DENIS LABBÉ (FRA) - auteur (Sept-2009)
On peut être à la fois prof de Français dans un Lycée, auteur de nouvelles fantastiques, critique littéraire et responsable d'une section Metal sur un site Web. Oui, oui, c'est possible, Denis Labbé en est la preuve vivante. C'est à cet amoureux du Metal que l'on doit "Les 100 Indispensables du Metal à Télécharger", sorti en Septembre 2008 chez Fetjaine. Loin de se démonter face aux critiques dignes d'Eric Naulleau de votre serviteur, Labbé a tenu à expliquer pourquoi il considère son ouvrage comme une initiation, et non comme une encyclopédie. Et en lisant les quelques lignes qui suivent, vous allez comprendre que l'Encyclopédie, c'est lui ...
Oeuvres majeures : Le Fantastique (avec Gilbert Millet, 2000, éd. Ellipses), Promenades avec Seignolle (2001, EODS), La Science-Fiction (avec Gilbert Millet, 2001, éd. Belin), Le Fantastique (avec Gilbert Millet, 2005, éd. Belin), Les 100 Indispensables du Metal à Télécharger (2008, éd. Fetjaine)
Metal-Impact. Bonjour Denis ! Afin de bien commencer cette interview, je crois que des présentations s'imposent...
Denis Labbé. Pour faire court et axer sur ce qui nous passionne : le Metal, j’écoute cette musique depuis 1980, ce qui veut dire que j’ai vu évoluer le genre. J’ai fait comme pas mal de monde dans le milieu : monté des groupes, fait un peu de gratte et de basse (mais je n’étais pas bon alors que j’ai un petit frère qui est vraiment excellent guitariste), chanté, managé puis je me suis dirigé vers la critique pour des magazines et fanzines comme Rock Time, Khimaira ou Faeries puis pour des sites. A présent, je suis responsable du Metal sur lefantastique.net. D’un autre côté, je suis professeur de français dans un lycée, essayiste et écrivain.
MI. Comment un écrivain, traducteur et spécialiste de littérature fantastique s'est-il retrouvé à écrire un ouvrage sur le Metal ?
Denis. On voit que tu as pris quelques renseignements sur moi (ndr : eh oui, on essaye de faire ça bien quand même ...). Je suis en effet écrivain et j’écris d’ailleurs en écoutant du Metal, ce qui se retrouve souvent dans mes nouvelles. J’ai une liste énorme de groupes qui ont influencé mes textes (RAMMSTEIN, RHAPSODY, DROWNING POOL, HORRESCO REFERENS, SONATA ARCTICA, SUP, DEAD SOUL TRIBE, DRESDEN DOLLS, etc.). Comme je l’ai écrit, j’aime le Metal, depuis BON JOVI (enfin là, on s’éloigne un peu du genre à présent) jusqu’à DIMMU BORGIR et j’ai toujours eu envie d’en parler. Si je l’ai fait dans des revues ou sur des sites, c’est différent d’écrire un livre. En fait, Gilles Verlant (le directeur de collection musique des éditions Fetjaine) avec qui j’avais pris contact, m’a proposé d’écrire ce livre et j’ai donc accepté. C’était bien entendu en respectant le cahier des charges de la collection : 100 titres détaillés (plus 30 en fin de volume).
MI. Denis, avant de parler des choses qui fâchent, je dois te dire : j'ai beaucoup apprécié que tu évoques les racines du Metal, que tu remontes jusqu'aux STEPPENWOLF et autres YARDBIRDS ...
Denis. J’adore toutes les périodes du Metal. Je possède des albums (et certains en vinyle) des premiers pas du genre : BLUE CHEER, CREAM, VANILLA FUDGE, THE YARDBIRDS, … voire des trucs plus barrés encore qu’il serait un peu long d’énumérer ici. J’adore le Blues, qu’il soit électrique comme Johnny Winter, Buddy Guy ou Calvin Russell ou acoustique comme le DELTA BLUES. Il me paraissait donc évident de plonger aux racines du Metal et du Hard Rock en évoquant “Born To Be Wild”, “Train Kept A Rollin’” ou “Baby Please Don’t Go”. Il me semble que les plus jeunes doivent apprendre d’où viennent MACHINE HEAD, SLIPKNOT ou TRIVIUM quand même. J’ai découvert le genre avec AC/DC, THE ANGELS, ROSE TATTOO, SAMSON… qui sont autant de groupes à avoir puisé dans le Blues et le Rock des débuts. Dans le même temps, j’aime les groupes directs, le Sleaze Rock, le Proto-Punk (THE DICTATORS, ou à présent son évolution THE HELLACOPTERS, HARDCORE SUPERSTAR …).
