVEST 17, à la base, on n'était pas amateurs de la version originale mais on a vite réalisé les potentiels d'un tel titre dont les paroles sont très ambivalentes. Si nous avions repris un truc du type « Thriller » de Michael Jackson, là ça aurait été stupide. Ce titre correspond bien à l'état d'esprit du groupe et les guest vocals assurés par Harry (ndr : chanteuse du groupe de Punk Rock britannique DIRTY HARRY, également guest star sur le dernier album solo de Tommy Lee, Tommyland: The Ride sur le titre « Makin' Me Crazy ») sont fantastiques. Nous enregistrons la semaine prochaine (ndr : l'interview a été réalisée le 22 août 2006) une vidéo avec elle pour ce titre. C'est une fille très sexy, à la Brigitte Bardot, et je crois que cette vidéo va vraiment donner toute sa dimension au morceau.
Pour « Byronic Man », je ne pensais pas à Ville Valo en écrivant, mais une fois le titre terminé, il nous fallait quelqu’un qui puisse incarner une version moderne de Lord Byron et pour l’interpréter, nous avions besoin d’une voix plus pure que la mienne. Ville Valo a beaucoup de respect pour notre musique et j’aime ce qu’il fait avec HIM. Lors d’une soirée organisée par Roadrunner pour les 25 ans du label, il avait fait part à notre producteur, Rob Caggiano, de son souhait d'une collaboration avec CRADLE OF FILTH et voilà…
MI. Le groupe a connu de nombreux changements de line-up. Dirais-tu que cette fois-ci, c’est la bonne ?
Dani. J’ai tendance à dire oui pour chaque album. Mais pour le moment, oui. Nous sommes tous très contents du nouvel album et déjà prêts pour notre prochaine tournée.
MI. Tu as travaillé par le passé avec Alex Chandon sur Cradle Of Fear. Est-ce dans tes projets de faire un autre film, voire même de te consacrer à la réalisation comme Rob Zombie ?
Dani. Oui, j’aimerais bien, mais cela demande beaucoup de travail. Nous avions en tête de faire un second Cradle Of Fear. Pour le premier, les gens avaient travaillé bénévolement et n’avaient été payés qu’une fois que le film avait fait des recettes. Mais faire un second film aurait nécessité trop d’investissement financier et nous n’avions pas non plus suffisamment de temps. Cela ne s’est donc pas fait.
MI. Un petit mot pour conclure ?
Dani. Merci pour cette interview et j’espère vous voir nombreux lors de notre prochaine tournée et nous avons hâte de revenir jouer en France (ndr : CRADLE sera en concert au Bataclan le 13 novembre 2006) où l’accueil est toujours monstrueux et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si nous y avons enregistré notre dernier DVD.
Ajouté : Samedi 07 Octobre 2006 Intervieweur : Le Comte de la Crypte Lien en relation: Cradle Of Filth Website Hits: 58105
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