PEARL JAM (usa) - Vs. (1993)
Label : Epic / Sony Music
Sortie du Scud : 19 octobre 1993
Pays : Etats-Unis
Genre : Hard-Rock
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 46 Mins
950,378.
On dit souvent que l’écueil du second album est difficile à franchir, et pourtant ce chiffre qui donne le tournis confirme que certains groupes négocient mieux le virage que d’autres.
950,378
Rien de moins que le nombre de copies de Vs écoulées en une seule semaine aux states. Record qui tiendra jusqu’au Double Live de Garth Brooks, autre poids lourd, de la Country lui.
On en trouve sur Vs de la Country, ou presque, de la Country diluée, désabusée, anonyme. De la Country à la Vedder à propos de ces anonymes qui meublent le paysage mais dont on ne se souvient jamais du nom.
Ce qui est sur, c’est qu’en 1993, tout le monde connaît le nom de PEARL JAM, et de ses musiciens, au grand dam de certains d’entre eux d’ailleurs. Ce qui les gêne aussi, c’est ce grand studio, tout perfectionné, qui ne correspond pas à leurs critères, sauf une fois de plus pour Abbruzzese, qui s’y sent comme un poisson dans l’eau. Alors on fait tout pour oublier ça, on mise sur la rage, l’authenticité, la rugosité, l’instantané.
Si « Once » faisait office d’entrée en matière grandiloquente sur Ten, le « Go » d’Abbruzzese et son faux départ révélateur fait lui l’effet d’une bombe. C’est éloquent, et symptomatique de l’esprit de revanche du Jam sur le Biz’ et le Star System qui broie ses interprètes.
D’ailleurs comme le dit Eddie, « I’d rather be with an animal ».
Et ce mouton enfermé qui cherche désespérément la liberté en passant son museau par le grillage était la plus belle métaphore que le groupe pouvait trouver pour se décrire. Second titre, second tube. Secoué par des guitares directement issues d’une union sacrée entre la fuzz des 70’s et la lourdeur distordue des 90’s, « Animal », sans mauvais jeu de mot, devait autant au titre homonyme de DEF LEPPARD que la tequila au lait fraise.
Mais chez PEARL JAM, les éclairs striés de la colère côtoient souvent les ciels étoilés, et le fabuleux « Daughter » de faire monter les astres au plus haut des cieux avec cette guitare acoustique lardée d’un solo électrique instinctif, le tout porté par le chant faussement désabusé d’Eddie. Il n’y a que PEARL JAM pour faire de cette complainte d’une fille abusée un morceau plein de chaleur acoustique sans paraître déplacé.
Trois titres, et déjà, la maturité est là. Mais si l’unité de ce début d’album semble coulée dans le béton, l’ironique « Glorified G » et son « Got a gun, fact I got two, that’s OK man coz I love God » a vite fait de recentrer le débat. Premier signe de désaccord entre la racine du groupe et son batteur, qui possède des armes, aime la célébrité et le confort, « Glorified G » est symptomatique et signe avant coureur du limogeage prochain du tumultueux frappeur. L’idéaliste Vedder s’en prend au lobbying des armes, si chèrement défendu par des figures comme Charlton Heston ou Ronald Reagan, et ne tardera pas à s’attaquer à un autre monopole, un peu plus centré sur son métier.
« Dissident » aurait pu n’être qu’une chute de studio ou un leftover de Ten, mais le son si rugueux qui enveloppe la guitare est complètement ancré dans l’optique revancharde de Vs ; lucidité après les rêves naïfs de gloire modérée.
Vedder, très éveillé socialement, continue sur sa ligne de conduite « prise de conscience » avec « WMA » (White Male American), et dénonce les dérives xénophobes de la police sur fond de percussions tribales qui explosent au détour d’un refrain revendicateur. Première surprise de l’album, quasi prophétique d’un Vitalogy à venir qui ménagera quelques frissons à l’auditeur.