MI. J'ai été très surpris en revanche de ne pas voir de morceaux de CREAM sélectionnés, à mon sens c'est un Power trio dont l'influence est très sous-estimée dans le Metal ... (et je pourrais faire le même reproche pour les STONES...)
Denis. Eh oui ! Mais je vais sans doute le répéter tout au long de cette interview, je n’avais que 100 titres à choisir, et il a fallu faire des coupes draconiennes. Au début, j’en avais 250 en évitant d’en choisir plusieurs par grands groupes et à la fin, il n’en est resté que 100. CREAM, NAPALM DEATH, OBITUARY, BATHORY par exemples, et dans des genres différents, sont passés à la trappe. Mais j’aurais bien voulu faire découvrir BACHMAN TURNER OVERDRIVE ou BUDGIE par exemple, mais j’ai choisi URIAH HEEP et MOUNTAIN. Et pour un titre mis, j’ai dû écarter Y&T, MAMAS BOYS ou APRIL WINE, SOILWORK, IN FLAMES, CHILDREN OF BODOM ou MSG. Les ROLLING STONES auraient pu avoir leur place dans les précurseurs, car des titres comme “Paint it Black” ou “Satisfaction” ont aussi influencé pas mal de groupes (qui a dit AEROSMITH ?). Là encore, j’aurais dû enlever quelqu’un d’autre. Mais j’aurais pu y ajouter THE WHO dont je suis un fan (je conseille les rééditions Deluxe Edition de certains de leurs albums qui sont de purs chefs-d’œuvre), les MC5, BLUE CHEER, …
MI. Ce qui aurait été bien, c'est que le livre soit illustré par des photos des groupes sélectionnés ... Le lecteur aurait pu visualiser l'évolution du Hard et du Metal au moins d'un point de vue look et vestimentaire ...
Denis. J’aurais bien voulu, mais je n’ai vu le produit fini qu’une fois… fini. Je n’ai eu aucun regard sur la mise en page, les illustrations, les couleurs, le format… Là, c’était le boulot de l’éditeur. Peut-être pour un plus gros bouquin un jour où un éditeur me fera à nouveau confiance. La version à corriger de l’intérieur que j’ai eu était rouge…
MI. Denis, lors de nos premiers échanges par mails, tu me parlais d'un cahier des charges imposé par la maison d'édition. Voilà une contrainte dont le lecteur et le chroniqueur n'ont pas forcément connaissance ...
Denis. Quand on écrit un tel livre, il faut entrer dans le moule. Je connaissais la collection pour avoir reçu un précédent livre. J’avais donc droit à 100 titres, un par page, avec un nombre précis de signes par page à ne pas dépasser. Ensuite, chaque titre devait être illustré par des anecdotes sur sa création, sa réception par les fans, ses ventes… J’ai réussi à proposer un classement par “genre” qui m’a permis de présenter le Metal sous toutes ses formes et d’évoquer des dizaines d’autres groupes. C’est d’ailleurs cette dimension qu’il faut aussi prendre en compte. S’il n’y a que 100 titres détaillés, plus 30 titres cités, j’en évoque des centaines d’autres, ainsi que pas mal de groupes. Là, ce n’était pas dans le cahier des charges, mais j’ai réussi à le contourner pour essayer de donner un plus large aperçu possible de cette musique. Si l’on m’avait donné la place pour 1 000 titres, il y aurait encore eu des oublis tant le genre est large.
MI. Je crois ne pas trop me tromper en disant que ta discographie personnelle a joué un grand rôle dans le choix des 100 titres ... Est-ce facilement conciliable avec un cahier des charges imposé ?
Denis. Je possède plusieurs milliers de CDs de Metal (tous légaux car je ne télécharge rien illégalement. D’ailleurs, je n’ai même pas l’ADSL). Il a fallu que je plonge au cœur des mes armoires (j’en ai 11 en ce moment, plus des piles de CD qui n’y ont pas trouvé place et qui sont dans mes bibliothèques). Ce fut difficile de tout sortir, de conserver les albums essentiels et de tricher un peu en mettant mes goûts personnels en avant, tout en essayant de choisir aussi des titres qui ont marché à leur époque ou qui demeurent des classiques. Alors, non, ce n’est pas facile de concilier un tel volume avec 100 titres à choisir. Je me suis cassé la tête durant des jours et des jours. J’ai fait des tas de listes, que j’ai changées, pour finalement arriver à ce choix personnel, discutable, contestable, mais il en est ainsi avec toutes les listes. Le livre, même imparfait, a au moins le mérite d’exister.
