SPITBACK (FRA) - Two-Faced (2014)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 15 mars 2014
Pays : France
Genre : Hardcore
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 44 Mins
Life is pain but we're still here.
Si la poésie est de KNUCKLEDUST, SPITBACK se l'est néanmoins appropriée. Qu'il serait intense d'entendre ces Alsaciens la vociférer d'ici quelques années.
"Nous sommes toujours là". La longévité est aux groupes de Hardcore ce que Sainte-Sophie est à Istanbul : le symbole tentaculaire d'une immortalité courue d'avance. Reflet d'un état d'esprit bien particulier, d'une fraternité qui n'a rien à envier aux saillies osseuses qui lient les Bogdanov, le credo ultime en matière de HxC nous le fait clairement comprendre. Plus c'est long, plus c'est bon. Validée par les Katsumi de caniveau, cette thèse ne s'applique cependant pas (encore) à SPITBACK qui, du haut de sa petite expérience, ne peut prétendre rivaliser avec les mastodontes de la scène. Avec à son actif une bonne chiée de concerts mais seulement un EP (A Fight To Change Your Mind en 2011), le groupe, qui a intégré récemment une bassiste, semble fin prêt pour son grand dépucelage avec Two-Faced. Ou comment se conformer au verdict d'une chaine stéréo.
Car c'est bien beau de faire de la scène son terrain de jeu, de chasser le bétail perché sur les planches. Mais que serait AGNOSTIC FRONT sans Victim In Pain ? BLACK FLAG sans Damaged ? BIOHAZARD sans Urban Discipline ? SICK OF IT ALL sans Blood, Sweat And No Tears ? A chacun sa pierre philosophale. Et l'histoire nous a appris que plus tôt tu la trouves, mieux tu te portes. SPITBACK peut-il déjà prétendre à l'hilarité d'une belle découverte ? Eux non, nous oui. Tout en persévérant dans sa "non-invention" de l'eau chaude, les coreux prennent néanmoins un plaisir salubre à l'utiliser pour débarrasser leur Hardcore de ses impuretés. Après une courte intro samplée signée Kevin Van Mahner, la boucherie peut relever ses stores. Sur l'étal, de grosses pièces de viandes lardées de gras aiguisent notre appétence. La découpe est précise, un travail artisanal conduit de main experte, le produit fini est disgracieux, informe. Le Hardcore de SPITBACK est composé dans la plus pure tradition, avec quelques éléments-charnières qui feront de Two-Faced une sortie pas forcément dispensable. Il y a les cartouches qui blessent et celles qui tuent. Jay au micro est du genre sniper. On peut ne pas aimer son chant postillonnant, son coffre aléatoire (un peu comme celui de Maïté après un 200m haies), et c'est même plutôt légitime. Mais je pense qu'en ayant trouvé une voix si singulière et investie, le groupe s'est ouvert une voie royale. Le Hardcore, c'est des messages. Les messages, c'est par la voix. Ils rêvaient de Roger Miret d'AGNOSTIC FRONT, ils ont eu Pelbu de KNUCKLEDUST. Avec "Talking Shit", SPITBACK a poussé un très grand monsieur à la collaboration. Et si les vocaux proposent un contraste qui sublime l'album après l'ultra-nerveuse "One", c'est surtout l'occasion pour l'auditeur de prendre conscience de cette maturité dans l'écriture. Avec un chanteur expérimenté (et clairement identifiable) aux commandes, l'illusion est presque parfaite ! Je suis en revanche un peu plus mesuré concernant certains morceaux qui exploitent plus hasardeusement leurs spécificités : "Acid Rain" et son côté Beatdown amer, "Stray Shot" assez vite expédié, "Here We Come" transparent. SPITBACK a néanmoins le mérite d'éclipser à chaque fois cette absence de twist longue-durée par de nouveaux temps forts qui reviennent comme des lames de fond : "Brotherhood" et ses chœurs façon NYHC (quel dommage d'ailleurs qu'ils ne soient aussi intenses que sur ce morceau !), "Business" en featuring avec Pascal de BALBOA, lequel apporte un caractère assez grognon à ce titre ainsi que "More Than A Music Style", une ultime déclaration d'amour, comme si on n'avait pas assez bien compris que le Hardcore tirera les ficelles de leur carrière à venir.
Perfectible, parfois inégal mais globalement très encourageant, Two-Faced est un premier effort disposant d'une crédibilité, d'une efficacité et d'une pertinence incontestable. Le fan de Hardcore épileptique et bas du front pourra se cogner à loisir la tête contre les murs, réduire son cerveau magmatique en fine purée : SPITBACK vient d'achever sa réinterprétation dantesque de La Divine Comédie. Entre le Paradis et les Enfers, voilà un défouloir grandeur nature qui prendra autant d'importance sur scène que dans l'intimité d'un salon feutré qui réclame à cor et à cri son saccage.
Ajouté : Mardi 11 Mars 2014 Chroniqueur : Stef. Score : Lien en relation: Spitback Website Hits: 7082
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