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DOCTOR LIVINGSTONE (FRA) - Contemptus Saeculi (2014)






Label : Osmose Productions
Sortie du Scud : 28 février 2014
Pays : France
Genre : Power Black Core
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 46 Mins





When I get to the bottom I go back to the top of the slide
Where I stop and I turn and I go for a ride
Till I get to the bottom and I see you again


Nous sommes en été n'est-il point? L'été, propice à tous les loisirs, saison de détente par essence... On va à la plage, on se promène, on essaie de distraire les enfants... Et que fait on pour amuser de petits mioches blasés qui s'ennuient de tout et ne s'enthousiasment de rien ? Des bracelets de couleur ? Sortez...
Non, pour apporter un peu de joie dans leur petit coeur, on les met dans la voiture, et direction le Luna Park le plus proche bien sur... Manèges, barbes à papa, autos tamponneuses... Et pendant ce temps là, pendant que maman surveille la marmaille, que fait donc papa ? Papa, il fait comme moi, il va vers le grand huit.
Vous aimez les grands huit ? Moi j'adore ça. Mais attention pas n'importe lesquels. Ceux bien pensés, bien construits, qui vous réservent des surprises de taille. Ceux qui se traînent sur une dizaine de mètres, et qui soudain partent en vrille dans une longue chute traumatisante, qui ensuite vous accueillent par un looping ou une saloperie de virage en S qui vous met la tête à l'envers et l'estomac dans la gorge. Enfin, en gros, le parcours qui tue, qui vous laisse quelques secondes de répit avant de repartir de plus belle. Quelques secondes d'enfer pour des sensations qui collent à la peau des heures après l'expérience, car c'en est une.

Life is like a roller coaster ride.

Mais pourquoi je vous parle de ça en fait ? Histoire de gagner des lignes, de meubler une introduction estivale ? Ca pourrait être le cas, mais ces caractères ont un sens, un but. Je réitère donc ma question : aimez vous les grands huit ? Et, par extension, les grands huit musicaux ? Parce que si tel est le cas, j'en ai un pour vous, à l'image de la diablerie mécanique de Final Destination 3. Le dernier album de DOCTOR LIVINGSTONE, Contemptus Saeculi.
Ce docteur qui n'en est pas un et qui n'a sûrement jamais exploré d'île a vu le jour il y a fort longtemps du côté de Montpellier, en 1997 pour être plus précis. Mais la stabilité globale n'étant pas son fort, l'ensemble mettra des années, et pas mal de sorties et d'auto productions pour arriver à s'aligner sur un line-up fiable, en 2012, lorsque les omniprésentes petites mains d'Osmose mettront leurs doigts sur eux. Un album sortira de cette union, l'acclamé Notes du Paradis, qui fera suite à des choses purement improbables aux patronymes ironiques poussés à l'extrême, à l'image de "Notre niveau est trop élevé pour que vous, misérables créatures bipèdes pour lesquelles nous n'éprouvons que du mépris, puissiez porter un jugement à l'encontre de nos délicieuses créations". Mais derrière cette provocation misanthropique bon marché se cache une créature infernale, beaucoup plus intelligente qu'elle n'y parait, tout en ayant une inclinaison naturelle envers tout ce qui est ludique ET dangereux. Une preuve ? Mettez Contemptus Saeculi dans votre mange disque et voyez. Bon, vous êtes prêt, vous avez votre ticket, vous avez bien fait la queue comme tout le monde ? Alors allons-y, montez, attachez votre ceinture, la barrière de sécurité va se caler. Et surtout, ne vous penchez pas en avant...

Look out!
Helter skelter
She's coming down fast
Yes she is...


Un grand huit donc. Un ensemble d'acier, de bois, un peu de guingois et qui n'inspire personne. C'est vrai que ce truc à l'air dangereux quand même. Rien que sa pochette suscite la méfiance. Mais tout ici est en trompe l'oeil, et c'est bien ça qui rend l'aventure si épineuse. Car au jugé, tout sent le coup fourré, l'album de Black classique, un peu pompeux, en tout cas, rien de bien neuf. Et c'est évidemment tout le contraire qui arrive. Car DOCTOR LIVINGSTONE a construit le manège ultime, celui qui colle les foies à chaque fois, celui qui vous flanque la chair de poule, qui vous empêche d'anticiper ce qui va suivre. Pour le construire, ils ont utilisé des éléments disparates, mais qui une fois assemblés, donnent le parcours le plus vertigineux de la musique extrême française. A l'image de cette génération de groupes sans complexes, tels 6:33, CARNIVAL IN COAL, COMITY, THE CNK, PLCD, Six, Reverend Prick, Guru Deadlock et Azat avancent crânement, un léger mépris complice dans le sourire, et les poches remplies de cotillons multicolores. Pour en arriver là, ils ont multiplié les emprunts, avoué leurs influences et aboutit à un mélange unique. Ce grand huit à la vitesse incontrôlable du Black Metal, et sa violence, les accélérations Punk qui vous décalquent la tête et la collent sur le visage du voisin de derrière, la solidité du Metal grandiloquent, et les longues parties qui s'étirent du Post Hardcore et qui rendent la course si courte interminable, dans le bon sens.