MI. Du coup, par moments le lecteur a l'impression que le temps s'est arrêté, notamment lorsque tu dis "le Metal (...) puise ses sources dans le Rock et le Blues". Cela exclut d'autres sous-genres du Metal influencés par les musiques de films, la New Wave, etc ...
Denis. Ce petit livre ne s’adresse pas aux spécialistes, aux connaisseurs ou aux fans qui ont de la bouteille, mais plutôt aux plus jeunes qui veulent découvrir le genre ou à ceux qui ont besoin d’un éclairage particulier sur les différents courants. Il a fallu simplifier. Surtout que cette citation est extraite de la préface et que je devais choisir des mots qui frappent et qui parlent aux gens qui voudraient savoir de quoi parlent ce livre. Evidemment que le Metal d’aujourd’hui est protéiforme. Si j’avais dû parler de la New Wave, il aurait fallu que j’évoque des groupes comme DEPECHE MODE qui ont influencé pas mal de groupes. Cela aurait pu se faire si j’avais cité SUP dans les groupes français. Mais j’ai fait passer mes amis de SUP à la trappe parce que j’avais dû mal à choisir un seul titre. Et pourtant, c’est peu dire que j’aime ce groupe, j’ai même écrit une nouvelle (qui vient d’être publiée dans un numéro spécial de la revue Galaxies) “ Néovocyte 41 ” à partir de leur dernier album et avec l’aval du groupe. Même chose pour la musique de film. Cela se serait fait à travers RHAPSODY (OF FIRE…)… Mais j’ai pu parler de l’influence du classique, de la musique Gothic… Je n’ai en revanche pas parlé de l’influence celtique (ou d’un mot) ou de la World Music. Je le regrette, mais le Metal est tellement riche que FINNTROLL, GLITTERTIND, ELUVEITIE ou WALTARI sont passés au travers. J’ai évoqué SKYCLAD qui fut l’un des géniteurs du genre Folk Metal dans la partie Thrash. Ce n’est pas une encyclopédie, mais un bouquin d’approche. J’ai déjà eu l’idée de cette encyclopédie, mais personne n’est vraiment intéressé pour l’instant.
MI. Serait-il moins évident, comme on le disait dans la chronique, de trouver des "indispensables du Metal" quand ça touche à l'extrême ?
Denis. Oui et non. Le Metal extrême a évidemment sa place, mais comme il est plus underground, il s’expose moins et touche moins de monde. Le cahier des charges devait tenir compte aussi de la réception du public. J’adore le Metal extrême, enfin pas le Grind, je dois l’avouer, mais je devais choisir. J’ai déjà évoqué certains groupes, mais d’autres auraient pu avoir leur place dans un livre de 200 titres. MARDUK, EMPEROR, BURZUM, EXODUS, les excellents DEATH ANGEL, NEVERMORE que j’adore, CELTIC FROST pour son impact à une époque où ces courants extrêmes manquaient de repères. Les Français de LOUDBLAST ou de GOJIRA, mais aussi DAGOBA… J’en oublie. Mais beaucoup sont cités dans les présentations de genres. De plus, le Metal extrême ne cherche pas à faire des hits mais bien à livrer quelque chose de plus profond, de plus vaste, à travers des albums qui sont souvent perçus comme des tout. Alors, il manque BATHORY (que j’aime depuis les compilations Scandinavian Metal Attack), SATYRICON, CANNIBAL CORPSE ou ANOREXIA NERVOSA que certains auraient bien vu à la place de GODSMACK ou le “Nemo” de NIGHTWISH. Mais bon, ce sont des choix et je pense qu’il faudrait un livre entier rien que pour l’extrême.
