Il y a UNSAFE, INSANE, THE UNSANE et même INSAN3. A vrai dire, on s'y perd un peu. Si je n'avais pas eu la brillante mais néanmoins logique idée de vérifier, j'aurai persisté dans ma bêtise, certain d'écrire pour la première fois pour ce groupe français. Sauf qu'il y a deux ans, un certain Masterpiece Of The Absurd à la pochette absolument inoubliable, un véritable incendie pour la rétine, est venu présenter ce groupe de Death / Thrash au monde entier, sans que le monde entier ne s'en souvienne. Deux ans plus tard, les couleurs sont moins vives, moins chatoyantes et c'est finalement un mal pour un bien, car la musique des Limougeauds, elle, a franchi un véritable cap. Une Evilution que personne ne prendra soin de remarquer, en dépit des articles et des chroniques qui devraient, sauf improbable retournement de situation, être flatteurs. Et pour cause, ce Death / Thrash impliqué, bagarreur et profond n'inspire rien d'autre que le respect. Respect des traditions. Respect de l'institution.

Et Dieu sait que le métalleux aime quand sa musique de cœur ne tangue pas, ne virevolte pas dans milles directions, ne provoque pas en lui un sentiment d'égarement. Il aime son confort, ses repères et justement, s'il y a bien un point sur lequel UNSAFE pêche, c'est celui-là. Dans ce qui ressemble à un trop grand souci d'authenticité, les Français en oublient de se montrer différents. Je ne suis pas en train de dire qu'UNSAFE est une brebis perdue en quête d'une personnalité. Je dis qu'à mon avis, ce Thrash galopant nuancé de touches Death rappelle un peu trop dans ses grandes largeurs certains cadors du style. ARCH ENEMY est une référence qui revient avec récurrence (et pas seulement à cause de Stéphanie Nolf, leur chanteuse), que ce soit sur "Integrity" ou sur "Side Effects" par exemple, quand les guitares s'embarquent dans un tourbillon inextricable, dans une chute vertigineuse. Ceci étant, UNSAFE a le mérite de se dépatouiller seul dans ce vaste univers, faisant bénéficier à l'auditeur de quelques moments de bonne grâce. Un solo inspiré, une cassure rythmique fort à propos ("Out Of Place"), l'un ou l'autre rythme groovy ("Next Step"), inconsciemment, le groupe sort épisodiquement de cette torpeur stylistique qui privilégie l'efficacité à l'extrême créativité. On ne peut évidemment pas leur reprocher d'avoir des influences, des muses. Par contre, les prises de risque, si tant est que ça en soit, sont trop éparses, trop volatiles pour marquer durablement un album très homogène. Les 12 compositions durent toutes entre 3 et 5 minutes, ce qui renforce cette sensation de roc, de masse granuleuse. En général, l'adjectif "indigeste" vient auréoler cette image. Ce n'est pas le cas sur Evilution. Car même si je suis loin d'être profondément emballé par cet album définitivement trop classique, il serait injuste de mal définir ces quelques compositions, toutes accessibles, toutes bien écrites et bien exécutées. C'est un vrai bon moment de Metal que nous propose UNSAFE, une ombre de percussion se noyant dans la discrétion d'une sortie qui malheureusement pour eux, ne fera pas date. Au mieux, elle confirmera le caractère fertile du sol métallique français, qui trouve toujours un bel équilibre entre groupes talentueux mais timides et formations originales mais aussi extravagantes. Je vous laisse deviner dans quelle catégorie se laisse classer UNSAFE.

Si ces garçons ne semblent plus vraiment bénéficier d'un effet de surprise, ce qui peut justifier une note au rabais par rapport à celle attribuée à Masterpiece Of The Absurd, on prendra en revanche conscience d'une chose avec ce nouvel effort. UNSAFE semble taillé pour la scène. C'est une évidence. Il se dégage d'Evilution une puissance et une frénésie qui ne prend pas dans l'intimité d'un chez-soi. Et où pourrait-elle mieux s'exprimer que sur les planches ? Au final, chacun jugera.