"J'aime les situations claires, et les choses ordinaires, je me moque de plaire..."

Ainsi devisaient les SATELLITES sur leur album Riches et Célèbres. Même si, comme vous le savez, j'aime bien les choses rabougries, tordues, les situations complexes et les noeuds inextricables, parfois, j'ai grand soif de simplicité, de clarté. Cette envie peut se manifester de bien des façons...
En rédigeant une chronique par exemple.
C'est vrai, ça fait du bien de tomber sur des gens qui ne cherchent pas midi à quatorze heures (ou Milady a quatorze heurts, c'est selon). Des musiciens qui savent ce qu'ils veulent, et qui l'expriment de la façon la plus directe qui soit. Et c'est donc dans cet état d'esprit que je me retrouve affalé sur mon clavier ce matin.

Bizarre Leprous Productions, c'est du lourd. Ils se revendiquent Gore, Grind, Crust et autres excroissances bâtardes et bruitistes, et on les aime pour ça. De la République Tchèque, ils s'échinent à dénicher les perles rares, celles qui brillent encore moins qu'un seau de charbon et qui exhalent un doux fumet de putréfaction à des kilomètres à la ronde.
Cette fois-ci, leur quête les a menés en Italie, à la découverte d'un trio Milanais franc du collier. De cette belle ville nous vient cette assemblée de trois furieux, bien décidés à perpétrer la tradition d'un Grind simple, direct et sans fioritures.
Venant d'horizons divers (ANTROPOGHAGUS, INTO DARKNESS et CORPORAL RAID, on sait déjà que ça ne va pas bricoler), Gio (batterie, grognements), Tya (vomissements, cris et plaintes) et Giu (jolie demoiselle qui tricote sa guitare et sa basse, en sus de quelques borborygmes offerts par la maison) n'ont cure d'une quelconque forme d'évolution d'un style qu'ils n'appréhendent que sous son jour le plus brutal et outrancier. Crust Grind jusqu'au bout des ongles, ils privilégient sur ce premier EP la puissance la plus absolue, sans chercher la petite bête.

Mais cette rusticité de surface cache en fait une réelle volonté d'efficacité, sans la parasiter par des expériences hasardeuses. Car loin de se contenter de ruer dans les brancards en hurlant comme des damnés, les trois compères savent ajouter à leur préparation de base de solides éléments Death qui donnent encore plus de relief à leurs attaques sonores dévastatrices.
Cette nuance permet à des morceaux compacts et courts de dérouler en toute tranquillité, aboutissant même à une complémentarité détonante entre des riffs épais et lourds et un chant en triplette typique du Grind contemporain. Bien évidemment, l'objectif premier de MINDFUL OF PRIPYAT reste l'agression pure et dure, et le traitement symptomatiquement Death d'un Grind de tradition leur permet de dynamiser des lignes rythmiques classiques, sans oublier de témoigner d'une forme indéniable de respect envers les anciens, par l'intermédiaire de deux reprises, "Oblivion Descends" d'UNSEEN TERROR (Shane Embury), et "Contagion" de DEFECATION (Mitch et Mick Harris).
Les trois italiens seraient ils des fans absolus de NAPALM ? Leur musique fait plus volontiers penser à BRUTAL TRUTH ou MISERY INDEX, mais comment enregistrer un album de Grind sans laisser planer quelques allusions au géant de Birmingham en route...

Toujours est-il que le trio est carré, qu'il riffe sévère, que la rythmique est en place et d'une régularité impressionnante, et que le tout est servi chaud bouillant sous une production claire, grave et explosive. Cela ne vous donnera sans doute pas envie de vous relever la nuit pour vérifier quelques détails, mais ça animera vos soirées d'une douce folie mesurée et en tout point professionnelle.
Merci donc à Bizarre Leprous de nous permettre d'avoir une vue globale de la scène brutale internationale, en dénichant chaque semaine de nouveaux terroristes de l'extrême qui n'ont pas peur de faire un peu plus de boucan que leur voisins.
Et puis comme je le disais, la clarté et la franchise, ça a du bon. Surtout en ces périodes agitées ou la corruption et les magouilles font loi.