Continuons donc notre tour du monde, et arrêtons nous aujourd'hui en Ecosse, à Edinburgh plus précisément pour découvrir un tout jeune quartette qui sait faire parler la poudre. Il est vrai que DISPOSABLE évoque plus volontiers par sa musique la violence urbaine que les verts pâturages écossais, mais nous ne sommes point ici pour disserter sur le folk et les troupeaux de moutons pas vrai ?
Ca tombe bien, puisque William Robertson, Andrew Anderson, Jack Batcharj et Liam Tucker jouent du Thrash, et du fameux. Ils font partie de cette catégorie de jeunes groupes, à l'instar de WARBRINGER qui pérennisent l'héritage des aînés en y apportant leur touche personnelle. Chanteur bassiste, deux guitaristes, un batteur, ça vous rappelle quelque chose ?

SLAYER ?

Bonne réponse. Mais attention, DISPOSABLE, aussi violent soit il, reste à des années lumières de la bande à King/Araya, même si le chant garde parfois des intonation du Tom juvénile, avec cette voix aigue mais agressive. Ils leurs empruntent certes quelques breaks familiers, des accents de guitare de leur époque la plus moderne, mais là où se situe la plus grande différence entre les deux combos, c'est que DISPOSABLE garde une vitesse d'exécution raisonnable, et s'inspire d'ailleurs plus de TESTAMENT dans la gestion de cette violence mesurée.

Pour bien comprendre la démarche des écossais, "Void" reste l'exemple parfait d'une hypothétique synthèse de cet album somme toute assez cohérent. Intro surpuissante au solo fantasque sur fond de rythmique explosive, contretemps qui se stabilisent dès l'arrivée de la double grosse caisse, puis couplet entêtant et régulier, choeurs convaincants, chant assuré au phrasé précis, en gros, tous les ingrédients indispensables à la confection d'un Thrash fin et pourtant compact, break massif en cadeau. Quatre minutes de logique imparable, symboliques, mais qui ne trahissent pas un quelconque mimétisme interne, loin de là.

Il est pourtant difficile face une si belle unité globale de mettre en avant une piste plutôt qu'une autre. Chaque morceau à ses qualités propres, et chacun devra fouiller pour trouver son hymne favori. J'avoue avoir moi même une petite préférence pour le morceau éponyme, monstre d'énergie au riff redondant et à la rythmique inspirée, qui se concentre sur moins de trois minutes pour rester le plus efficace possible. D'autres seront sans doute conquis par l'ouverture sans nuances de "Existence" qui ne prend même pas le temps de se chauffer avant de bondir sur nos tympans, ou par "Leave This Place", qui fait la part belle au Heavy le plus épais soudain brisé par des pointes de furie lacérées de soli vengeurs. Sur ce morceau, le chant se teinte même des inflexions de Robert Gonnella, vocaliste chez les allemands d'ASSASSIN, en version expurgée et moins systématiquement hystérique s'entend.

Certains regretteront la modernité de la production, qui rapproche encore plus DISPOSABLE de WARBRINGER, et auraient préféré un son plus vintage, qui aurait pu ancrer At The Foot Of The World dans un réalisme 80's que leur musique tend à réclamer. S'il est vrai que leurs compositions semblent s'abreuver à la source du Thrash originel, elles n'en restent pas moins contemporaines dans le traitement, et puis de toute façon, qu'on le veuille ou non, DISPOSABLE est un groupe des années 2010, point. Et j'aurais tendance à dire, qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse, ce qui est le cas ici !

Car lorsqu'on est capable de coucher sur bande un titre aussi définitif que "Addiction", qui aurait fait rougir de rage Jeff Hanneman et Gary Holt il y a trente ans, et qu'on décide de finir son disque par un pamphlet radical et évocateur comme "This Now Ends", capable de faire la nique à la vague californienne des années 80 et à l'école de Göteborg des 90's, c'est qu'on a pas grand chose à se reprocher quand au travail fourni.
Et c'est en effet le cas.

Subtil mélange de riffs catchy et tranchants, de rythmique tantôt franche, tantôt syncopée, et de chant vicieux mais direct quand il le faut et au débit étourdissant, At The Foot Of The World est une preuve supplémentaire de l'importance d'un style qu'on avait sans doute enterré un peu trop tôt, mais aussi de la vitalité de la scène européenne du Nord (Royaume Uni, Suède), qui à l'époque n'avait jamais brillé par sa créativité ni remis en cause l'hégémonie des Etats Unis et de l'Allemagne.

DISPOSABLE, ou la fougue juvénile qui revisite ses classiques avec brio. Un bon point pour eux, et un passage dans la classe supérieure avec les félicitations.