"L'homme à qui on refuse le droit de décision, N'est qu'une moitié d'homme, Il se soumettra ou se révoltera." ("Sors Tes Griffes")

Dans la vie trépidante du rock critic comme celle du metalleux anonyme, il y a des jours où on a envie de remettre l'église au centre du village. Revenir aux sources pour comprendre d'où vient la musique qu'on aime aujourd'hui. On se branche sur les vieux disques des origines pour se rappeler comment sonnait la musique à la genèse de notre style préféré.
En France, on n'a pas inventé le Rock, on n'a pas inventé le Metal non plus, mais il y a un truc pour lequel on est bons, c'est les chansons contestataires. La musique engagée-enragée comme dit Mouss Kelaï (MASS HYSTERIA). On pourrait remonter jusqu'à Rouget de Lisle et sa "Marseillaise", hymne guerrier et vindicatif par excellence qu'on annone un peu machinalement sans se pencher sur la violence intrinsèque de ses refrains. Mais aujourd'hui, contentons nous de remonter à 1980. Dernière année du septennat Giscard. La France a la gueule de bois. Elle digère encore mal la fin des trente glorieuses, ces deux saloperies de chocs pétroliers, le chômage qui grimpe, qui grimpe (5,4% de la population active quand même!), la morosité qui s'installe, la faillite du monde ouvrier, les scandales politiques, l'Etat providence... Bref, un terreau fertile pour la chanson contestataire. Un vivier d'inspiration pour les enragés de TRUST. En 1980, Bernie (chant) et Nono (guitare) ont déjà un succès d'estime et quelques potes connus, mais le succès populaire, c'est avec Répression qu'il va exploser (800 000 disques vendus). L'album annonce l'âge d'or de TRUST, l'enregistrement en anglais, la tournée en ouverture de IRON MAIDEN et les meilleurs années sont donc devant.

Répression est dédié à Bon Scott, décédé le 19 février 1980. Le frontman d'AC/DC avait noué avec les français des liens forts et il était en train de traduire leurs lyrics en anglais quand la mort l'a frappé. L'influence musicale des australiens est très palpable dans le Hard Rock de l'opus, notamment sur "Passe" et surtout "Le Mitard" avec son riff imparable. Des mélodies bien catchy et groovy sur lequel le chant Punk de Bernie grave ses lyrics comme un marteau piqueur attaque le béton…

Répression s'ouvre avec "Antisocial", l'hymne éternel de TRUST. LA chanson que tout le monde a retenu. Ce n'est pas surprenant car elle porte en elle tous les ingrédients du hit Metal. Un sujet intemporel, un riff autoroute, des paroles qui font mouche et une outro scandée sur laquelle on n'a qu'une envie, lever le point et headbanguer comme un furieux. Le morceau s'ouvre sur une petite intro à la guitare acoustique, une musique somme toutes assez gentillette et posée qui ne présage en rien de la suite. L'explosion de violence et de hargne qui fauche l'auditeur comme une tempête, un déferlement furieux dès que Bernie commence à chanter, cracher sa hargne, son dégoût et sa haine.

Tu bosses toute ta vie pour payer ta pierre tombale,
Tu masques ton visage en lisant ton journal,
Tu marches tel un robot dans les couloirs do métro,
Les gens ne te touchent pas, il faut faire le premier pas,
Tu voudrais dialoguer sans renvoyer la balle,
Impossible d'avancer sans ton gilet pare-balle.
Tu voudrais donner des yeux a la justice
Impossible de violer cette femme pleine de vices.

35 ans plus tard, ces mots n'ont rien perdu de leur force. Et même si les thématiques de TRUST sont très ancrées dans l'actualité de l'époque (les prisons, Jacques Mesrine, l'exil français de l'Ayatollah Khomeini, le militarisme du Cadre Noir de Saumur), les paroles intemporelles sont aisément transposable à notre temps, comme si les trois décennies n'avaient rien changé. Ainsi, "Instinct de Mort" et "Le Mitard" inspirés de la vie et de la mort de Jacques Mesrine avec leur critique acide de la prison, de la justice aveugle et parfois un petit peu clientéliste, mais aussi de la violation des libertés individuelles. Ou encore Monsieur Comédie, consacré à l'Ayatollah Khomeini et aux fous de Dieu, mais aussi à la position ambivalente de l'Etat français dans cette triste affaire : "C'est un peu facile de dicter des messages, Quand on est au chaud à l'abri des assauts".

Et c'est cela qu'on garde de TRUST, car toute entraînante et punchy qu'elle est, la musique du quatuor n'est là que pour servir les paroles. Ce n'est pas un hasard si, dans le mixage, le chant est bien au-dessus de l'instru, Bernie n'est pas du genre à se cacher derrière ses musiciens ! Ces dix brûlots déclamés avec force sont autant de poings qu'on se prend dans la gueule. Et on en redemande. Car après ces quarante minutes de passage à tabac musical, l'auditeur groggy mais heureux ramasse ses dents et se dit que, oui, la colère et la hargne sont des muses pour le poète qui sait les entendre.