EKRANOPLAN (de) - Ekranoplan (2014)
Label : Narshardaa Records
Sortie du Scud : 8 Mai 2015
Pays : Allemagne
Genre : Sludge Crustcore
Type : Album
Playtime : 5 Titres - 21 Mins
EKRANOPLAN nous vient de Jana, en Allemagne, et bien que ce self titled soit leur premier effort, ses musiciens ne sont pas inconnus. On en retrouvait une partie chez HUNGRY LUNGS, et chez les Doomers de AHAB, et si les deux groupes sont restés assez obscurs, il y a peu de chance que les choses changent avec cet EP.
Signés sur Narshardaa Records, les allemands n'ont pas vraiment changé leur fusil d'épaule, mais plutôt uni leurs forces pour allier les qualités de leurs anciens groupes respectifs, et ce, dans un seul et unique but, mélanger la pesanteur Heavy du Doom/Sludge, et le côté sans concession du Crust/Grind.
Le mélange est douloureux, et l'effet est garanti. Les pesanteurs sont traitées comme telles, et appuyées par des guitares lourdes et grondantes, tandis que la rythmique a assimilé les tics des deux styles antagonistes, se permettant même parfois des libertés de ton très prolifiques sur les rares morceaux échappant à ce schéma.
Cinq morceaux seulement, mais une efficacité maximum. Tirant son nom d'un avion russe à effet de sol, et volant donc à basse altitude, EKRANOPLAN fait aussi du rase mottes, à tel point que son fuselage doit parfois caresser l'herbe. Il semblerait qu'ils n'envisagent la musique que sous son angle le plus abrasif, et il est difficile de les rattacher à une quelconque influence, même si plusieurs noms effleurent parfois la mémoire. On pense bien sur aux références personnelles que le groupe cite lui même, EYEHATEGOD en tête, bien que les allemands évoluent dans un univers plus souple, ce qui peut paraître paradoxal lorsqu'on écoute leurs morceaux. Le early ENTOMBED n'est pas non plus incongru à citer, ainsi que CURSED, mais malgré toutes ces précisions, EKRANOPLAN n'a pas forcément besoin d'être comparé pour exister, ce qui est logique.
Empruntant de ci de là, au Sludgecore, au Crust, au Grind, au Doom même de temps à autres, la violence instrumentale est ici maîtresse, et ce, dès l'entame de cet EP.
"Broken Future" démarre en effet très fort, et ne retient que la puissance du croisement des genres qui est la base de sa musique. Les plans se succèdent, l'ambiance est grondante, menaçante, et presque tribale parfois, mais ce qui est certain, c'est que l'impact du morceau est total. Riffs lourds et concentrés, voix étouffée et mixée très en arrière plan, dissonances, ralentissements, accélérations, breaks qui cassent la dynamique, c'est pour le moins inconfortable et assourdissant. Le Sludge/Doom y est prédominant, mais une nette touche de Crust se décèle sans difficulté, comme si le groupe n'était qu'une énorme dualité de ton. Les bases de la démarche globale sont ainsi posées, et ne dévieront que peu de leur plan d'origine.
Mais comme ils le disent, "we play fucking ugly music" ! Et il est sur que "Stop Asking" ne viendra pas contredire ce postulat, avec ses riffs dignes de l'école suédoise des années 90, posés pêle-mêle sur une rythmique qui fait un peu ce qu'elle veut. Moins de deux minutes d'agression, en version intégrale, qui se terminent par un dernier break en clin d'oeil, avec grognement caverneux bonus.
"Graues Gesicht" complique un peu les choses, et vole en piqué sur une base un peu bancale, comme si le pilote avait du mal à contrôler son manche. C'est bridé, heurté, en équilibre constant, et à ce moment là, difficile de préciser quoi que ce soit, tant le quintette se noie dans une croisée des chemins. Doomcore ? Post Hardcore Sludgy ? Ce sont des possibilités, mais cette batterie en perpétuel contre-pied est terriblement captivante, et dynamise une monotonie de riffs qui restent plaqués dans les graves, au point d'être parfois difficilement discernables pendant les tentatives de solo. Un des meilleurs morceaux, et un des plus surprenants, digne de l'école Néocore New Yorkaise de la fin des 90's.
"Pressure", bien qu'infiniment plus brutal, taille dans le gras Grind, et ranime le cadavre fumant du CARCASS des premières années, tout en lui insufflant quelques respirations Crust puissantes. Les accélérations sont dantesques, on atteint même des sommets de brutalité incontrôlée, mais ce défouloir avec son break central à la double grosse caisse sauvage est une vraie bouffée d'oxygène contaminé. Comme précédemment, même en format court, EKRANOPLAN case un maximum d'idées, comme s'il avait peur de manquer de temps. "Manchmal" vient se poser en épilogue, et débute d'ailleurs par un semblant de mélodie tendue, qui permet au batteur de partir dans un délié presque Jazz, qui laisse même la basse, inexistante jusqu'à lors, s'exprimer quelques peu en volutes déliées.
Mais le panorama revient vite à des tonalités déjà étalées lors du premier morceau, et une fois de plus, le quintette allemand passe en revue toutes les directions empruntées, en privilégiant toutefois les plus compactes et irrespirables.
On pourrait résumer ça en une équation assez simple, sans inconnue, qui ajouterait des guitares restant dans des gammes mineures à la production sourde et compressée, un chant qui passe d'un registre grave et rauque à des hurlements déchirants et stridents, le tout associé à une rythmique assez libre et inventive, qui case le plus de plan possible par minute, sans pour autant être redondante.
Mais le terme "Ugly Music" est quand même ce qui résume le mieux le travail de cochon de EKRANOPLAN. Qu'ils soient Sludge, Doom, Crust ou Grind, c'est toujours par le versant le plus sale et encombré qu'ils gravissent les parois, et au final, on a même le sentiment d'avoir les oreilles encrassées par tant de bruit aux aspérités blessantes.
Mais après tout, rien ne vous empêche d'écouter quelque chose de plus clean, tout le monde n'a pas envie d'aller faire un tour en avion russe pour planer à deux mètres du sol.
Et risquer le plantage dans les règles. Mais le risque parfois, ça rend vivant non ?
Ajouté : Jeudi 16 Avril 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Ekranoplan Website Hits: 5526
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