Mon pauvre Joe, je crois que ça y est, tu viens de faire ton entrée définitive dans le clan très prisé des Yngwie Malmsteen, des Axl Rose, des Van Halen. Le clan des « has-been ». Ce qui devait s’annoncer comme un évènement important – la sortie de ton tout premier album live – sonne le glas d’une carrière qui ferait mieux de s’arrêter là …
Pourtant tout ne fut pas facile pour toi, et la manière avec laquelle tu as su relever certains défis doit imposer le respect. Comme passer derrière Ian Gillan et David Coverdale dans DEEP PURPLE, ou derrière Ronnie James Dio et Graham Bonnet dans RAINBOW par exemple. Supporter les stars égocentriques, de Blackmore à Glenn Hughes en passant par un Malmsteen qui ne t’a pas épargné par la suite (« avec Joe, les paroles étaient toujours les mêmes, du genre baby, let’s fuck tonight »). Assumer l’album du Pourpre Profond le plus Rainbowesque de tous les temps (Slaves And Masters en 1990). Encaisser les critiques, de ceux qui te trouvent trop lisse et gentillet pour le Hard Rock. Critique quelque peu justifiée, dans la mesure où les albums sur lesquels tu chantes ont toujours marqué la période la plus « FM » d’artistes un minimum plus couillus. Je pense à Odyssey, notamment, qui reste quand même un chef d’œuvre.
Surtout, au bout de 30 ans de carrière, les tonitruants Hughes Tuner Project et The Usual Suspects ont laissé croire que non, tu n’as pas encore tout dit. Récemment, on a d’ailleurs associé à tes prestations live des line-up alléchants, comprenant du Carlos Cavazo (QUIET RIOT), du Vinny Appice (BLACK SABBATH), du Simon Wright (ex-AC/DC). Avec le recul, toute cette mise en scène pue la mascarade avec pour sous-titre, « attention, Joe Lynn Turner est bien vivant ».
Première déception : sur ce Live In Germany, pas tout à fait un Live In Japan Pour Les Has-Been mais un peu quand même, point de star au rayon musicos. Pas de Cavazo, pas de Appice. Ce sont Karl Cochran (guitares), Greg Smith (basse), Michael Sorrentino (claviers) et Carmine Giglio (batterie) qui t’accompagnent. Loin de moi l’idée de dénigrer ces musiciens qui ont sûrement des qualités, mais bordel qui a mis au point ces arrangements minables ? Un clavier réglé sur la fonction « orgue Hammond » et qui double les parties de gratte pendant tout le concert, c’est ça ta vision du « live » Joe ?
L’essence même du « live », le plaisir de voir ou d’entendre un mec ou un groupe sur scène, c’est de tout prendre dans la gueule, de s’enfiler des versions plus « couillues » de chansons phares. Déjà que les « I Surrender » et « Street Of Dreams » font figure de titres dits accessibles dans le répertoire de RAINBOW, alors si en plus tu ne pousses pas un peu ta voix pour rattraper un accompagnement trop « Star Academy » … Franchement ce clavier qui fait « bwuuuuuuuuuuu » ou « pouiiic » en permanence, je ne peux pas ! N’est pas Jon Lord qui veut !
Symbole de cette setlist affreusement dénaturée et mutilée, le « Burn » de DEEP PURPLE, sur lequel Giglio s’en sort pourtant comme un chef, n’a rien, mais alors rien de brûlant. Et puis d’abord de quel droit tout le monde reprend « Burn » en ce moment ? Un seul groupe l’interprète avec passion aujourd’hui et c’est le WHITESNAKE de David Coverdale ! Un Coverdale avec qui, finalement, tu ne tiens pas la comparaison. Voilà un chanteur qui sait « muscler son jeu » comme dirait Aimé Jacquet.
Le défenseur que j’étais de toi dirait : « oui mais Joe chante juste ». Et bien je vais t’avouer quelque chose, Môssieur Joe Lynn Turner Le Précieux : j’aurais préféré quelques couacs, mais en plus musclé, en plus rock tout simplement. Là ça fait un peu « Joli Burger et son groupe local » …
Quand je pense que même ton propre tubesque « Power Of Love », vous parvenez, toi et tes copains, à le recouvrir de guimauve infâme … Décidément chez Frontiers, par les temps qui courent, on sort du très bon … et du pas terrible. Pour ma part, une page se tourne …