Si j'en crois la cocasserie de la situation, je ferais bien de dire que la boucle est bouclée. Sauf que je n'ai aucune envie de la boucler et qu'il me reste beaucoup de choses à dire. J'arrive le 6 mai 2008 sur Metal-Impact avec un papier sur Imperfect Like A God, le quatrième album de TRAUMA. Embauché. Est-ce que j'ai une dette envers eux ? Je ne sais pas. Mais c'est avec fierté que j'écris aujourd'hui pour Karma Obscura. Car au-delà de l'aspect symbolique de cette chronique, TRAUMA n'a jamais cessé d'être pour moi une référence en matière de Death polonais. VADER, BEHEMOTH, LOST SOUL, DECAPITATED, ceux-là me laissent indifférent mais TRAUMA, c'est une autre affaire. Comment oublier le Daimonion de 1998 ? Comment ne pas remuer son crâne sur "Perplexity Of Truths" ? Tout cela me semble totalement improbable et pourtant, à l'heure où j'écris ces lignes, j'ai la sensation qu'à l'instar de Neurotic Mass ou d'Archetype Of Chaos, ce fraichement arrivé Karma Obscura va subir de plein fouet le m'en-foutisme général qui colle inexplicablement à la peau ce trio.

Ce n'est pourtant pas faute d'avoir progressé, d'avoir ouvert ses chakras. En une poignée d'années, TRAUMA est passé du statut de groupe de Death technique bête et méchant à celui de fins limiers, maîtres des descentes rythmiques catchys, princes des arrangements macabres, ténors de l'écriture efficace et de l'exécution irréprochable. Ca n'a rien de bling-bling, de vendeur ni de sexy mais ça marche. Partant du principe que les plus grands albums du style sont déjà sortis, il ne tenait qu'à eux de faire revivre le mythe. Et de quelle manière ! Tout en conservant l'indispensable feeling old-school qui se matérialise dans des roulements de batterie compacts ou une voix enrichie en graisses animales, Karma Obscura rivalise d'inventivité au moment de faire sauter les codes. Plus Heavy, plus mélodique que n'importe lequel de leurs albums, ce nouveau bébé dévoile une parfaite symbiose entre lourdeur et maestria. A l'image du ying et du yang revisité qui orne la pochette, la musique du trio repose sur des parties d'une noirceur intense et sur d'étonnantes éclaircies. Avec son final pachydermique et épique, "Renewal Through Collapse" est le premier titre qui va dans cette direction. Et dès lors, TRAUMA ne nous laissera pas la moindre seconde de répit. Plus groovy et plus mélodieux, "The Nightmare Of Your God" tape dans le Death authentique, au sens le plus musical du terme. Je sais, c'est dur à concevoir mais c'est l'improbable destin de cet opus qui n'était pas du tout attendu à ce niveau. Les titres sont toujours aussi longs, preuve s'il en est que les Polonais restent en quelque sorte fidèles aux traditions. Avec son pont étonnant fait de pianos et de voix narrées, "The Edge Of Depravity" et ses huit minutes remportent la palme du morceau le plus inattendu, comme c'était le cas précédemment pour "Destruction Of The Demented World", "Dead Macrocosm" ou "Determination". Je ne sais pas vraiment si je suis le seul à ressentir ça car peu de monde autour de moi tripe sur TRAUMA, mais j'ai à chaque fois ce sentiment de virtuosité en les écoutants, comme si ce Death dégageait une alchimie imperceptible de l'ordre de la magie, de l'impérial, du majestueux. Force est de constater que Karma Obscura ne déroge pas à la règle et qu'il se rapproche très fortement de ce que le trio sait jouer de mieux.

C'est encore trop tôt pour le dire, mais on tient ici un prétendant aussi sérieux que légitime au titre de "meilleur album Death de 2013". S'articulant autour de structures préfabriquées, ultra-efficaces et dévastatrices, copieusement garni de moments Heavy, de solos grandioses, de breaks planants, ce Karma Obscura prendrait presque la forme du génie sorti de la lampe si cette lampe n'était pas tapissée d'une épaisse couche de sperme. Quand on est aussi bon dans ce que l'on fait, ce sont des choses peuvent arriver.