Il y a des groupes qui ne facilitent pas le travail du chroniqueur qui se lance dans l'évaluation de leur travail. Prenons le cas de LESSEN. Ce groupe montpelliérain fondé probablement au début de la décennie 2010 a sorti un EP en février 2013 (Dazzling Ashes) et son debut album un an plus tard (A redemptive decay). LESSEN est un quintet avec deux guitaristes (Cyril M et Fabrice P), un bassiste (Thomas H), un chanteur / hurleur (Lambert P) et une batteuse (Audrey G). Voila l'information brute qu'on peut récolter sur la toile. On peut aussi aller faire un tour sur le site internet du gang mais il se résume à une vidéo extraite d'un live et une bannière avec les logos de tous les webzines qui ont déjà chroniqué l'album. Comme on dit dans ces cas là, la boucle est bouclée. Ce n'est donc pas aujourd'hui que nous pourrons vous offrir une biographie un peu fournie du groupe qui s'est évertué à effacer ses traces, peut-être à dessein, incitant le curieux à se recentrer sur l'essentiel, sa musique.

Parlons donc de la galette. Elle arrive habillée d'un superbe artwork monochrome qui pourrait évoquer le mythe d'Icare, ou un condamné précipité du haut de la roche tarpéienne, ou un homme de Cro Magnon chutant de la roche de Solutré... C'est à chacun de se faire une idée, mais cette silhouette écorchée en nuances de gris sombre qui se détache d'un paysage noyé dans le blanc est vraiment très réussie.
On lance le disque et on plonge dans l'univers de LESSEN. De prime abord, ce qui saute aux oreilles, c'est la maîtrise et l'assurance des musiciens. C'est bien joué, bien construit. Les instruments sont détourés par une production très propre, peut-être même un peu trop propre. Elle est aussi parfois trop plate, ne mettant pas assez en exergue les parties saillantes des morceaux. Le chant est Screamo à souhait, avec cette hargne propre au mouvement et cette belle cohérence entre le frontman qui gueule à s'en faire péter les veines du cou et une musique qui joue sur les contrastes et les variations.

La tracklist s'ouvre sur la longue intro instrumentale de "Promised Oblivion", la piste archétypale du Post Hardcore histoire de nous mettre dans le bain. Changement de tempo avec "Inner Ocean", une chanson plus franchement Hardcore qui cogne bien. Nouveau changement de braquet avec "Cold Truth", mid tempo apaisé et mélodies atmosphériques à la KLONE. La tracklist se déroule comme ça, en alternant les ambiances. Un chant toujours brutal et enragé, mais une musique qui joue les dilettantes, navigant entre plusieurs climats. Je citais KLONE, mais c'est HOLDING SAND qui m'est d'abord venu à l'esprit. Car comme le disait mon ami Stef. en parlant du premier méfait des tourangeaux, "On l'adore parce qu'il dégage quelque chose de magnétique. C'est le mot le plus approprié pour décrire ce subtil mélange d'Hardcore, de Screamo, de Rock, roulé comme une crêpe dans un progressisme discret, pas trop prétentieux, juste ce qu'il faut de cérébral". On joue clairement dans la même catégorie avec LESSEN. La construction musicale très travaillée et approfondie, avec cette musique intello qui fait le pendant à un chant hurlé et primal.

C'est un premier opus qui n'est pas dénué de charme. Certes l'éclectisme des compos est un peu déroutant, donnant l'impression que le groupe hésite sur la route à suivre. Certes, les chansons sont parfois un peu trop étirées alors que la concision conviendrait mieux à leurs chansons les plus brutales. Il y a quelques maladresses de débutant mais dans l'ensemble, A Redemptive Decay est un debut album encourageant. Un disque qui fait des promesses et pose des jalons. Un peu moins de mystère autour de la formation, une direction plus affirmée dans sa musique, un album peut-être plus cohérent, voila tout ce qu'on attend de LESSEN pour la suite. Avec ce qu'on entend dans ce premier méfait, on peut dire que les héraultais tiennent le bon bout.