Il y a retour vers le futur et bienvenue dans le futur. Il y a les pérégrinations de l'esprit et la chasse aux bonnes idées. Il y a les expérimentations hasardeuses et les bastions de l'intelligence musicale. Il y a les autres et il y a ANKH. ANKH, ce sont quatre polonais à mi-chemin entre le passé et le futur, jamais inscrits dans un quelconque présent. Place forte du Rock progressif dans son pays natal, ce groupe a construit sa réputation grâce à son talent de visionnaire combiné à une authenticité rétrograde qui empêche son cinquième album, Expect Unexpected, de se laisser intégralement comparer avec KING CRIMSON et d'autres artistes dont l'éclosion se fera d'ici une dizaine d'années. S'exportant à merveille, puisque le quatuor à déjà fait des rav(ag)es à travers l'Europe mais aussi au Mexique, aux Etats-Unis (New-York et Chicago), au Brésil (Rio Art Rock Festival), ANKH était également en passe de devenir enfin the next big thing sur le vieux continent, douze ans après sa création.

Analyser un IRM alors que mes compétences en médecine se limitent à distinguer une constipation d'une diarrhée, voilà la mission qui m'a été imposée en voulant chroniquer cet album. Difficile d'expliquer, de juger, de démêler ce qui s'est passé dans la tête d'ANKH au moment d'écrire ce disque. N'est-ce pas là justement ce qui fait le charme d'un bel album de Rock progressif ? Jalonné de quatre petites brèves électroniques ("Expect #1", "Expect #2", "Expect #3" et "Unexpected"), Expect Unexpected (vous comprenez son intitulé maintenant ?) s'articule autour de douze morceaux qui vont du plus terre-à-terre au plus excentrique. Ça commence avec "The Trick", son beat entrainant, ses vapeurs de pop aux petits oignons, ses nappes de synthés volatiles comme des ronds de fumée. Puis il y a "Love Supreme", davantage enracinée dans du Prog à la KING CRIMSON. En quête perpétuelle d'arrangements cosmiques et d'harmonies fortes, ANKH n'en oublie pas d'être efficace, et c'est une des principales qualités de cet opus qui, souvent, s'oublie en une surenchère d'éléments pas forcément judicieuse. A partir d' "Expect #2", il y a par exemple cette flute qui rend totalement fou sur "Loop Slow Vocal Mix" et qui rappelle la cacophonie des cours de musique au collège. En jouer c'est bien, en jouer juste, c'est mieux. Idem pour les violons, qui ne trouvent pas leur place sur le seul morceau qui leur est dédié : "Loop Fast Violin Mix". A vouloir aller trop haut dans la stratosphère, ANKH suffoque parfois, réhabilité par le Funk embué d'"Escape" ou par la violente "I Want You" dont on appréciera les riffs musclés. Ce chaud-froid musical n'en est que plus déstabilisant, et c'est ce qui fait d'Expect Unexpected une sortie globalement réussie et qui plus est agréable à écouter. Les Polonais ont également pris une décision plus que significative en limitant le temps de parole de leur chanteur, qui intervient à bon escient sur quelques rares morceaux, permettant aux instrumentistes de valoriser leur jeu à la fois technique et progressiste. Une réussite vous dis-je !

Zébrée de claviers futuristes et métissée avec classe, la musique d'ANKH est une invitation au voyage, à l'illusion, à la projection. Tout s'y déroule avec quiétude et maitrise, une pointe de malice dans le regard. Ça correspond totalement à l'idée que l'on se fait d'un disque de Rock progressif new gen avec ses temps forts et ses temps faibles mais sans jamais se départir d'une construction irréprochable. Avis aux amateurs. Même si on a connu groupe plus bling-bling, avec eux au moins, aucun risque de se faire ANKHuler.