THEM FREQUENCIES (bg) - Rise Then Fall (2015)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 9 mai 2015
Pays : Bulgarie
Genre : Hardcore
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 28 Mins
"La Maritza c'est ma rivière, comme la Seine est la tienne. Mais il n'y a que mon père, maintenant qui s'en souvienne..."
Oui Sylvie, tu chantais ta Bulgarie, celle de ta famille, de ton père, et que ce temps est loin... D'autant plus que là bas maintenant, les douces mélopées de ton enfance ont été remplacées par des cris rauques, des guitares acides et des rythmiques coup de poing... Je pense qu'il te serait difficile d'y reconnaître quelque chose, après tant d'années... Spécialement si tu fais un tour du côté de Sofia, la capitale.
Tu risquerais d'y croiser Dido Peshev, Stoimen Stoyanov, Svetlozar Zahariev et Martin Kolev. Et pas sur qu'ils te fassent regretter ta jeunesse dans l'Est...
Ces quatre musiciens ne conçoivent pas vraiment la musique sous le même angle que toi. Ils la voient plus abrasive, plus crue, moins nostalgique et plus pragmatique. Un peu de la même manière que ces bourrins du sud des Etats-Unis qui se noient dans le bourbon et les riffs du bayou, les trucs bien gras, l'oubli, les paradis artificiels et les ballades en vieux camion rouillé.
Je ne sais pas à quoi ressemble la vie à Sofia. Elle n'est sans doute pas très différente de la vie dans n'importe quelle capitale, mais si je me base sur ce nouvel album du quatuor local THEM FREQUENCIES, rien n'a l'air facile là bas, ni plaisant.
Le groupe s'est constitué fin 2010, et a déjà sorti un album en 2013, The Great Wave-Off, qui posait les jalons des directions qu'ils allaient emprunter dans l'avenir. Et l'avenir, c'est justement ce deuxième LP, Rise Then Fall, qui malgré son titre s'intéresse plus à la chute qu'à la montée... Les Bulgares se revendiquent de CONVERGE, TRAP THEM, BLACK SABBATH, BARONESS et autres EVERY TIME I DIE, mais on peut concevoir leur musique comme une variation Post sur le Sludgecore de la vague NOLA, en plus abrupt et moins goudronneux.
Sorte de croisement entre les poussées rythmiques de CONVERGE, les ambiances délétères de FETISH 69 et le Funeral Core de DOWN ou EYEHATEGOD, Rise Then Fall diffuse dans l'air ambiant une fumée opaque, développe des climats oppressants, et ne semble avoir comme unique but que de présenter l'existence sous son jour le plus sombre.
Très hermétique, suffocant, leur second effort ne ménage aucune poussée sur votre thorax pour vous empêcher de respirer correctement. Un lourd écran de fumée semble exhaler de leurs morceaux, tous homogènes et utilisant des variations et des cassures qui rendent leur écoute captivante. Si les guitares et le chant semblent être les points forts de leurs thématiques, la basse semblant noyée dans le mix, c'est la cohésion globale qui impressionne le plus...
"Heartless" en est sans doute le plus parfait exemple. Se traînant le long des sillons d'un Bluescore épais et profond, rythmé par une charleston ouverte qui donne la pulsation, c'est le morceau le plus volontiers lourd et oppressant du LP. Chant en plainte diffuse, riffs monolithiques, batterie uniforme, ça pourrait être du Doom, mais les inflexions émotionnelles évoquent plus un Blues morbide et désespéré qu'autre chose, un peu comme lorsque Phil Anselmo se souvient de son héritage Black sudiste.
C'est parfois à la limite de la rupture Post, réveillant le fantôme d'un CONVERGE lapidaire ("The Untold" qui multiplie les breaks et les incertitudes rythmiques qui s'imbriquent les unes aux autres, le tout surplombé de guitares qui rendent hommage au maître Iommi), ou faussement posé mais réellement multi directionnel ("Rise Then Fall" au mid tempo en trompe l'oeil qui ne manque pas une occasion de partir en free, soutenu par des guitares qui multiplient les tonalités), voire complètement en apnée quand les débats s'animent une dernière fois ("Circles" avec une fois n'est pas coutume une basse bien présente, en appui de riffs qui submergent encore un peu plus un chant hurlé comme un beau diable, et en cadeau un solo légèrement concentrique).
Et même lorsque le Hardcore est plus directement approché, c'est toujours d'une démarche de guingois, comme si l'agression directe était proscrite ("My Own Requiem" qui s'il s'était complètement lâché aurait pu ressembler à une rencontre entre EYEHATEGOD et AGNOSTIC FRONT), même si, par touches discrètes, celui ci finit par s'imposer sous son versant le plus cru et métallique ("Blackout", double grosse caisse et choeurs vindicatifs).
En gros, et pour simplifier, THEM FREQUENCIES est une somme d'influences qui accouche d'une montagne de brutalité sonore sans concessions. Mélangeant les genres en les amalgamant d'une façon logique, Rise Then Fall louche autant vers le Sludgecore moderne que vers un Mathcore dilué dans le Doom suintant de méchanceté, sans pour autant se perdre en route, bien au contraire.
Vous trouverez donc des éléments CONVERGE, DOWN, TRAP THEM, mais accommodé à la sauce de l'Est, et restitué d'une manière très personnelle, et bien assaisonnés par une production sèche et directe, lourde et tranchante à la fois...
Avec ça, et ceci, et autre chose, un bateau par exemple, vous descendrez la Maritza en contemplant le triste spectacle de la déchéance humaine, sans chercher à y apposer une quelconque mélodie. D'harmonie, les THEM FREQUENCIES n'en connaissent que la dissonance et l'inconfort.
Et si d'aventure votre moral connaissait une pente ascendante ces derniers temps, vous pouvez compter sur Rise Then Fall pour le faire chuter au noir fixe.
Ajouté : Mardi 20 Octobre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Them Frequencies Website Hits: 5706
|