DWEEZIL ZAPPA (usa) - Via Zammata' (2016)
Label : Pledge Music
Sortie du Scud : 28 août 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Fusion
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 50 Mins
Parler d'un nouvel album de Dweezil Zappa est chose ardue... Musicien surdoué, bercé par la musique de son père, il a connu un parcours atypique, loin des 60's et 70's délirantes que son père avait connues... Il a émergé dans les années 80 en tant qu'artiste solo, sous influences, devant faire face à l'héritage gigantesque que Frank lui avait laissé...
Le café, les cigarettes, qu'il s'envoyait en doses massives lors de longues nuits blanches de créativité ont fini par avoir raison de son ascendant, et il a bien fallu que Dweezil prenne la suite des aventures en main, seul, accompagné de son frère Ahmet, ou en tant que guest pour un nombre incalculable de collaborations...
J'ai connu la musique de Dweezil un peu comme tout le monde, en écoutant ses deux premiers albums, Havin' a Bad Day et My Guitar Wants To KIll Your Mama, et sans devenir fan, j'avais accroché, j'avais aimé son monde personnel, encore emprunt des délires de son père et de son adolescence à peine terminée.
Mon album préféré a toujours été Confessions, sur lequel il s'était bien lâché, mais depuis, j'avais plus ou moins lâché l'affaire...
J'ai bien sur vu quelques concerts pendant lesquels il rendait hommage à la musique de Frank, notamment One Size Fits All, joué en intégralité, et j'avais jeté une oreille sur son ultime album en solo, Go With What You Know, paru il y a déjà... neuf ans.
Dweezil semblait petit à petit mettre de côté ses tics "Van Halen", musicien qu'il a toujours admiré et qui a eu une emprise énorme sur son jeu de guitare, à tel point que son oeuvre semblait faire le lien entre les délires absurdes et décalés de son père, et la dextérité débridée d'Eddie. Aujourd'hui, suite à une campagne PledgeMusic, il nous propose enfin une suite à ce dernier chapitre, sous la forme de Via Zammata', disponible en téléchargement pour les financeurs virtuels.
Le jeune chien fou s'est éteint depuis longtemps, mais la folie douce n'est pourtant pas complètement absente de ce nouvel LP. Si la plupart des pistes sont parmi les plus conventionnelles qu'il a signées au cours de sa carrière, au point parfois de sonner comme un simple Pop Rock ludique ("Nothing", "What If"), l'homme nous réserve quand même pas mal de bonnes surprises.
Ainsi, l'entame "Funky 15" projette une image Rock/Jazz/Fusion dans un cadre ubuesque très Frank Z., avec basse joueuse, arrangements fun, déconstruction humoristique, et rappelle le premier album de Steve Vaï, ainsi que les travaux 80's de son paternel. Il ne se prive pas non plus pour multiplier les clins d'oeil, comme ce Rockabilly louche et bancal, "Rat Race", qui prouve à quel point il a pu influencer lui même des artistes comme Devin Townsend, le Canadien friand des copier/coller stylistiques de Zappa père et fils. On sent que Dweezil a voulu se faire plaisir sur cet album, entre deux tournées hommage et la complétion de son anthologie des guitaristes célèbres qu'il peaufine depuis des années.
En effet, Dweezil n'a plus rien à prouver depuis longtemps. Instrumentiste surdoué, acteur à l'occasion, un nouvel album n'est pour lui que l'occasion de tester du nouveau matériel. Celui ci est comme à l'habitude varié, et il ne crache pas de temps à autres sur une bonne dose de Rock musclé, à la lisière du Metal et du Rock oriental, comme le démontre ce superbe "Dragon Master", hargneux et ironique, qui une fois de plus atterrit sur la planète Devin, en emmenant avec lui les arrangements arabisants de Plant & Page.
Il place aussi quelques morceaux apaisants, calmes et relaxants, comme ce "Truth" délicat, niché dans un tapis de cordes et d'instruments à vent, presque Zen, mais à la mélodie de toute beauté.
C'est parfois plus complexe et plus symptomatique de ses déviances 80's/90's, et "What If" de partir dans toutes les directions, chanson de barde, Pop Folk song un peu biscornue, illuminée par des interventions solo lumineuses et simples. Cette flûte qui virevolte est décidemment légère et primesautière, et anticipe quelques descentes Jazz Rock qui s'écrasent sur un refrain catchy & teen.
Il s'amuse aussi à retrouver ses accointances étranges avec l'univers de son père, et verse dans les spoken words couchés sur bande onirique et inquiétante, avant de laisser le tout partir vers des cieux Electro Pop minimalistes sur un refrain à la Daft Punk champêtres, comme le démontre le surprenant "Malkovich".
Un peu de Fusion Pop/Jazz/rock avec un accrocheur "Just The Way She Is", presque Broadway dans l'esprit, un mid tempo tranquille aux harmonies qui séduisent l'oreille, parsemées de choeurs et de riffs bien Rock soutenus par un clavier discret, et "On Fire" de s'éloigner un peu plus de VAN HALEN, et puis on termine le spectacle avec un "Billionaire's Son", ironique, hispanique, chaloupé, qui se fout royalement de la gueule de ces héritiers dispendieux, sur fond de Tap Dance Deliria accentuant le décalage du propos.
Avec Via Zammata', Dweezil Z prouve que son inventivité, son humour et sa créativité ne se sont pas taris, loin de là, qu'il a encore envie de jouer, de faire de la musique, sans pour autant tomber dans l'extravagance et le délire un peu trop private joke.
Il prouve surtout qu'il sait toujours aussi bien marier la dextérité, les blagues, la distanciation, le Rock, la Pop, le Jazz, la Fusion, qu'il n'a rien perdu de son talent de guitariste, mais qu'il évite toujours avec soin la démonstration gratuite pour mettre sa technique au service des compositions et non l'inverse.
Son oeuvre n'aura bien sur jamais l'envergure et l'importance de celle de son père, mais je crois pouvoir affirmer qu'il s'en fout. Et nous aussi.
Car chacun de ses albums est d'importance, si vous cherchez à passer un bon moment en écoutant une musique riche, complexe mais ludique, attachante mais ironique, mémorisable mais pas radiophonique.
Après tout, il a confessé ses pêchés de jeunesse dépravée il y a déjà longtemps, il ressemble de plus en plus à Rob Lowe, et je ne pense pas que sa guitare ait encore envie de tuer votre mère. Mais Via Zammata' est un solide album, varié, qui mérite l'attention, parce qu'intelligent et fouillé, juste ce qu'il faut.
Ajouté : Samedi 06 Février 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Dweezil Zappa Website Hits: 6382
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