ASTRONOID (usa) - Air (2016)
Label : Blood Music
Sortie du Scud : 10 juin 2016
Pays : Etats-Unis
Genre : Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 50 Mins
Dans la pile de mails reçus par les labels et autres agences de promotion, il est toujours difficile de faire un tri objectif.
Selon les responsables, les groupes sont toujours dignes d'intérêt, et "novateurs", "the next big thing" et autres "something you've never heard before".
Avec ça, on est bien marron. Alors on se fie parfois à des détails insignifiants. Un style musical un peu osé qui va plus loin que la moyenne.
Ainsi, lorsque j'ai remarqué que les Américains d'ASTRONOID se targuaient de jouer du "Dream Thrash" et du "Shoegaze Metal", je me suis dit qu'après tout, c'était au moins un argument promotionnel qui sortait de l'ordinaire.
Je ne m'attendais pas à une révélation qui aurait bouleversé ma vie, mais je notais au moins un effort d'originalité dans l'accroche. Et j'ai donc choisi de me pencher sur leur cas.
Et leur cas est intéressant, et va bien plus loin qu'un simple gimmick pour attirer les chroniqueurs en mal de qualificatifs. Car si le quintette n'est pas forcément ce qu'il prétend être, je dois avouer que leur musique étrange a chatouillé mes oreilles, et caressé ma bienveillance dans le sens du lecteur.
Dream Thrash ? Un Thrash onirique, qui vous love au creux d'un oreiller de brutalité en vous chantant une berceuse ?
Shoegaze Metal ? Un truc un peu out of space, délicat mais abrasif, apaisant mais violent ? De ces deux options, je retiendrai la seconde, beaucoup plus proche d'une certaine vérité.
Car les ASTRONOID n'ont rien de Thrash, loin de là. Mais il y a en effet une part de rêve dans leur album, mais surtout, un brillant décalage entre une violence crue et des lignes vocales enchanteresses. Comme des chants de sirènes près d'une côte de récifs aiguisés comme des couteaux.
Tranche de passé.
Les cinq musiciens (Brett Boland – chant, guitare ; Daniel Schwartz – basse, Casey Aylward et Mike DeMelia – guitares, Matt St.jean – batterie) nous viennent de Boston, et ont déjà à leur actif deux EP très remarqués, November et Stargazer.
Leurs influences vont de l'immanquable Devin Townsend à CYNIC, en passant par ALCEST et MEW, ce qui couvre en effet une très grande partie de leur spectre musical. Il serait d'ailleurs judicieux dans un souci d'exhaustivité d'y rajouter un peu de THE GATHERING, mais aussi de VATTNET VISKAR, et aussi pas mal de Dream Pop et de Shoegaze, sans pour autant nommer des groupes en particulier, mais plus en parlant d'humeurs. Celles de ce quintette sont résolument ambivalentes, puisque leur créneau est axé autour d'une dualité gigantesque entre une force rythmique implacable, et des mélodies de guitare et de chant très éthérées. On connaît déjà le principe, avouons pour la forme qu'il est poussé à son apogée par ces américains qui n'hésitent pas à aller plus loin que tout le monde.
Devin T et CYNIC, ce sont les références majeures de ce Air, premier LP qui ne devait pas se louper, et qui réussit "presque" un sans-faute.
Il faut un certain temps pour s'acclimater à l'ambiance développée, mais une fois pris dans la toile, impossible de s'en extraire.
Il y a quelque chose de profondément envoutant dans ces rythmiques Black presque en Blasts allégées par des harmonies oniriques virevoltantes, même si ce schéma semble inamovible de titre en titre.
Ces mêmes titres sont d'ailleurs assez longs, mais regorgent d'idées qui souvent se répètent en utilisant un subtil décalage de quelques tons. Si l'on parle de Devin Townsend, c'est qu'Air parvient dans ses exemples les plus probants à coupler la brutalité outrancière du projet STRAPPING YOUNG LAD à la méditation zen d'OCEAN MACHINE, sans paraître "assemblé" ou trop forcé.
Un morceau comme "Tin Foils Hats" rappelle même d'assez près le second volet de la tétralogie addictive de Devin, et des chansons comme "Numbered" ou "Ghost", mais ne tombe pas dans le plagiat pour autant. La voix de Brett Boland est assez troublante en soi, synthétique et presque asexuée, ce qui ne fait qu'ajouter à l'ambivalence et le flou d'une musique qui semble presque provenir de l'espace, jouée par une entité extra-terrestre animée d'intentions bienveillantes.
Image osée ? Non, je ne pense pas, pas plus que ce style qui échappe à toute catégorisation. Pour autant, tout le monde ne se sentira pas concerné par les obsessions musicales d'ASTRONOID. En choisissant d'échapper à toute étiquette, le quintette a tenté un pari risqué, qui s'avèrera peut être payant en termes de crédibilité et d'originalité.
Une fois entendue, cette musique s'incruste en vous, même si la linéarité de la progression n'échappera à personne.
Il eut été de bon ton de varier un peu l'approche au risque de s'éloigner du concept de base pour échapper à cette lancinance un peu irritante qui vous berce une fois parvenu aux deux tiers de l'album.
Aussi décalé soit-il, un démarquage finit par tomber dans une routine cotonneuse pour peu qu'il soit imposé comme norme, et c'est un peu ce qui arrive à Air.
Les qualités des deux références principales des américains, CYNIC et TOWNSEND sont justement d'avoir su jouer la pluralité, même dans leurs projets les plus intimistes, en variant les modulations vocales et leur vision instrumentale, pour ne pas tomber justement dans le piège de la redite. Piège que Air n'évite pas totalement.
La fin de l'album offre quelques élargissements, subtils certes, mais les efforts notables sur "Obsolete" qui tente enfin quelques échappatoires au niveau des breaks, ou les longues plages presque "Shoeblack" sur l'épique final "Trail Of Sulfur" laissent présager d'une suite plus variée. Mais il conviendra à l'avenir de casser ce moule beaucoup trop rigide qui empêche le chant d'explorer d'autres horizons, et ces guitares de briser le cercle des harmonies trop stables pour convaincre totalement.
Il n'en reste pas moins que ce premier album est très solide et bien campé sur ses positions, qui ont le mérite d'être très originales.
Aux bostoniens d'aller chercher le surplus d'inspiration dont ils ont besoin un peu moins près des étoiles de la nuit. Après tout, la réalité offre aussi son lot de surprises, et il leur serait bénéfique d'accepter d'être un peu plus terre à terre.
Parce qu'à force de regarder le ciel en oubliant le sol, on finit par tomber.
Ajouté : Samedi 07 Mai 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Astronoid Website Hits: 5840
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