DANS L’ABIME DU TEMPS (2000)
Auteur : Howard Phillips Lovecraft
Traduction : Jacques Papy et Simone Lamblin
Langue : Français
Parution : 6 décembre 2000
Maison d'édition Française : Gallimard (collection Folio science-fiction)
Nombre de pages : 381
Genre : Fantastique
Dimension : 17.5 x 10.5 cm
ISBN-13 : 9782070416172
Chroniquer du Lovecraft est un exercice aussi difficile que de saisir la substance des écrits du plus grand auteur de contes d’épouvante. Le bonhomme paraissait torturé, asocial, impossible à cerner (on lui prête même des propos xénophobes dans ses premiers écrits), et le moins que l’on puisse dire, c’est que ses œuvres resteront à jamais fidèles à sa personnalité énigmatique.
D’ailleurs, en tant que « Metal addicts », nous avons tous connu Lovecraft en voyant son nom gravé sur la pierre tombale du Live After Death d’IRON MAIDEN. Et le fameux instrumental « The Call Of Ktulu » sur le Ride The Lightning de METALLICA n’a pu qu’accroître un intérêt naissant. Certains groupes comme les excellents DYLATH-LEEN puisent même leur inspiration chez l’auteur américain. Peu reconnu de son vivant, Lovecraft et son œuvre ont largement influencé des domaines culturels aussi variés que la littérature fantastique (Stephen King en tête), le cinéma (John Carpenter, Clive Barker, Guillermo Del Toro), la sculpture ou encore la peinture (citons le Suisse H.R. Giger comme plus illustre « élève »).
Mais finalement, connaît-on vraiment Howard Phillips Lovecraft ?
Qui peut prétendre avoir complètement compris son message ?
Car on ne lit pas Lovecraft comme on dévorerait du Stephen King. Il n’y a rien de comparable. Le texte de Lovecraft est dense, complexe, étourdissant, constitué de longues réflexions et de raisonnements quasi-mathématiques. Et pourtant, au milieu de cet afflux de mots qui devraient donner naissance à une logique implacable, seule la folie demeure.
Chez Lovecraft, point d’hémoglobine ou de peur primale. La violence n’agresse que l’esprit et provoque le vertige. Le monde qu’il a imaginé, des Grands Anciens (des Dieux à forme hideuse d’un autre temps) jusqu’à l’œuvre de « référence » appelé Necronomicon, témoigne d’une bouleversante et terrifiante créativité.
C’est encore plus effrayant de lire cette déclaration du Maître : « tout ce que j’ai écrit, je l’ai rêvé d’abord » …….
Alors, afin de commencer « en douceur » l’initiation à Lovecraft, il existe un recueil d’écrits nommé Dans l’Abîme du Temps, que je ne peux que vous conseiller. Il contient les nouvelles suivantes …
Dans l’Abîme du Temps (The Shadow Out Of Time, paru en Juin 1936)
Dans l’Abîme du Temps représente une entrée en matière parfaite dans le monde lovecraftien. Ce récit nous plonge tout droit dans les méandres de la folie. Il nous raconte l’étrange amnésie de Nathaniel Wingate Peaslee, professeur et maître de conférences du Massachusetts. Une amnésie survenant brutalement et qui fait basculer sa vie : au-delà du fait qu’il doit tout ré-apprendre, du langage jusqu’aux mouvements physiques, sa femme ne supporte pas ce « nouveau » Nathaniel et le quitte, ses enfants également. Surtout, il se découvre assez rapidement avide de connaissances sur les sciences occultes et autres mystères métaphysiques. Durant 5 ans, le temps de son amnésie en fait, ce Nathaniel là étudie (à moins qu’il ne les connaisse déjà ?) ces notions plutôt passées sous silence à l’époque et synonymes de sorcellerie. Quand soudain, en 1913, il redevient l’homme qu’il était avant son accident. Peu à peu, découvrant les notes que son « autre » aurait écrit, il s’efforce de percer la vérité sur un passé dont il ignore tout …
La Maison de la Sorcière (The Dreams In The Witch-House, paru en Juillet 1933)
La Maison de la Sorcière a été adapté par Stuart Gordon dans le cadre de la série « Les Maîtres de l’Horreur ». Si cet épisode, que l’on qualifiera de « plaisant », se laisse regarder sans problème, on peut lui reprocher de s’éloigner du thème initial. Il ne met pas assez l’accent sur l’obsession de Walter Gilman, étudiant en mathématiques, à vouloir déchiffrer l’architecture de sa modeste chambre. Walter se retrouve bientôt envoûté par la sorcière qui surgit de ces murs difformes. Il s’endort à un endroit et se réveille transporté à un autre. Il fait d’affreux cauchemars évoquant une terrible malédiction, autour de cette chambre, de cette maison, de cette ville …
L’Appel de Cthulhu (The Call Of Cthulhu, paru en Février 1928)
Les Grands Anciens sont des Dieux maléfiques oubliés ou bannis. Ils attendent patiemment pour faire leur retour. Certains sorciers et prêtres ont d’ailleurs ces phrases incompréhensibles à la bouche : « dans sa demeure de R’lyeh la morte, Cthulhu attend en rêvant ». Alors qu’aux quatre coins du monde, un vent de folie souffle sur une population en proie aux délires violents, aux hallucinations, aux cauchemars traumatisants. S’agit-il d’un signe ? Et que représente cette créature identiquement décrite par plusieurs individus qui n’ont pourtant rien en commun ? Voici les quelques mots qui vous glaceront d’effroi et vous donneront une image abominable du Grand Ancien Cthulhu : « le monstre était indescriptible … aucun langage ne saurait rendre de tels chaos de folie immémoriale et hurlante, cette hideuse contradiction de toutes les lois de la matière, de l’énergie et de l’ordre cosmique ».
Vous voilà prévenus …
Les Montagnes hallucinées (At The Mountains Of Madness, paru en Juillet 1933)
Voilà un récit dans lequel Lovecraft a su profiter des lacunes de la connaissance humaine, et en particulier en ce qui concerne certains territoires inexplorés au début du 20ème siècle. Comme, par exemple, l’Antarctique. Là où le Professeur Dyer et son expédition vont faire une bien curieuse découverte, de ruines à l’existence insoupçonnées jusqu’à la présence de créatures simplement baptisées « Choses Très Anciennes » … Pour l’anecdote, John Carpenter aurait intitulé son excellent film lovecraftien « In The Mouth Of Madness » en hommage à cette nouvelle. En poussant plus loin, on peut aussi imaginer que Les Montagnes hallucinées lui ont donné bien des idées quelques années auparavant pour le script de « La Chose » (« The Thing »).
Avant d’en finir avec cette chronique, je voulais cependant vous avertir.
Lire Lovecraft ne se prend pas à la légère.
Je ne suis pas sûr qu’un esprit humain équilibré soit préparé à ça.
Et au fait, savez-vous pourquoi METALLICA a écrit « Ktulu » et non « Cthulhu » dans le titre de son morceau instrumental ?
Simplement parce que les simples mortels ne peuvent ni épeler, ni écrire son nom ……
Ajouté : Samedi 21 Mars 2009 Chroniqueur : NicoTheSpur Score : Lien en relation: Folio Website Hits: 41997
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