Tout commence par une intro grondante, comme une petite ligne droite tranquille qui soudain se brise en une pente à soixante degrés ("Allegro Maestoso (Présentations à la Plèbe)"), et qui semble ne pas avoir de fin, puisque celle ci s'enchaîne sur un enchevêtrement de loopings, virages qui ne vous laissent aucun répit, à un rythme d'enfer ("Starting The Fire", monstre de puissance). Et le voyage éclair est en sus guidé par un monsieur loyal à la voix de démon, qui s'égosille non stop pour accentuer la terreur qui vous enserre durant cette poignée de minutes en forme de boucle parfaite.
Tout est là, les blast qui font monter le compteur de vitesse, les riffs acides et assassins qui tranchent dans le vif, les arrangements hypnotiques et grandiloquents à la CNK (les deux groupes bien que musicalement très différents ont une démarche assez similaire), les cassures nettes qui provoquent, les accalmies qui choquent... Un spectacle intégral qui ne vous fait pas regretter votre argent.
Parfois, la bourrasque se tait ("Onze" déclamé d'une voix de stentor dans la langue de Molière, avec un "Elle est pas belle la vie" lancé comme un clin d'oeil savoureux d'ironie...), mais la plupart du temps, elle dévaste tout sur son passage (le fondu "He Beneath the Scenery" / "By Serpents (Illumination Mea)", soit plus de treize minutes de cahots/chaos non stop). Sur ces deux morceaux, le groupe fait montre de tout son talent de diversité, et juxtapose des vocaux et riffs lancinants sur des rythmes affolants, avant de tout envoyer paître pour se vautrer dans une fange Heavy distordue ("He Beneath the Scenery", au scénario à tiroir), aux motifs arrières évoquant le cirque ou les fêtes foraines d'antan.

Puis soudain, en pleine remontée, les affaires se corsent et le Punkcore reprend ses droits ("From the Bottom to the Grounds", moins de trois minutes d'hérésie Crust totale qui s'achève en un cri terrible), et se fond même en un Black des plus torrides lors de l'intermède "Marked by the Whip, Pt. 3". Le quintette aménage même de courtes plages plus paisibles, transformant le labyrinthe vertigineux en voyage plus tranquille ("Contemptus Saeculi" au final harmonique doucereux), avant de lâcher la vapeur dans un dernier tronçon affolant ("Le" passant par toutes les émotions évoquées, et illustré d'un clip bizarroïde charmant)... Puis la petite cabine s'arrête brutalement après une dernière poussée cauchemardesque ("Requiem N12 en La#")...

Tu me fais tourner la tête, mon manège à moi c'est toi...

Nous sommes en été, et je ne suis pas encore monté sur un grand huit. Mais ça ne saurait tarder. En tout cas, celui proposé par DOCTOR LIVINGSTONE a peu de chances de trouver sa concrétisation matérielle dans un parc quelconque, tant il serait trop complexe à construire et sans doute trop dangereux... Il faut dire qu'ils l'ont élaboré avec l'esprit libre de toute contrainte sécuritaire, sans souci de respect des règles, et au final, les sommets et chutes de Contemptus Saeculi procurent une ivresse totale, qu'aucun manège au monde ne pourra jamais offrir. Peu importe ce que vous cherchez, les sensations sont là, bien réelles. Si cet album reste un des plus grands trompe l'oeil de la musique extrême française, il n'en est pas moins un des plus francs exemples de talent et de pertinence créative.

Allez, montez.
Mais accrochez vous VRAIMENT. Parce que ça secoue.



Ajouté :  Mercredi 20 Août 2014
Chroniqueur :  Mortne2001
Score :
Lien en relation:  Doctor Livingstone Website
Hits: 9086
  
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