MI. Tu me dis que le cahier des charges devait tenir compte de la réception du public … Pourtant le Metal à chanteuse fourmille de hits et de groupes accrocheurs avec les WITHIN TEMPTATION, AFTER FOREVER, LACUNA COIL, NIGHTWISH, EPICA, … Il s’agit d’une scène à part entière avec un public nombreux et pourtant, tu n’as visiblement pas pu t’étendre là-dessus (la remarque pourrait être la même avec la scène de Power mélodique nord-européenne) …
Denis. Là, on entre dans les détails de la scène actuelle qui est vraiment intéressante et variée. C’est encore une preuve qu’il faudrait plusieurs ouvrages pour traiter de toutes les nuances du Metal. Depuis quelques années, les groupes de Gothic Metal avec chanteuse forme un courant vraiment riche du Metal. Cela a commencé avec plusieurs groupes qui ont lancé le genre, mais s’est développé avec l’arrivée sur le devant de la scène d’EVANESCENCE qui a trusté les hits. Pourtant, c’est loin d’être le groupe le plus enthousiasmant de cette scène. THEATRE OF TRAGEDY, NIGHTWISH, WITHIN TEMPTATION, LEAVES EYES, AFTER FOREVER et LACUNA COIL étaient là avant, mais n’ont finalement éclaté qu’après la déferlante EVANESCENCE. Mais je vais en choquer quelques-uns, peut-être, je peux vous dire que l’on s’emmerde vraiment à un concert d’EVANESCENCE alors que les autres groupes, ou EPICA également, ont quelque chose à apporter. Dans leur sillage, des groupes comme EDENBRIDGE, ELIS, OCTAVIA SPERATI, VISION OF ATLANTIS, SIRENIA, DELAIN (un groupe à suivre…), DRACONIAN, MIDNATTSOL, TRISTANIA… ont ensuite emprunté le même chemin. En France, les groupes sont plus marginaux, mais THE LAST EMBRACE, MARKIZE ou dans un autre registre plus puissant DYLATH-LEEN ont de quoi nous faire plaisir. Malheureusement, je n’ai pu évoquer que NIGHTWISH et EVANESCENCE par manque de place. Il en va de même pour tout ce qui est Power mélodique, une scène que j’aime beaucoup. D’ailleurs, j’ai toujours été attiré par les groupes nordiques depuis PRETTY MAIDS, 220 VOLT, TRASH ou MADISON. Sans compter, MERCYFUL FATE ou EVIL (qui a fait long feu après un EP vraiment excellent), mais qui s’éloignent du genre que tu évoques. STRATOVARIUS est un groupe indispensable qui a malheureusement essuyé quelques revers ces dernières années, mais qui va, je l’espère, renaître de ses cendres. SONATA ARCTICA sort un bon album à la rentrée (même s’ils m’ennuient sur scène) et je ne déteste pas écouter un petit HAMMERFALL de temps en temps. Il faudrait un livre entier pour parler de cette scène, notamment de la scène finlandaise qui livre un groupe par jour depuis des années. Il suffit de suivre les sorties du label Spinefarm pour s’en rendre compte (WARMEN, MACHINAE SUPREMACY, …) ou de jeter une oreille chez Metal Heaven et ses dérivés pour voir qu’à l’instar de l’Allemagne qui nous a toujours abreuvés de groupes mélodiques (HELLOWEEN, GAMMA RAY, EDGUY, FREDOM CALL…), la Suède, le Danemark et la Norvège sont au top en ce moment. Je me passe toujours les albums de MORGANA LEFAY et de ses dérivés, notamment INMORIA cette année. Mais j’invite aussi les fans à chercher dans d’autres pays comme la Suisse, l’Espagne ou l’Italie d’excellents groupes dont on n’entend pas souvent parler. Et en France, bien entendu où, dans tous les styles, il y a de quoi se faire plaisir car Manitou/Thundering, Brennus, Holy Records et Season Of Mist notamment font un vrai boulot pour soutenir notre scène nationale.
MI. N'as-tu pas l'impression d'avoir consacré un peu trop de pages aux dinosaures, au risque de snober ce qui a suivi ? Pourquoi leur consacrer 2 ou 3 titres, puisque finalement, 100 titres ça fait court ?
Denis. Oui, sans doute. Mais comment ne laisser qu’un titre à LED ZEPPELIN, DEEP PURPLE, AC/DC ou BLACK SABBATH ? J’y ai pensé. Cela fut un vrai dilemme. Déjà que l’on m’a reproché d’avoir choisi “ For Whom the Bell Tolls ” par rapport à un autre titre de METALLICA, qu’est-ce que cela aurait été si j’avais réduit LED ZEPPELIN à “Stairway to Heaven” et DEEP PURPLE à “Smoke On the Water” ? Mon directeur de collection m’a incité à faire comme ça pour montrer l’importance de ces groupes. Et puis, il y avait plein d’anecdotes à évoquer sur eux. C’était amusant. Mais je ne me suis pas arrêté aux dinosaures dans ma discothèque, en tout cas. J’ai craqué sur le dernier AMON AMARTH l’année dernière, j’adore PORCUPINE TREE, OPETH ou MACHINE HEAD, et ce ne sont pas des dinosaures. Mais d’un autre côté, j’aime aussi me passer MSG, UFO, URIAH HEEP ou BLACK SABBATH. Cela dépend de mon humeur. Je puise dans mes armoires ou dans les piles un peu au hasard.
