« Veni Vedi Vici ». Pour un groupe qui a la prétention d’imiter les performances, guerrières je suppose, de l’Empire romain, il ne manque plus que la victoire. Ils sont venus sur la scène Metalcore américaine, ils ont vu qu’elle débordait de formations plus ou moins efficaces, ils ont débuté leur conquête avec To Plant A Seed. Ils, c’est WE CAME AS ROMANS. Non loin du Canada, sur les rives du Lac Sainte-Clair, la petite ville tranquille de Troy a été le théâtre d’une marche sonnante et triomphante. Six de ses habitants se font regroupés pour former ce qui est, à l’heure où je vous parle, un des groupes les plus en vogue de la scène Core. La recette du succès n’est pas bien différente de celle de ses confrères, il faut un fer à lisser bien chaud et une sacrée dose d’impétuosité, assez pour enfoncer des portes ouvertes en tout cas. Chez d’autres, ça casse. Chez eux, ça passe. Si vous voulez comprendre le pourquoi du comment, je vous propose de revenir ensemble sur un premier album controversé pour son insolente réussite.

Rangeons au placard les railleries infantiles, les attaques non-constructives et passons outre le fait que nos américains ne sont qu’un combo de plus, à l’image des coups de crayons qui s’entassent sur les murs de la cellule d’un condamné. Car bien sûr, WE CAME AS ROMANS surfe sur la vague du Metalcore basique, du Post-Hardcore qui s’étouffe dans sa graisse. Mais ils le font en empruntant tous les éléments qui font la réputation de ses meilleurs représentants. Breakdowns et synthés pour THE DEVIL WEARS PRADA, songwriting dissonant et apocalyptique pour ALESANA. Cette musique s’adresse évidement à un public jeune et ciblé. Elle reflète l’émotivité des plus jeunes d’entre nous et leur donne ce qu’ils ont envie d’entendre : un enrobage caramélisé et agressif qui colle aux dents. La faute aux growls lents et hachés de David Stephens. La faute à des breakdowns assourdissants, déjà très crabbys pour l’époque. La facette marketing du groupe est donc un secret de polichinelle. D’autant plus que tous les poncifs les plus éculés sont égrenés avec une insouciance déconcertante. Le chant clair, trafiqué à mort pour ne pas sonner trop faux, les nappes de claviers qui couvrent des riffs atmosphériques, les intermédiaires électroniques sur « To Plant A Seed » ou les violons sur « Intentions », tout y passe. Mais quand on y pense, ce timbre clair ne sonne comme aucun autre, ces grunts non plus. Ces patterns de batterie sont intelligents, ces coupures rythmiques sont bienvenues. WE CAME AS ROMANS possède un jeu qui lui est propre, un son typé. Ces musiciens assument ce qu’ils font et voient un peu plus loin que le bout de leur nez. Ils font en tout cas l’effort de varier les ambiances, d’écrire des compositions fluides et percutantes, même si les ingrédients sont souvent les mêmes. Tombant peut-être trop dans l’Electro à certains moments (« Beliefs »), ce disque s’écoute sans déplaisir. Les américains la jouent facile mais n’ont pas un son granuleux et linéaire comme beaucoup de formations Metalcore actuelles (UNEARTH, KILLSWITCH ENGAGE pour ne pas les cites). Après, il y a ceux qui s’accommoderont et ceux qui rechigneront à ce type de productions surfaites et arrangées. Les mélodies popisantes, le riffing catchy, les refrains stéréotypés sont autant d’arguments proposés par WE CAME AS ROMANS pour ouvrir le champ de son auditorat. Leur fort aura été sur ce disque de ne fermer aucune porte, d’oser l’ouverture musicale, de lutter contre vents et marées, de s’entêter à vouloir faire ce que d’autres font sans succès. Leur faible… peut-être d’être arrivés au mauvais moment ?

To Plant A Seed est un premier opus crédible, prometteur, équilibré, qui s’est légèrement bonifié avec le temps. La tentation de le ranger rapidement dans la corbeille est un sentiment qui est légitime, compte-tenu du dégoût qu’inspire ce type de formations aujourd’hui. Mais si je peux me permettre un conseil, il regorge de surprises qui pourraient bien satisfaire vos expectations. Ça, je l’ai découvert avec le temps. A vous de mettre de côté vos griefs envers les attitudes provocantes et les démarches pas toujours très intègres, pour leur laisser au moins le bénéfice du doute.