ANNIHILATOR (ca) - Feast (2013)
Label : UDR
Sortie du Scud : 23 août 2013
Pays : Canada
Genre : Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 50 Mins
Je parlais souvent de vieux amis dans mes précédentes chroniques. Ces musiciens qui bercent mon imaginaire depuis des décennies, et dont la musique m'a aidé en de nombreuses reprises à continuer ma route... David Coverdale, Jon Bon Jovi... Et puisque nous sommes en plein coeur de ce sujet, comment pourrais je passer à côté d'un cas à part, et omettre de citer un homme qui m'a certes souvent déçu, mais dont le talent n'a jamais quitté ma mémoire...
Jeff Waters a certes eu le tort de sortir en guise de premier effort un album culte, parfait, que tout le monde a honoré en son temps, le magique Alice In Hell. Depuis ce jet séminal, j'ai toujours attendu, j'ai souvent relevé l'inconstance de l'homme et du musicien, et décrié des albums parfois sympathiques, souvent ratés, parfois franchement bâclés, mais je savais que la flamme se réveillerait un jour, tel le phoenix que Jeff a justement chanté.
Et j'avais raison. Car après moult digressions sur de mêmes (sous) thèmes, et après un Metal en 2007 encore une fois moyen, la délivrance est arrivée un beau jour de 2010, sous les traits d'un disque éponyme, Annihilator, qui m'avait vraiment donné du baume au coeur et qui avait justifié ma patience. Je retrouvais enfin ces riffs acérés, cette intelligence de composition, ces cavalcades rythmiques si précises, et ce mélange unique de Heavy torride et de Thrash limpide. Mais une fois de plus, je me posais cette question:
Est ce que Waters allait maintenir une telle qualité de composition, doublée d'une efficacité aussi diabolique ?
Et bien Feast nous apporte trois ans après la réponse, qui n'est rien de moins qu'un "oui" massif! ANNIHILATOR, toujours réduit au noyau Waters/Padden semble avoir trouvé sa vitesse de croisière, et offre à ses fans un constat de santé éclatante.
Feast, c'est bien sur la continuité d'Annihilator, qui lui même était une relecture savante et moderne des deux premiers opus du groupe. On y retrouve encore une fois ces riffs taillés au rasoir, ces rythmiques oscillant sans cesse entre pilonnage Heavy et cavalcade Thrash, ce chant vindicatif et empoignant l'auditeur à la gorge, et bien sur ces soli précis et mélodiques, trademark d'un six cordistes au talent proportionnel à sa modestie. Feast regorge d'hymnes instantanés, de l'introductif et haineux "Deadlock" au riff "légèrement" emprunté au "No Remorse" de METALLICA (et au parfum EXODUS plus que prononcé...), au laminant "Smear Campaign", plus nuancé, hypnotique et regorgeant d'arrangements ludiques, Waters n'a pas oublié la recette de cette mixture improbable entre harmonie létale et vitesse fatale, même si l'emphase en général est plutôt portée sur le mid tempo mortel.
Au premier plan, "Demon Code" et ses six minutes qui auraient pu sans honte figurer sur le crucial "Never, Neverland". Ce morceau permet à Waters et Padden de passer en revue toutes les facettes du Thrash moderne, avec une juxtaposition de rythmes virevoltant, de trouvailles rythmiques qui claquent, de mélodies qui répondent du tac au tac, et de soudaines envolées de boite à rythme qui s'échappent. Brillant!
"No Way Out" et son intro dissonante met l'emphase sur les contretemps, mais sait régulariser les débats pour proposer au final un refrain d'acier, aiguisé comme une lame de chevalier.
Mais bien sur, il fallait compter sur Jeff pour nous surprendre et ne pas se contenter d'aligner une dizaine de titres efficaces et classiques. Car même si les riffs se perdent parfois dans les méandres de l'emprunt (parfois à lui-même), il a constellé son album de petites perles créatives, le genre de chansons qu'on remarque de suite pour leur côté unique et personnel.
"No Surrender" offre ainsi une intro si Funky que Nile Rodgers déboulera sans crier gare dans votre salon, avant de repartir de plus belle sur un lick que n'aurait pas renié Dino Cazares. Mais ça ne s'arrête pas là pour autant ! S'ensuivent un pont planant posé sur des guitares acides, et un solo à l'arraché qui réduira vos oreilles en cendres! Bizarre ? Bordélique ? Non, décapant !
"One Falls, Two Rises" ressemble à ces longues suites épiques qu'on retrouvait souvent sur les saillies Heavy des années 80. Première partie doucereuse, en forme de power ballad, et puis les compteurs s'affolent, les potards s'envolent, et la double grosse caisse batifole! Huit minutes de construction à tiroir, faisant la part belle aux saignées Thrash, avant de doucement revenir vers la quiétude, pour s'affaler dans la plénitude.
Mais bien sur, Feast n'est pas exempt de défauts. Comme je le disais, certaines parties de guitare, aussi efficaces soient elles, sonnent parfois réchauffées. Certains enchaînements trop heurtés donnent parfois la sensation que certains passages ont été imbriqués au chausse-pieds. Et - et ceci est affaire de goût personnel - la ballade "Perfect Angel Eyes" fait un peu "tâche" dans le paysage. Bien qu'à des années lumières au dessus de l'infâme "Phoenix Rising", ses tonalités un peu mièvres détonnent dans la tonalité globale, et cassent la dynamique d'ambiance pour ne pas apporter grand chose.
Le CD bonus proposé offre des relectures modernes de titres enregistrés durant la période pré Padden, et couvre tous les albums du groupe, sauf Remains, inexplicablement absent de l'entreprise de ravalement. Je vous laisserai seuls juges de la pertinence de l'affaire, je me contenterai de dire que certaines chansons s'en tirent mieux que d'autres, et que le son de la boite à rythme ne vaut pas forcément les frappes acoustiques de certains anciens frappeurs du groupe (Mangini en tête).
Mais si Annihilator avait réveillé chez vous la passion, Feast ne l'éteindra en aucun cas. Waters et Padden ont su une fois de plus épurer leur style, n'en retenir que l'essentiel, et se ressourcer sans se répéter. Ce nouvel album est une collection de riffs intraitables, portés par une rythmique qui jamais ne s'étale et un chant agressif qui s'emballe. Waters est comme le vin finalement, il faut lui laisser le temps. Et même si aucun de ses albums n'atteindra jamais le niveau d'Alice In Hell, Jeff saura encore nous emporter de son enthousiasme, et nous donner bien du plaisir. Il ne sert à rien de vivre dans le passé. Les amis changent, comme les musiciens. Et je n'échangerai un Waters 2013 contre rien au monde !
Ajouté : Samedi 26 Octobre 2013 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Annihilator Website Hits: 8246
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