MI. Les difficultés que tu as rencontrées ne démontrent-elles pas, au bout du compte, que le Metal n'a jamais été aussi riche et diversifié ?
Denis. Absolument. Dans les années 1970, les fans avaient le choix entre le Hard Rock (LED ZEPPELIN, DEEP PURPLE, UFO, AC/DC, AEROSMITH, …), le Heavy Metal pour les plus sombres (BLACK SABBATH essentiellement ou KISS, JUDAS PRIEST et MOTORHEAD) et quelques groupes qui mêlaient un peu de Progressif à leur musique (URIAH HEEP, BLUE OYSTER CULT, QUEEN… ) ou de la Pop (ANGEL, APRIL WINE ou HEART par exemple). Pour ceux qui allaient plus loin, il y avait sans doute des albums à dénicher, mais l’offre n’était pas si étendue. A la fin des années 1970, la New Wave Of British Heavy Metal a explosé pour contrer le mouvement Punk tout en s’en nourrissant, ce qui a offert une large palette de couleurs aux fans (IRON MAIDEN, DEF LEPPARD, SAXON, SAMSON, GIRL, GIRLSCHOOL, HOLOCAUST, BLITZKRIEG… n’ont absolument rien en commun). Puis le Thrash a explosé, le Black et le Death sont apparus par vagues successives. Le Punk et le Hardcore ont perfusé le Metal. Enfin, des groupes ont osé glisser du Funk, de la Soul, de la World Music, de la New Wave, de la Cold Wave, du classique ou de la musique de film pour parvenir de nos jours à une offre pléthorique, d’une rare richesse. Il suffit d’aller dans un festival Metal pour se rendre compte que FREAK KITCHEN et EPICA peuvent cohabiter, comme ANATHEMA et PRIMAL FEAR ou THE GATHERING et FINNTROLL. Ce serait déroutant pour quelqu’un qui ne connaît rien au milieu, mais les fans de Metal sont très ouverts. Ils sont capables d’applaudir Jeff Scott Soto chantant des tubes Dance/Soul, de s’éclater sur le Hard Rock de KORITNI puis d’aller applaudir la démesure de THERION. C’est ce que j’aime dans le public Metal qui est finalement assez ouvert même si des clans se forment parfois. Voir un fan d’AURA NOIRE se faire plaisir à un concert d’OMNIA (groupe de Folk hollandais) c’est rafraîchissant. Je ne sais pas si mon exemple est caractéristique, mais j’écoute aussi bien SHAKA PONK que MOLLY HATCHET ou W.A.S.P. dans la même journée, un vieux live de SCORPIONS puis le dernier MESSALINE avant de coller L’ARC EN CIEL (un groupe japonais démentiel qui joue un Rock teinté de Metal et de Progressif vraiment original). Dans quelle autre mouvement avons-nous des groupes capables de jouer des styles si différents ? Au Raismesfest des mecs ont déliré avec ULTRA VOMIT après s’être éclatés sur les prouesses de Pat McManus et avant de chanter avec Gary Barden les tubes de MSG. Oui, notre époque est riche, l’offre est surabondante et il faut faire son choix. Mais il y a vraiment de quoi s’éclater. Regarde un peu QUEENS OF THE STONE AGE ou STATIC X. Quels points communs entre ces deux groupes ? MINISTRY et SYMPHONY X ? ABSU et MR BIG ? Eh bien, tout cela c’est le Metal dans le sens large. Et je m’en fous des étiquettes ! Moi, je pense plutôt à l’éthique qu’à l’étiquette, et je ne cherche pas à savoir si BON JOVI c’est moins Metal que DGM qui l’est moins que SOILWORK qui l’est moins que SEPULTURA qui l’est encore moins que DYING FETUS… Ce ne sont que des combats de bas du front. J’ai toute la collection des Enfer Magazine, Hard Force, Rock Time, Metal Hammer, Hard’n’Heavy… puis à présent Rock Hard et Hard Rock. Sans parler de magazines étrangers et de fanzines… Le Metal, c’est tout cela.
MI. Depuis que tu as pris connaissance des critiques (positives ou négatives) portées sur ton ouvrage, y a-t-il des choses ou passages que tu referais différemment ?
