MIDAS FALL (uk) - The Menagerie Inside (2015)
Label : Monotreme Records
Sortie du Scud : 4 septembre 2015
Pays : Angleterre
Genre : Post Rock Alternative Shoegaze
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 47 Mins
Les outsiders, les inclassables, volent toujours de leurs propres ailes et échappent à la mise en cage par leur nature profonde. On aimerait bien qu'ils se placent d'eux mêmes sur l'étagère qui leur est soit disant réservée, mais ils prennent justement un malin plaisir à se poser sur celle qu'on ne connaît pas.
Ces oiseaux rares sont difficiles à apprivoiser, et ils ne viennent sur votre épaule que lorsqu'ils en ont envie. Mais c'est aussi cette soif d'indépendance qui les rend si attachants, quoiqu'on en dise.
Les MIDAS FALL, formés à Edinburgh et délocalisés à Manchester, n'ont à priori rien à voir avec le plateau musical mancunéen, et pourraient d'ailleurs venir d'Irlande, de Suède, ou même du Canada pourquoi pas. Mais ils sont anglais, et ça n'a pas grand chose à voir avec leur musique.
2010, un premier album, assez opaque, Eleven. Return And Revert. 2013 un autre aveu, les grands espace et Wilderness.
2015, un titre intrigant et étrange, pour un troisième album qui ne l'est pas moins, The Menagerie Inside. Si leur univers ne vous est pas familier, il vaut mieux comprendre une chose en amont. Loin d'être coincé dans l'univers rigide du Heavy Metal, nos quatre (cinq?) aventuriers de l'équilibre voient plutôt la musique sous son angle le plus ouvert, mélangeant les influences, et finalement, échappant à chacune d'entre elle.
Founder Magazine avait d'ailleurs trouvé une formule pour en parler. "Du Post Rock mené par le chant", combinant des éléments d'Electronica, de Post Rock, de Gothique Alternatif, pour "créer une musique puissante mais fragile, dramatiquement belle et belle comme un drame".
C'est certes un peu poétique, mais très adapté à l'occasion. Car en effet, la musique de MIDAS FALL est très belle, semble sculptée dans un cristal de rêve, prêt à se briser au moindre souffle, souffle qu'elle génère pourtant elle même en des occasions multiples.
Mais cette dualité est sans doute le point fort de ce troisième album, comme elle l'était des deux précédents. L'âme est restée la même, l'envie aussi.
Du Post Rock mené par le chant.
Cette analyse somme toute assez sibylline est pourtant d'une pertinence absolue. Le chant d'Elizabeth Heaton est sans conteste le centre de gravité de MIDAS FALL, avec ses intonations vaporeuses et éthérées, qui ne nuisent en aucun cas à la puissance émotionnelle de ses interventions, bien au contraire. Subtil mélange des intonations d'Amy Lee et de Loreena McKennitt, la chanteuse sait aussi évoquer dans un rêve les contes vocaux de Tori Amos ou Kate Bush, et module, serpente, cajole, avant de s'envoler dans un lyrisme exacerbé qui touche en plein coeur.
Derrière elle, se tisse une toile Post Rock subtilement nuancée d'un Gothique tout sauf superficiel, plus dans l'approche que dans l'attitude, par petites touches, discrètement. En abordant la chose d'un point de vue Metal, il faut penser THE GATHERING, ou ANATHEMA, voire Amanda Somerville dans certains cas, mais je ne vous cache pas que certains morceaux en sont même très éloignés. Sans verser dans la Pop qui rendrait cette chronique hors sujet, il est évident que certains segments sont assez éloignés de l'électricité qui nous fait vibrer, comme sur ce magnifique "The Morning Asked And I Said No", long de presque sept minutes, et dérivant le long des affluents d'une Dream Pop à peine teintée de College Rock des 80's.
Mais si vous cherchez à comprendre le pourquoi du comment, écoutez le morceau d'ouverture, "Push", bâti comme une longue progression évolutive. Piano martelé, rythmique cassée, guitares mordantes et basse qui tourne autour d'un axe perpétuel. C'est une entame qui entrevoit le fantôme d'EVANESCENCE en refusant son costume le plus tape à l'oeil, et qui le confronte à une ancienne photo de TOOL, sans les nuances trop contrastées et torturées.
"AfterThought" pourra aussi vous rappeler le GATHERING d'Anneke, avec son progressif envoûtant et tendu, mais libre et plein de respirations, sur lequel la voix d'Elizabeth fait merveille dans ses échos nocturnes.
Même si le Shoegaze l'emporte, "Tramadol Baby" reste sur une tension grave dont la puissance ne peut être remise en cause, et si les guitares se noient dans l'écho et la réverb, la voix les porte à bout de bras pour que la construction reste solide sur ses fondations Post Rock.
Je ne saurais que trop vous conseiller de partir à la découverte de "Low", qui développe une distorsion qui vous sera plus familière. Des violons délicats, des percussions grondantes, et toujours cette voix désincarnée qui retrouve son enveloppe corporelle petit à petit, pour lâcher la puissance sur un pseudo refrain final étrange. THE GATHERING vs Tori AMOS, c'est un combat sans vainqueur, mis à part vous.
L'album n'évite bien sur pas certaines redites, surtout au niveau de la rythmique qui répète un peu souvent les mêmes tics ("Holes"), mais à chaque fois, les guitaristes parviennent à l'extirper de sa léthargie, et le chant vient en ultime recours y apporter sa magie.
Il faut, vous en avez conscience j'espère, faire un effort d'ouverture pour apprécier un tel disque. Le monde de MIDAS FALL est trouble, beau, délicat, mais aussi éloigné du Metal qu'il en est proche. Il faut seulement réaliser que c'est la puissance qui s'en dégage qui l'en rapproche, sans l'y inclure, et une fois l'écueil du rejet passé, les lumières s'allument sur un album franchement réussi et complètement décalé. Un peu comme si le Metal Progressif expurgé de tous ses automatismes les plus flagrants percutait les étoiles de la Dream Pop la moins facilement contemplative.
The Menagerie Inside est un univers parallèle, et MIDAS FALL en est son seul guide. Il est possible de ne pas comprendre, il est possible de ne pas vouloir s'y installer, mais il est impossible d'en nier le charme légèrement suranné, le lyrisme ciselé, et les incarnations vocales de toute beauté.
Midas, dans sa chute, était mort de faim en changeant sa nourriture en or. Espérons que ses descendants ne commettront pas la même erreur, et comprendront que la richesse vient aussi de la diversité.
Tout comme vous d'ailleurs. On ne peut pas espérer tout changer en Metal rien qu'en ne s'y intéressant pas. C'est la morale de cette histoire qui n'en est pas une.
Ajouté : Jeudi 22 Octobre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Midas Fall Website Hits: 5588
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