CRIPPLE BASTARDS (it) - Nero In Metastasi (2014)
Label : Relapse Records
Sortie du Scud : 17 février 2014
Pays : Italie
Genre : Grind
Type : Album
Playtime : 18 Titres - 37 Mins
Les cancéreux de ce monde (et Dieu sait qu'on n'envie pas leur triste sort) auront maintenant eux aussi une bonne raison de détester CRIPPLE BASTARDS. Après les flics, les politiciens, les nanas, les banquiers, les fanatiques, ces rois de l'Underground perpétuent avec leur nouvel album en date, Nero In Metastasi, leur recherche permanente de conflit et de polémiques. A leur décharge, on ne cause pas ostensiblement de sujets brulants sans froisser personne, et c'est surement ce qui leur a valu fût un temps cette mauvaise réputation de groupe facho et extrémiste.
Non me ne frega un cazzo.
C'est ce que vous répondrait Giulio The Bastard. Toujours affamé, les nerfs en pelote, cet écorché vif n'est jamais rassasié. Le Piémont et la ville d'Asti auront vu naitre en 1988 un enfant terrible. Vingt-cinq ans plus tard, CRIPPLE BASTARDS représente le Grindcore culte par excellence. S'il fallait oser une comparaison pour vous, très chers compatriotes qui méconnaissez encore cette légende urbaine, on pourrait éventuellement dire que leur férocité, leur authenticité et leur esprit DIY reflètent certains traits de caractère d'INHUMATE, sauf que depuis leur signature sur Relapse Records, c'est plutôt du côté de BLOCKHEADS qu'il faudrait chercher la ressemblance. Tout ça, c'est pour la forme. Car sur le fond, on a rarement entendu une telle acidité dans le verbe. Depuis un quart de siècle, CRIPPLE BASTARDS, armé de mots en italien d'une cruauté extrême (sauf sur Desperately Insensitive en 2003) dénonce, balance, assassine. Et parfois même dépasse les bornes, comme lorsqu'il s'agit d'évoquer la pochette d'Almost Human, qui ne rentrerait pas dans les mœurs du tribun le plus provoc.
Avec ce Nero In Metastasi (comprenez "du noir dans les métastases"), les Italiens confirment que la psychologie de comptoir, c'est pas vraiment leur truc. Outre le fait que leur Grindcore est en permanente ébullition, motivé par des accès de colères qui frôlent l'hystérie, l'orientation thématique de ce cinquième full-lenght est symptomatique d'un pays qui part totalement en couille. Giulio The Bastard évoque cette fois la décadence de la société italienne, la lobotomie qui affecte une population passive, le tout schématisé sous la forme d'une tumeur qui évolue peu à peu (d'où le titre). Pourtant, si le sujet est comme toujours, hautement sensible, je ne peux m'empêcher de penser que cet opus dispose lui aussi d'une sensibilité différente par rapport à l'incontournable Misantropo A Senso Unico. La folie douce de leurs débuts, l'insouciance d'un Best Crimes se meurt progressivement depuis quelques années, au profit d'une violence qui a atteint l'âge adulte. CRIPPLE BASTARDS dispose désormais du recul nécessaire sur cette scène pour sortir un album de ce niveau, qui n'est plus dans l'exaltation mais dans la transition. Le quatuor distille sa leçon avec sa haine caractéristique, mais également quelques inclinaisons Brutal Death, quelques riffs moins crusty qu'à l'accoutumée. C'est définitivement l'expérience qui parle, et on le ressent tout autant dans le chant de Giulio, torturé, modulé, viscéral, que dans la production (œuvre d'un certain Fredrik Nordström), l'une des plus puissantes jamais enregistrée par le groupe. Si Variante Alla Morte avait déjà pris ses distances d'avec Misantropo A Senso Unico, alors que dire de Nero In Metastasi ? Le contexte n'est plus du tout le même, et CRIPPLE BASTARDS fait peut-être l'erreur de nous enfoncer ce paramètre dans le crâne en nous proposant par exemple "Occhi Trapianti", un titre Brutal Death plutôt classique ou encore un "Lapide Rimossa" Rock N' Roll, que seule la batterie punky d'Al Mazzotti sauvera du naufrage. Plus contrastant encore : "Splendore E Tenebra", une composition de neuf minutes lente, lente, lente... avec voix susurrées et arpèges qu'on croira avoir déjà entendu dans certains disques de Post-Black. Oui, les bâtards s'offrent le luxe d'une expérience troublante sur un quart de l'album, et achèvent la bête d'un "Morti Asintomatiche" de sept secondes. Comme quoi, chassez le naturel...
Oh oui, Nero In Metastasi est une offrande beaucoup plus singulière qu'il n'y parait. Grind jusqu'à la moelle en surface (ou presque) et bouleversé dans ses propres entrailles. Deux personnalités pour deux concepts parallèles ; la société qui se meurt sous l'effet du grand crabe, comme si CRIPPLE BASTARDS sentait le poids des années sur ses épaules, ou qu'il essayait de nous dire qu'il est secrètement malade. A l'instar de Misantropo A Senso Unico mais avec des munitions différentes, je crois que ce cinquième album a la profondeur nécessaire pour devenir culte d'ici une bonne décennie. D'ici là, le groupe aura eu le temps de cracher sa bile amère sur un monde qui n'ira surement pas en s'arrangeant ou de crever la gueule ouverte dans ce mélange de boue et d'asticots qui l'a vu naître il y a vingt-cinq ans. Car tu es poussière.
Ajouté : Jeudi 24 Avril 2014 Chroniqueur : Stef. Score : Lien en relation: Cripple Bastards Website Hits: 8834
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