Denis. Oui. Je ferais un deuxième volume… J’enlèverais sans doute un titre ou deux ici ou là pour replacer un groupe oublié. Il y a un groupe de trop dans la partie visual et au moins deux qui manquent dans la partie Black/Death. Mais, je ne pense pas que je changerais beaucoup de choses. Même si l’on m’a reproché ETHS et SHAKA PONK à la place de GOJIRA ou LOUDBLAST dans la partie française, deux groupes que j’aime aussi (je connais LOUDBLAST depuis leurs débuts étant donné qu’ils sont originaires de la même région que moi, comme SUP). Je savais que j’allais essuyer des critiques. Il y a dans ce livre des groupes que j’aime et dont je voulais parler pour mettre un peu plus les projecteurs sur eux. Et ça a marché.
MI. Mais ce que tu me dis là est terrible Denis ! On pourrait alors penser que pour ces groupes que tu cites, tu leur as fait de la promo alors que ce n'est pas le but initial ... Faut-il voir là le cri de liberté d'un auteur cloisonné par une maison d'éditions ?
Denis. Je ne suis pas cloisonné. Un auteur est toujours libre. J’avais envie de mettre mon grain ce sel. Qui se souvient ou qui connaît MOUNTAIN aujourd’hui ? (Note de Nico : moi Denis ! Et Leslie West est un tueur !!! MOUNTAIN existe toujours et je vous conseille à tous l’album Man’s World de 1996 avec son putain de titre d’ouverture “ In Your Face ” !)
J’avais envie de parler de ce groupe qui a vraiment marqué une époque. Pareil pour TESLA qui est un groupe qui a sorti des albums majeurs. SHAKA PONK et ETHS ont des voix originales qui font aussi la richesse du Metal. Comme je ne pouvais pas parler de tous les courants, je voulais que l’on puisse connaître deux groupes français vraiment originaux. Il y en a d’autres, mais ces deux-là sont au-dessus du lot et ceux qui ne s’en aperçoivent pas devraient écouter un peu plus attentivement. En plus, ce sont deux groupes démentiels en concert. Candice tient une scène comme personne d’autre. Lorsque je l’ai vue à quelques centimètres de moi au Splendid de Lille, j’ai halluciné. Un mec est monté sur scène pour la provoquer. Elle n’a pas bougé d’un cil et l’a éjecté d’un simple regard. Elle tient le groupe à bout de bras. Quant à SHAKA PONK, c’est un groupe complet, à la fois musicalement et visuellement. N’oublions pas que son batteur n’est autre que Bob Snake de SORTILEGE (Mon groupe français préféré de tous les temps…) et que ça emmène lourd sur scène. Leur mélange de Hardcore et de World Music est irrésistible dès qu’ils montent sur les planches. Mais c’est pareil pour SUP qui propose un show complet. Et puis, je dois l’avouer, Gilles m’a laissé les coudées franches une fois données les consignes. Il m’a juste guidé dans la mise en place du plan. Il n’a censuré aucun groupe, aucun titre. Pareil pour Jean-Louis Fetjaine, le patron de la maison d’édition. D’un bout à l’autre, j’ai pu faire ce que je voulais. Il est facile de bosser avec eux car ils connaissent chacun leur boulot. Gilles Verlant aime aussi le Rock et les groupes de Hard Rock (mais moins la scène actuelle). Il a écrit plusieurs livres sur le Rock et en a dirigé bien plus de la Pop au Punk, en passant par le Hard Rock et la variété. Je ne pouvais pas tomber mieux pour un premier livre sur le Metal.
MI. Bon maintenant inversons les rôles ... Qu'as-tu pensé, en toute sincérité, de ma chronique ?
Denis. Je suis également critique littéraire et musical. En cela, j’essuie de temps en temps la colère de certains groupes et écrivains qui ne sont pas contents de mes critiques. J’en ai même quelques-unes qui pourraient figurer dans des livres de blagues tellement elles sont ahurissantes. Pour cela, je n’ai rien à dire contre les gens qui jugent mon travail, puisque je fais de même pour celui des autres. A partir du moment où l’on a décidé de créer quelque chose de public, il faut accepter les critiques. La tienne, comme celles d’autres amateurs de Metal, est intéressante même dans ses parties les plus virulentes, tout simplement parce qu’elle émane d’un amoureux du genre. Nous sommes des milliers à aimer le Metal et je suis certain que si chaque fan avait dû choisir 100 titres, nous n’aurions pas deux livres identiques. Une critique ou une lecture, c’est la rencontre entre un livre et une personne. A partir du moment où les points négatifs soulevés sont justifiés, je m’incline. Si j’avais été si énervé que cela, je n’aurais pas répondu à cette interview.
