Marc Strebler est un homme affamé. C'est peut-être la raison pour laquelle le nouvel EP de ME AS THE DEVIL s'intitule simplement Cannibal. Promis, George "Corpsegrinder" Fisher n'y est pour rien, pas plus que le controversé Ruggero Deodato. Cet EP, c'est avant tout un asile, un endroit où les élucubrations imperceptibles de Marc et de ses protégés percutent les murs, rebondissent, s'imbriquent en une chimère difficilement descriptible. L'univers de ME AS THE DEVIL est donc fait de bric et de broc, et si leur premier album, m6asth6d6vil, ne vous a pas laissé suffisamment de temps pour vous familiariser avec leur son, ce sera désormais la lourde responsabilité qui incombe à cet EP. Et puisqu'il était écrit que Cannibal, en dépit de son format réduit (4 titres pour 22 minutes), aurait un rôle central dans cette pièce tragi-comique étrangement agencée, autant ne pas faire durer le suspens trop longtemps.

Est-ce que tu as un cœur ? La réponse ne pouvant qu'être positive, il te sera très difficile de rester insensible à ces quelques morceaux. En effet, il est tout aussi facile d'adorer cette décoction Indus / New Wave que de la détester, et ce constat est inhérent aux groupes qui font de leurs fantasmes des réalités. L'EP commence fort, trop fort peut-être, avec ce titre éponyme magnétique aux relents Post-??? et aux accents introspectif. Balançant entre Heavy Rock et Rock groovy, à cause notamment de ce refrain pénétrant, cette composition témoigne avant tout de la richesse structurelle, culturelle et intellectuelle du projet, qui ne se limite pas à un style mais qui s'ouvre à diverses possibilités. Le second titre, "Holy Sentence", est pour ma part beaucoup plus rangé, moins mémorable, d'une intensité vraiment différente. C'est un ascenseur émotionnel ridicule et insignifiant qui succède timidement à quelque chose d'universel. Le flou enrobant l'entité ME AS THE DEVIL n'en devient par conséquent que plus épais et irrespirable. Comme si ces musiciens qui jouent avec les symboles et qui s'amusent avec les démons n'étaient finalement que des pantins guidés par une force autrement plus maléfique. Cette force finira par prendre très rapidement le dessus, s'infiltrant au cœur de l'hypnotique et catchy "She's Coming Back For Me" qui, grâce notamment à ses faux-airs de Hard Rock robzombiesque, décrochera le précieux titre de "meilleure compo de l'EP". Une catégorie dans laquelle n'évoluera surement pas "Anger", simple et épique concentré de malice rythmé par des pianos lugubres, des voix planantes, une batterie folle et un fighting spirit bluffant. Suffisant pour caler une rupture démoniaque en bout de course et marquer durablement les esprits. Le timbre de Marc se baladera d'ailleurs encore longtemps, de façon solitaire et improvisée, dans les recoins de notre imagination.

Preuve en est que ME AS THE DEVIL est peut-être un peu plus qu'un projet de Rock Indus et de New Wave à connotation "true evil 666". On ne sait pas si c'est du cynisme mal placé ou de la haute inspiration sardonique, mais ça fonctionne parfaitement. Les Alsaciens ont su écrire une alchimie qui joue sur le subconscient et qui frotte la corde sensible sans verser dans la B.O kitsch du film d'épouvante aux portes claquantes. C'est un détail, mais parait-il qu'Il s'y cache parfois...