PAN ! Le signal sonore indique que c’est fait. La balle a été déclenchée. Traversant à une vitesse folle le canon, se logeant dans un coin étriqué de votre encéphale après perforation de la boîte crânienne, vous laissant un amer goût de sang dans le fond de la bouche. Vous êtes désormais mort. Dans votre platine, le Pro Nihilo Esse d’ARS DIAVOLI tourne encore. Les dernières orchestrations se font entendre. Calme plat. Une heure auparavant, vous encore déambuliez chez votre disquaire favori. Puis vous le remarquez, alphabétiquement installé aux côtés d’ARCTURUS et d’ARCH ENEMY. La pochette ne paye pas de mine mais qu’importe, vous êtes attiré par ce « no man’s land » artistique, où vous distinguez la croix de St-Pierre en fonction de la luminosité du quadrillage. Ca ne peut être qu’une œuvre d’un suppôt du Satan. Il est bien connu que ce qui nous effraye nous attire. Vous déboursez ainsi la somme demandée et rentrez chez vous, un sourire niais pendu au bout des lèvres, sans vous imaginer l’enfer qui vous attend. Une fois bien douillet en votre demeure, vous enclenchez la galette dans le mange-disque. Il fait déjà nuit, le sommier est plus confortable en ces heures que le cuir du fauteuil de bureau. Serein, vous vous décontractez, Pro Nihilo Esse en guise de berceuse.
L’atmosphère est pesante, les premiers crépitements deviennent audibles. Le volume augmente, mais c’est la confusion qui règne. Dans un néant musical, Vilkacis, l’unique instigateur du projet s’égosille. Puis nos oreilles s’acclimatent à ce qui va nous être offert. Un Black Metal des plus froids, sauf que celui-là vient d’un pays où la morue et l’astre solaire sont rois, le Portugal. Comme dit plus haut, ce projet est un one-man band qui a germé dans l’esprit du sieur Vilkacis il y’a de cela trois ans. Après quelques essais, il s’engage sur la voie du studio et fignole un premier opus désormais prêt à être lâché pour un public inconscient. Dépravé, aliéné, bestial, paranoïaque, authentique, les adjectifs me manquent. Peut-on s’amuser à décomposer des compositions qui reflètent d’un malaise aussi profond ? Pas à mon sens. D’un point de vue technique, premièrement. Les saturations, les distorsions, le perpétuel grésil, les braillements pestiférant gâchent toute musicalité. Pas que le style en revendique n’en serait-ce qu’un minimum, mais ARS DIAVOLI joue sur ce point les bons élèves de la vieille école nordique. Ses anciens amateurs seront aux anges, les autres plus frustrés d’avoir entre les mains un tableau dont ils sont incapables d’apprécier la plus maligne des courbes. D’un point de vue moral, deuxièmement. A quoi bon s’évertuer à trouver quelconque qualité ou défaut à une telle purée, voulue qui plus est ? Je me permets un début de réponse en vous proposant un défi. Celui de trouver une échappatoire plus humaine qu’un bon Pro Nihilo Esse à un Homme en réflexion. A l’aube de faire un choix de vie, se ressourcer et s’évader de manière naturelle, en communiant par la musique… y’a-t-il quelque chose de plus humain ?
Vous n’en n’avez que faire. Vous avez basculé en enfer, victime de votre dernier achat. La vie n’est pas teintée que de rose, mais aussi d’un noir d’ébène. Vilkacis est fort aise de vous le rappeler. Dans votre malheur, vous avez déclenché la balle. Trouvez-moi une échappatoire plus humaine. De toute façon, vous n’en n’avez que faire, vous êtes mort.