Attention : objet culte en approche. J'ai lu le titre de cet album. J'ai vu sa sortie œuvrée par Southern Lord. J'ai examiné le CV de Dylan Carlson, épileptique, grand copain avec BORIS, PELICAN, SUNN O))) et un certain... Kurt Cobain, dont il a honoré la mémoire en rachetant l'arme du crime. Il me fallait assurément un rail de Super Glue avant de commencer l'écoute de cet album qui n'en est pas un. Coincé entre le cinquième (The Bees Made Honey In The Lion's Skull) et le sixième (Angels Of Darkness, Demons Of Light I) full-lenght de la discographie d'EARTH, A Bureaucratic Desire For Extra-Capsular Extraction prête matière à l'adoration. Les collectionneurs héroïnomanes du monde entier se jetteront assurément sur cette pièce-maitresse, qui regroupe des versions retravaillées de titres présents sur la démo de 1990 et les trois morceaux figurants sur l'EP Extra-Capsular Extraction, sorti en octobre 1991. Le nez enfariné, ils dévoreront avec appétit ce morceau de choix. Autant pour sa rareté que pour sa teneur incroyable en vibrations.

Considéré comme le fer de lance du mouvement Drone / Doom / Ambient aux Etats-Unis ainsi que comme l'inspiration première des maitres à jouer de SUNN O))), EARTH est la matérialisation de l'esprit humain poussé dans des retranchements stellaires. On peut expliquer la fascination pour le morbide, le gore, le suicide. Mais avez-vous déjà essayé d'expliquer, d'adorer le néant ? Vide. C'est ce qu'est A Bureaucratic Desire For Extra-Capsular Extraction. Ou quand l'infiniment grand rencontre l'infiniment petit. Alors évidement, il est bien difficile de juger un tel disque, qui se contente d'avancer d'un pas absent, l'esprit perdu dans les étoiles, en conversation directe avec les mutants albinos de l'hyperespace. Pénalement irresponsable, EARTH rivalise de folies pour remettre au goût du jour un amour de jeunesse. Les trois premiers titres, qui totalisent à eux seuls 33 minutes, sont tirés de l'EP Extra-Capsular Extraction, et traverser le désert de Mojave en rampant serait une bien plus douce expérience que d'essayer d'analyser ce Drone mystérieux. Il ne s'y passe rien, et pourtant, il s'y passe tant de choses. EARTH cultive un paradoxe qui tient du divin. Sans s'en donner l'air, Carlson a revisité les travaux d'Ennio Morricone, conférant à sa musique lente et extrêmement minimaliste des allures de western apocalyptique, où le Tabasco se boit avec autant d'aisance que le whisky. L'imaginaire est au centre de ce travail expérimental qui m'a retourné le bide comme l'a fait le you'rNext de BOTTOM récemment. Tout juste a-t-on le temps de s'enfuir du cercle infini d'"Ouroboros Is Broken" qu'on remarque enfin un changement. A peine perceptible, mais réel. A l'arrivée de "Geometry Of Murder", EARTH change de tactique. Le ton se fait plus dur, l'esprit plus """Metal""". On perçoit des riffs courts, des voix fantomatiques sur "Divine And Bright", un malaise palpable sur "Dissolution I". Ce virage, il est celui qui fut le cœur de leur toute première démo, en 1990. Et déjà, la confusion régnait en maitre absolu sur une parcelle de terre paysanne, qui devint deux décennies plus loin, un lieu de pèlerinage pour tout fan de Drone.

A 47 ans, toujours vêtu de son improbable chemise country, Dylan Carlson est le stéréotype du génie musical impénétrable, celui qu'on aimerait pouvoir un jour comprendre. A Bureaucratic Desire For Extra-Capsular Extraction n'est peut-être pas l'indispensable de la discographie d'EARTH, mais il frôle la légende, pour dépeindre avec force détails la Genèse de ce qui est à considérer aujourd'hui encore comme l'un des plus grands groupes de Drone US de tous les temps.

Suffisant pour se dédier au reste de leur œuvre, avec l'espoir immense d'y découvrir le time-lapse de notre vie.