Le furieux « Blood », composé par le groupe in extenso nous ramène aux racines Punk si chères à Vedder, et éclabousse de sa classe rageuse le milieu de l’album. Sept morceaux, aucun faux pas, c’est presque un miracle, et c’en est un. Mais pas le temps de souffler, puisque « Rearviewmirror » nous agite de son groove pataud, et propose un regard en arrière qui semble un peu prématuré à ce stade de la carrière du groupe. Il est vrai que les premières années d’existence du JAM n’ont pas été de tout repos. Et le final du morceau de nous le rappeler avec son leitmotiv de basse répétitif en arrière plan, et le chant d’Eddie qui s’envole une fois de plus.
Et comme le dit si bien Vedder, « Saw things so much clearer, once you… ».
« Rats » à le Funk tranquille des RED HOT des grands jour, le phrasé aussi, et Eddie se la joue crooner vicieux. Pas un désir de se la faire suintant et moite, juste une envie de tester des choses différentes, choix emblématique de cet album sans faute de goût.
Mais l’acoustique reprend vitre son droit de cité, et le nostalgique « Elderly Woman Behind The Counter In A Small Town », hymne des sans gloire, des anonymes, des inconnus au visage qui passe en laissant une trace infime, de ceux qui peuplent les petites villes sans d’autre ambition que de vivre, atténue un peu la rage du milieu d’album, et on retrouve vite l’emprunte de Springsteen tant vénéré par Eddie, voire de John Cougar, qui ont su comme personne chanter l’Amérique des Cols Bleus.
Et je me demande bien qui à ce moment là peut encore oser associer PEARL JAM à la vague « Grunge » de Seattle…Mais bien sur, c’est l’instant que choisit le quintette pour nous balancer un « Leash » incendiaire, pourtant posé sur un lick de guitare joyeux et entêtant. Reprenant le même personnage féminin que « Why Go » qu’on retrouvait sur Ten, il permet de jauger le fossé qui sépare ces deux œuvres, du cri primal, naïf et adolescent à la colère plus mature, diluée dans la séduction sournoise comme le Imagine de Lennon pour mieux faire passer le message.
Ne reste plus au long « Indifference » qu’à feindre le détachement, et à clôturer l’album sur une touche en demie teinte, comme une photo récente jaunie par un soleil trop vif, qui brûlerait les ailes de ceux qui s’en approcheraient de trop près.
Il est fréquent dans le Rock qu’un second effort surpasse un premier jet, aussi séminal soit il. Si Ten sentait le coup fourré des grosses majors pour appâter le chaland toujours friand d’exotisme rafraîchissant, Vs fut une énorme claque dans la face, et révélateur d’un groupe qui n’avait pas l’intention de se laisser faire, ni de tomber dans le piège de la starification facile.
On pouvait avaler Ten comme une grande gorgée d’eau fraîche, à peine réchauffée par les thèmes sombres qu’il abordait. Mais il fallait faire un effort pour engloutir Vs, et certainement pas cul sec. Si l’album fut un succès public énorme, de nombreux « fans » se demandaient où le groupe voulait en venir.
Mais certains, un peu plus éveillés que la moyenne, sentaient déjà les changements à venir, et surtout la passation de pouvoir de Gossard et Ament vers Vedder, qui finira par cloisonner le groupe dans un petit cube où il se sentait en sécurité. Loin des flashs crépitants, des ragots, et des querelles vaines.
Mais peuplé de cafards bizarres, d’accordéons stridents, et de manuels sur les dangers de la masturbation.
Discographie Complète de PEARL JAM :
Ten (1991),
Vs (1993),
Vitalogy (1994),
No Code (1996),
Yield (1998),
Live On Two Legs (1998),
Binaural (2000),
Riot Act (2002),
Lost Dogs (2003),
Live At Benaroya Hall (2004),
Rearviewmirror (Greatest Hits 1991-2003) (2004),
Sydney, Australia, 11-07-2006 (2006),
Pearl Jam (2006),
Backspacer (2009),
Live On Ten Legs (2011),
Lightning Bolt (2013),
PEARL JAM AU PAYS DU GRUNGE (BOOK - 2011),
PEARL JAM : Pulsions Vitales (BOOK - 2013)
Ajouté : Lundi 26 Septembre 2011 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Pearl Jam Website Hits: 11514
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