CRUSHER (FRA) - Act III : The 1992-1993 Reissues (2015)
Label : Overpowered Records
Sortie du Scud : 20 juin 2015
Pays : France
Genre : Thrash Death Metal
Type : Album
Playtime : 22 Titres - 81 Mins
Lorsqu'on aborde le cas de la musique extrême française des origines, les mêmes noms reviennent immanquablement sur toutes les lèvres. On parle de LOUDBLAST bien sur, d'AGRESSOR inévitablement, de MASSACRA sûrement, voire de NO RETURN. C'est un peu notre Big 4 à nous, mais il serait injuste de passer sous silence l'existence d'autres combo ayant fait aussi avancer les choses, à leur niveau. NOMED, MERCYLESS, DEATH POWER, MUTILATED, tous à un certain degré sont tombés au champ d'honneur, et dans l'oubli pour certains, mais n'ont rendu les armes qu'une fois à terre.
A cette liste non exhaustive, il convient de rajouter un nom, plus illustre, celui de CRUSHER. Moins charismatique qu'AGRESSOR, moins populaire que LOUDBLAST, moins extrême que MASSACRA, le quintette mené de voix d'outre tombe par Crass aura connu une carrière discographique éclair, axée autour des années 92/93... Mais la brièveté de cette période ne doit pas faire oublier que le groupe était né à la fin des années 80, sous le nom de FRAYEURS, avant d'opter pour son patronyme définitif après une signature chez Semetary Records, label très actif pendant cette période pivot.
Alors, qu'à t'il manqué à CRUSHER pour connaître une plus grande longévité ? Certainement pas grand chose. Leur réputation s'est établie à l'époque autour de concerts ravageurs, de tournées en compagnie des CRO-MAGS, de MASSACRE, BOLT THROWER et autres GBH, et le public présent peut encore répondre à l'appel, et se souvenir de prestations furieuses et sans concessions.
Depuis les éditions d'origine des deux albums officiels de la discographie des Alsaciens atteignaient des montants relativement déraisonnables. Corporal Punishment se négociait dans le meilleur des cas juste sous la barre des 100 euros, et il était dommage d'avoir à mettre les mains dans ce marché noir pour se procurer les oeuvres du quintette. L'initiative d' Overpowered Records (jeune label français très actif depuis quelques temps) est donc plus que louable, puisque aujourd'hui, les deux albums du groupe se retrouvent disponibles au sein d'un superbe Digipack au prix très raisonnable (18€ pour un tel objet c'est vraiment bas). Mais vous pouvez toujours courir après les originaux parus sur Semetary si le coeur vous en dit, ça a son charme...
Act III : The 1992-1993 Reissues propose donc sur un même support les deux albums de CRUSHER, Corporal Punishment sorti en 1992, ainsi que Act II : Undermine, agrémentés de quelques bonus tracks. Outre le digipack soigné, avec un joli livret résumant les années d'activité du groupe, c'est surtout l'occasion de se replonger dans les premières années de la décennie 90, riches en débordements Death et autres exactions à la limite du Grind. On a abondamment parlé à l'époque de ce séminal premier effort qui avait fait grand bruit. Après des années de répétitions et de petits concerts, CRUSHER s'attaquait enfin au marché européen avec un premier effort aux consonances encore largement influencées par la scène Death US et Nordique, mais aussi par les inflexions bruitistes purement anglaises.
Corporal Punishment partageait ses pistes entre des fulgurances à la limite du DeathCore/Grind largement inspirées de la vague TERRORIZER/NAPALM DEATH ("Fury Settles", "Immigrant Exploitation", "Profit Of A Billion Deaths", tous aussi brefs que lapidaires), et de longues et douloureuses digressions plus volontiers Death/Doom, comme le titre éponyme, son riff lugubre, et ses rythmiques multiples, "Sense Of Powerlessness" qui mixait les influences de la scène scandinave avec les effluves putrides de MASSACRE et autres AUTOPSY, ou encore "Infanticide" qui citait OBITUARY dans les régurgitations.
Les musiciens étaient sacrément en place, les riffs étaient nets et précis, la rythmique abattait un boulot monstre, et Crass survolait le tout de sa voix caverneuse, et de ses accents Punk hérités de son parcours chaotique des années 80. On y trouvait aussi des interventions plus modérées, "All For a Holy Cause" qui se rapprochait des complices de MASSACRA, ou "Action Speaks Louder Than Words", témoignage du temps ou Crass était activiste de la scène Punk/Hardcore locale, et qui une fois de plus s'inspirait des chapitres rédigés par la bande des frères Tardy.
Un an plus tard, CRUSHER déplaçait légèrement son fusil sur son épaule, et changeait de cap. Act II : Undermine, produit par l'incontournable Colin Richardson durcissait l'optique, et se rapprochait d'un Death/Grind plus technique, plus compact, et évoquait la scène anglaise, NAPALM DEATH et CARCASS en avant postes.
En seulement sept morceaux, le quintette devenu quartette prenait une dimension européenne indéniable, et même le gosier de Crass semblait s'adapter aux standards de l'époque. Plus rauque, plus scandé, son phrasé gagnait en efficacité et se fondait parfaitement à la nouvelle direction prise par le groupe. Les passages purement Grind se multipliaient, et CRUSHER semblait proposer un Crust très lourd, mixé à des influences Death persistantes, alors que tous leurs homologues restaient fidèles à une éthique Thrash/Death éprouvée. Des titres comme "Undermine" étaient tellement en avance sur leur temps qu'ils restent d'actualité en 2015, comme s'ils avaient été composés hier. "Undermine", le title track fait d'ailleurs penser à une osmose entre BRUTAL TRUTH et GODFLESH, à la limite de l'Indus, et pas si éloigné que ça du premier album de FEAR FACTORY.
Nous avions même droit à des déflagrations ahurissantes de puissance à l'instar de l'explosif "In Your Face", qui abordait encore une fois le Death/Indus en le confrontant à l'énergie débridée du Punk Hardcore des 80's, à la manière d'un DISCHRAGE soudain devenu plus métallique. Le timbre de Crass se rapprochait d'ailleurs du gosier grave de Bones, et ça n'est certainement pas un hasard si on trouvait sur cet EP une version fulgurante de "Hell On Earth" à faire rougir James et Lars.
Quelques bonus pour compléter le tout, quatre morceaux enregistrés live en 2015 à l'Impetus Festival d'Audincourt, au son très sec et qui donnent un bon aperçu du CRUSHER version 2015, toujours aussi furieux et remonté.
Vous voilà armé pour redécouvrir un pan important de la musique extrême française, avec ce digipack vous offrant sur un plateau l'histoire d'un groupe à part. C'est un bien joli cadeau de la part d'Overpowered Records, qui nous permet enfin d'acquérir les deux albums de CRUSHER en version digitale à un prix abordable, mais surtout, quel plaisir de se replonger dans ces morceaux fabuleux, témoins d'une époque pas si lointaine que ça...
Pour tous ceux qui ont connu ça, pour les jeunes qui veulent apprendre du passé, Act III : The 1992-1993 Reissues est indispensable, et la musique de CRUSHER est toujours aussi vive, vingt ans plus tard.
Les héros ne meurent jamais ? Non, et Crass veut vous entendre putain de merde. Alors vous savez ce que vous avez à faire.
Ajouté : Lundi 07 Décembre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Crusher Website Hits: 5912
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