LUCIFER (de) - Lucifer I (2015)
Label : Rise Above Records
Sortie du Scud : 25 mai 2015
Pays : Allemagne
Genre : Heavy Metal
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 44 Mins
Décidemment, ma journée est placée sous le signe de la féminité... J'ai eu rendez vous avec deux artistes aussi belles que talentueuses, et évoluant dans des styles où on ne les attend pas forcément...Après le Black Metal atypique et onirique d'Amalie Bruun et MYRKUR, voici venir Johanna Sadonis et son nouveau quartette LUCIFER.
Nom, pochette, label, musiciens, tout semblait clair dès le départ. Après la débâcle THE OATH, Johanna a emmené avec elle le batteur live Andrew Prestridge, s'est adjoint les services de Dino Gollnick à la basse, mais surtout, à débauché Gary "Gaz" Jennings, ex ACID REIGN (pour les plus vieux et les plus moshers), mais surtout CATHEDRAL bien sur, voici pour le passé, et actuel DEATH PENALTY. L'homme étant réputé pour son amour des riffs sombres et du patrimoine Heavy Metal, la direction suivie par ce nouveau groupe n'était donc pas difficile à deviner.
Alors oui, LUCIFER joue un bon gros revival Heavy, paie son tribut à Iommi et au SAB', mais aussi à COVEN, BLACK WIDOW, COMUS, et toute la vague Occult Rock des 70's, et avouons le, s'en tire plutôt bien pour recréer des ambiances nées il y a plus de quarante ans.
Evidemment, avec l'usine à riff Jennings à ses côtés, Johanna a limité la prise de risques. l'homme est connu pour son art consommé de multiplication des plans, talent qu'il a largement développé au sein de CATHEDRAL aux côtés de Lee, ou même dans l'extension DEATH PENALTY. LUCIFER ne fait pas exception à sa règle, et le ténébreux guitariste se pose de plus en plus en héritier légitime et direct de Tony.
Il est soutenu dans ce projet par une section rythmique soudée, qui tient la distance tout en se permettant quelques libertés, et surtout, par le chant hypnotique de sa diaphane chanteuse. L'osmose est réelle entre les musiciens, alors qu'on aurait pu craindre un phénomène "pièces rapportées", et l'album bénéficie d'une belle cohésion, sans que les pistes individuelles ne perdent leur identité.
Poli par une jolie production un peu sourde et passée, qui fait vibrer la basse et étouffe la batterie, Lucifer I est décidemment une affaire de guitares, avec toutefois un autre atout de taille, le chant de Johanna. Dans une pure tradition Occult Rock, son coulé vocal reste stable, évoluant dans une gamme presque unique, ce qui je l'avoue, peut déstabiliser les non initiés. Le mixage la place en outre légèrement en retrait, avec un maximum de réverb' et d'écho, dans la plus pure tradition 70's, ce qui accentue ce côté "magie noire" que le groupe semble particulièrement apprécier.
Les morceaux sont tous a peu de choses près taillés dans le même moule, mais offrent chacun de jolies digressions, parfois plusieurs en peu de temps, tout en assurant à l'ensemble une belle homogénéité qui ne déteint pas sur la monotonie. Gary est bien trop intelligent et doué pour se répéter et s'embourber dans des plans trop redondants, et en six minutes, vous avez parfois le temps de changer radicalement d'ambiance et de rythme.
Et vous vous en rendrez compte très rapidement. Si les morceau introductifs, l'accrocheur et catchy "Abracadbra" et "Purple Pyramid" et ses allusions lyriques au Grand Sphinx de Gizeh sont les plus "inamovibles" du lot, la donne change vite, et "Izrael" et son hommage à Azrael développe une jolie ambition versatile sur un peu moins de cinq minutes. Mélodie amère, basse volubile, batterie métronome sur un mid tempo qui ne dévie jamais, et puis soudain, la cassure, on se plie aux us de la ballade 70's, avec guitare larmoyante, avant de revenir pilonner le message.
Message que Johanna voulait d'ailleurs très clair, puisqu'elle a déclaré dans une interview:
"Je veux que ce groupe soit différent. THE OATH était plus Heavy Metal old school, Doom, et influencé par le hard Rock de la New Wave Of British Heavy Metal. Vous n'aurez pas ce côté Heavy Metal dans LUCIFER. Nous avons tenté une approche plus Heavy Rock que Metal."
Moi, je veux bien, mais dans ce cas là, comment expliquer au fan potentiel la présence du triptyque "Sabbath", "Total Eclipse" et "Morning Star" en plein milieu du disque ?
Avec ses cloches d'église, son riff sombre et tortueux, son rythme pachydermique et son lyrisme macabre, "Sabbath" n'est rien de plus qu'un démarquage du premier album de la bande à Ozzy, le genre de morceau dont CATHEDRAL à fait ses gorgées chaudes pendant des années...Et ça n'est pas son titre qui va nous aiguiller sur une piste différente...
Si "White Mountain" se veut plus léger et mélodique, "Morning Star" retombe dans les travers de l'Occult Heavy, et laisse traîner ses riffs le long de la voix incarnée de Johanna, et tisse quelques toiles bien épaisses. Et "Total Eclipse" de revenir vers les marais embrumés, alourdi par une guitare qui se lamente, et des lignes vocales incantatoires qui rappellent même le CANDLEMASS d'Epicus. Basse et batterie en unisson pour une lourde et lente procession, difficile de ne pas y voir un autre hommage aux pères fondateurs du Heavy et du Doom, malgré la volonté de la chanteuse de s'éloigner du style... En même temps, en s'adjoignant les services de Gary à la guitare, le risque était quand même assez grand... Et ce dernier ne se gêne pas pour distiller quelques arpèges maladifs, et même si le final s'énerve un peu, le mal est quand même fait... pour le meilleur !
Le tout s'achève sur le plus délicat "A Grave For Each One Of Us", aux harmonies vieillies, et qui se traîne un peu sur un riff légèrement pompeux et éculé, ne devant son salut qu'à cette mélodie acoustique revenant comme un mantra...Assurément le morceau le plus faible du lot.
Mais s'il est clair que LUCIFER colle de très près aux préceptes des styles qu'il emprunte, même si le chant de Johanna aura peut être gagné à être plus modulé, Lucifer I n'est pas un mauvais disque, et paie un beau tribut au Heavy Occulte des années 70. Il est simplement dommage qu'il soit aussi lié à la mort de THE OATH qui selon moi, présentait des qualités plus intéressantes, et qui aurait mérité de continuer son chemin bien au delà d'un unique LP.
Mais c'est ainsi, et la vie et la mort... ne se discutent pas.
Ajouté : Samedi 09 Janvier 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Lucifer Website Hits: 6122
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