MI. En tous cas ta sagesse force le respect, tout le monde devrait en faire autant ... Denis, j'ai récemment lu ta chronique élogieuse du dernier HEAVEN & HELL (d'ailleurs tu peux aussi aller lire la mienne, héhéhé), mais y a-t-il des groupes ou courants plus récents qui te bottent ?
Denis. J’aime tout (sauf le Grind). C’est cela qui est difficile. Dernièrement j’ai craqué pour le dernier ELUVEITIE en version acoustique et gauloise. GLITTERTIND m’a aussi pas mal botté. Je suis un fan invétéré du Japon où des groupes sortent des albums absolument incroyables (MUCC, GIRUGAMESH, DESPAIR’s RAY et surtout OMNYO-ZA qui mélange Heavy à la LOUDNESS et influences orientales avec un chanteur et une chanteuse, hallucinant ! ) mais qui passent parfois à des kilomètres au-dessus de la tête de certains critiques européens. J’aime aussi le mélange des genres de SHAKA PONK ou WALTARI, parce que cela nourrit le Metal. Autrement, dans les derniers groupes sortis j’ai bien aimé ARTAS, THE PARLOR MOB, THE ANSWER, BLACK TIDE, le dernier ABSU m’a renversé alors que je n’aimais pas trop les précédents, les deux derniers SATYRICON ont fait les beaux jours de mon casque, DEVILDDRIVER me retourne à chaque fois, KORPIKLAANI m’a réconcilié avec le Folk Metal, les albums de STREET LEGAL ou STONEDRIVE ont pas mal tourné sur mes platines, les retours de GREAT WHITE, WINGER, Lou Gramm ou HOUSE OF LORDS m’ont réjoui. Le dernier MSG aussi m’a fait plaisir. Et puis, SHAKA PONK (Note de Nico : bon là on avait remarqué que tu étais fan Denis !) est toujours aussi renversant. En Prog Metal, outre les champions que sont SYMPHONY X, le dernier DREAM THEATER est superbe, ou dans le même style l’album de PATHOSRAY est vraiment bien. Le prochain EPICA est à découvrir, comme SONATA ARCTICA ou le nouveau AXXIS. J’ai aussi été surpris par un groupe comme BIGELF ou par le projet CRASH THE SYSTEM mené par un ancien champion d’athlétisme finlandais. J’attends NEVERMORE, un hypothétique SAVATAGE, un MANOWAR vraiment complet et réussi (c’est presque de l’utopie…), le prochain SATAN JOKERS… Mais j’en oublie quelques dizaines, car il faudrait que je refasse un livre. Comme tu le voies, mes goûts sont très éclectiques.
MI. Pour faire plus court, que penses-tu du Metal actuel ?
Denis. Comme dit plus haut, je trouve qu’il n’a jamais été aussi riche. Entre Danko Jones qui incarne le renouveau du hard rock avec des groupes comme VOLBEAT ou NASHVILLE PUSSY, la vague Folk Metal, la démocratisation du Black (on ne me lance pas d’anathèmes, j’ai pas mal d’élèves qui sont fans de groupes underground, c’est bien une preuve), le retour du Thrash, l’envolée de certains groupes français comme DAGOBA, GOJIRA ou ETHS, l’apport de musiques extérieures ou le retour aux sources du Heavy (même chez les filles : HYSTERICA, HOLYHELL…), voire d’anciens groupes comme URIAH HEEP, MSG (qui a été excellent au Raismesfest), tout est en place pour donner au Metal une place de choix dans le monde et en France. Preuve en est, l’importance du genre parmi les jeunes que je vois chaque jour dans mon lycée. C’est étonnant. J’en parlais encore aujourd’hui avec mes élèves. Il y a quelques années, je n’avais que des fans de Rap dans mes classes, aujourd’hui les élèves portent des t-shirts NIRVANA, TRIVIUM, BULLET FOR MY VALENTINE voire A PERFECT CIRCLE (eh oui !). D’autres me parlent d’AC/DC, de LED ZEPPELIN ou de FOREIGNER. Que demander de plus ? Que les fans achètent des disques ! Arrêtez de télécharger de manière illégale, cela tue notre musique. Des labels ferment leurs portes, d’autres sont au bord du gouffre…
MI. A ce sujet, on ne s'étendra pas sur le titre volontairement provocateur du livre ... Néanmoins, que penses-tu du marché du disque et du monde de la musique d'aujourd'hui ? A l'heure où Hadopi 2 est voté, quel est ton avis sur la question du téléchargement ?
