MARDUK (se) - Frontschwein (2015)
Label : Century Media Records
Sortie du Scud : 19 Janvier 2015
Pays : Suède
Genre : Black Metal
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 56 Mins
Trois ans après le diabolique Serpent Sermon, les légions de MARDUK reviennent avec un nouvel album qui marque le pas, mais qui paradoxalement fait avancer les choses. La dualité n'étant pas la problématique la plus simple avec le groupe, rien d'étonnant à ce que Morgan et les siens posent à nouveau problème. A considérer qu'un album réussi en tous points en soit un.
Beaucoup se sont plaint depuis Rom 5-12 de l'orientation du groupe. Et depuis, aucun LP n'a su répondre à leurs attentes. Le départ de Legion, l'arrivée de Mortuus sentait pour eux le début de la fin, tant Morgan se laissait aspirer par l'inspiration du leader de FUNERAL MIST.
S'il est vrai que ce dernier ne se gênait pas pour imposer ses vues, elles complétaient à merveille les inclinaisons extrêmes du seul membre d'origine de MARDUK, qui ne semblait pas vraiment déplorer cet état de fait.
Si Wormwood pouvait décevoir, Serpent Sermon, que de nombreux critiques ont rejeté comme étant un témoignage du surplace auquel semblait condamné le groupe, a été pour moi une révélation. La révélation que MARDUK était sans doute le seul groupe de Black "de tradition" a avoir encore des choses à prouver, et de la plus belle manière qui soit.
Alors, que dire dans le cas de Frontschwein.... Qu'il va réconcilier les vieux de la vieille avec la machine de guerre ?
Car il en est bien question ici. De machine de guerre. MARDUK, en regardant dans le rétro s'est soudain souvenu de ses obsessions, historiques et musicales, a replongé la croix de fer la première dans le trauma de la seconde guerre mondiale, et le quatuor s'est paré d'acier, de tourelles et de canons pour tout écraser façon char d'assaut, un peu comme il y a quelques années.
Mais là ou Panzer Division Marduk faisait sourire de par sa tentative de sonner comme le Reign in Blood du Black Metal, et par extension de par son échec cuisant à symboliser "l'extrême de l'extrême", Frontschwein y parvient haut la main, et sans tambour ni trompette. La boucle est bouclée.
Je le concède, je n'étais pas emballé par un tel retour aux sources. Mis à part quelques exceptions notables, je n'ai jamais fait grand cas du MARDUK de Legion. Certes, leur Metal sombre et rapide avait de quoi donner le tournis, mais j'en ai toujours cherché en vain l'essence propre, la raison d'être. Je n'y voyais que du bruit pour faire du bruit. Mais dès l'arrivée de Mortuus, les choses ont changé. Et l'addition du MARDUK ancienne formule et de son nouveau frontman ont abouti à une excroissance ignoble, remarquable, mais effrayante. Une armée impitoyable commandée par des cuirassiers implacables qui renversent tout sur leur passage. Et là ou Panzer Division s'était planté dans les grandes largeurs, Frontschwein déclenche le chaos le plus assourdissant.
Si l'ambition du quartette était de recréer "l'ambiance" des sombres années de bataille de 39-45, leur but est atteint, et en plein coeur.
Si l'album fait la part belle aux accélérations intempestives, aux rythmiques véloces, il s'autorise parfois quelques incartades dans la pesanteur la plus absolue, qui sonnent comme autant de matins d'hiver après une nuit d'affrontements sanglants.
"Nebelwerfer", l'exemple le plus frappant, repose sur un riff répété à l'envi, sonnant comme la marche funèbre de soldats comptant les pertes et ramassant les corps de leurs camarades de combat. Sur un tempo martial, régulièrement strié des hurlements de Mortuus, c'est l'incantation absolue des suédois, qui parvient même à faire oublier "To Redirect Perdition"...
Mais "503", vous attend un peu plus loin, en embuscade, comme une unité bien cachée qui vous fauchera de sa puissance de feu phénoménale. Les cris rauques et stridents, les coups de boutoirs des arrangements évoquant le bruit funeste des bombes, la batterie martiale et régulière comme un feu nourri, tout est là pour vous replonger dans le cauchemar de ces batailles rangées qui n'épargnaient pas grand monde. Assourdissant, douloureux, mais cathartique.
"Doomsday Elite" s'amuse à varier les avancées, tergiverse, s'arrête soudainement, comme un soldat isolé cherchant la moindre menace des yeux. Sur plus de huit minutes, cette composition vous fait respirer cet air vicié, chargé de peur, de souffre, de mort que nous avons eu la chance de ne pas connaître. Bien loin des bavardages d'antan, elle reste concise, sait parfaitement où elle va, et nous mène du bout du canon, et prouve que MARDUK n'a plus aucune difficulté à laisser son inspiration parler pendant de longues errances.
Le reste de l'album se partage entre les assauts soniques sans compassion (le morceau éponyme, "Rope of Regret" lancé en éclaireur il y a quelques mois, "Thousand-Fold Death", tout en haine explosive), mid tempo fournaise qui cuit les poumons ("The Blond Beast", terrifiant et malsain), et ambivalence hésitant entre la plongée dans le camp ennemi et la patience stratégique ("Between the Wolf-Packs" et ses compressions hystériques rappelant clairement Heaven Shall Burn).
Quelle conclusion tirer de ce nouvel album des nordiques... On pourrait affirmer que sûr de lui, le quatuor se permet une relecture de ses écrits passés pour leur apporter une touche moderne, en changeant l'équipe d'auteurs... Et ainsi gommer les imperfections notables qui jonchaient leurs disques des années 90. On pourrait aussi penser à un genre de pause dont ils avaient besoin, pour se retrouver, se replonger dans les abysses de leurs obsessions.
Mais quelle que fut la raison motivant ce projet, je ne peux que la louer. En regardant dans le miroir, MARDUK s'est souvenu que ses centres d'intérêt d'antan pouvaient parfaitement coller à son attitude contemporaine, et ainsi produire un LP extraordinaire, qui tout en marquant une rupture avec leurs recherches, leur offrait un énorme pas en avant.
Une fois de plus, les membres de MARDUK prouvent si besoin en était, qu'ils restent les seuls à pouvoir représenter les origines d'un style qu'ils ont grandement contribué à inventer, tout en incarnant son avenir.
Frontschwein est un Panzer, qui avance, et fauche tout sur son passage. Vous la jouerez vous Tian'anmen ou vous précipiterez vous à l'abri ?
Ajouté : Jeudi 26 Février 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Marduk Website Hits: 5954
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