Denis. Le sous-titre précise “ légalement ” ! Je tiens à le préciser et c’est annoncé dans la préface. Les créateurs crèvent dans notre société consumériste. Il faut savoir qu’un écrivain ne touche que 8% du prix hors taxe d’un livre (cela fait moins de 1 Euro sur un livre à 15 euros). C’est un peu plus pour les groupes. Pour vivre de son travail, il faut vendre 20 000 livres ou CD par an… Quand on est seul. Imaginez pour un groupe… Le téléchargement asphyxie les petites maisons de disques qui sont victimes de la politique suicidaire des gros labels qui ont pendant trop longtemps vendus les CDs trop chers. Tout le monde n’a pas vécu cette période, mais moi si, où l’on nous avait promis que les CDs seraient moins chers que les galettes noires… Résultats des courses, les CD sont restés 30% plus chers et n’ont jamais baissé. Les gros labels ont vécu sur les rééditions de leurs catalogues et à présent, ils ne savent plus comment gérer les pertes de ventes. En même temps j’en veux à ceux qui peuvent acheter des CDs de voler les artistes. Je ne vise pas les jeunes, les ados, qui n’ont pas d’argent mais leurs parents, mes collègues profs, les gens des classes moyennes ou supérieures qui ont longtemps fait vivre le monde de la musique et qui tiennent à présent un discours radical devant la jeunesse pour ensuite voler les artistes par derrière. Là est le problème. Quand j’entends un collègue en salle des profs dire à un autre : “ ne l’achète pas, je l’ai téléchargé, je te le passe ”, cela me révolte. Pire, j’ai un élève, fils de prof, qui a annoncé la gueule en cul de poule : “ j’ai un téra-octets de films piratés sur mon ordinateur… ” Cela me fait bondir. Personne ne respecte plus le travail d’autrui dans notre monde ? Là, ça craint ! Certains de vos lecteurs vont dire : “ il se plaint, mais il reçoit les CDs gratuitement ! ”. Certes, mais j’achète ensuite ceux qui me plaisent vraiment. Au Raismesfest, j’ai acheté les deux derniers Pat McManus pour les faire dédicacer et j’ai refusé que le label me les envoie. Je ferai les critiques à partir des CDs que j’ai achetés. Si je n’ai pas payé ma place, j’ai dépensé plus de cent Euros en albums divers. Souvent, j’achète des t-shirts ou autres produits de merchandising. Je suis un vrai fan. Quant à la loi Hadopi, je ne comprends pas comment elle va pouvoir marcher, mais je crois sincèrement qu’il faut faire de l’information. A 15 ans, j’échangeais des cassettes au son crade avec mes copains, à présent les ados téléchargent des MP3 sans comprendre que le son n’est pas bon ou n’est pas celui du CD. Il faut informer. Quel fan sait combien gagnent les groupes par CD ou quand ils viennent jouer dans un festival ou un concert ? Très peu. Je ne sais pas s’il existe une bonne manière de procéder, mais je conseille de télécharger ou d’écouter sur les sites des groupes les morceaux qui plaisent pour ensuite acheter l’album s’il plaît. On a le droit de ne pas aimer, mais cela ne sert à rien de collectionner si l’on n’aime pas. On peut aussi éviter le plus souvent possible certains magasins qui gonflent les prix. Souvent, c’est moins cher directement sur le site du label ou sur certains sites de VPC. Il y a de toute manière plusieurs moyens d’acheter légalement et moins cher ses CDs que dans les grandes chaînes qui continuent à exagérer et à nous prendre pour des abrutis et des vaches à lait.
MI. Denis, je voulais te remercier pour ta sincérité et ton ouverture d'esprit. Les derniers mots de cette interview sont pour toi ...
Denis. J’espère que j’ai été clair et pas trop long. Je me souviens encore de ma mère qui me disait quand j’avais 15 ans “ dans deux ans, tu n’écouteras plus ça ! ”. C’était il y a presque 30 ans. J’en écoute toujours et de plus en plus. Continuez à faire de même… Quant à mon livre, s’il peut amener des gens à découvrir des groupes ou à comprendre des genres, tant mieux, je ne l’ai en tout cas pas écrit pour gagner de l’argent. Achetez plutôt un CD à la place si vous ne pouvez pas faire les deux. Enfin, vu le prix du livre, cela ne va même pas faire une moitié de CD !
Ajouté : Mardi 22 Septembre 2009 Intervieweur : NicoTheSpur
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