« Je n’étais plus que l’ombre d’un grand roi … Dernier homme à habiter ces murs tristes et mornes … Moi qui avais mené plus de vingt mille guerriers au combat, j’étais seul … Incapable de penser à autre chose qu’à ce jour où j’avais tout perdu, d’empêcher mon cœur de pleurer des larmes de sang, de reprendre le sentier de la guerre … Anéanti par le chagrin, la douleur, le désespoir, j’avais renié le monde … Et le monde m’avait oublié. Du moins le croyais-je. Je compris ce jour-là … Jamais je ne connaîtrais la paix. J’étais né pour faire la guerre. Condamné à souffrir et faire souffrir. »

Il fut un temps, une époque révolue, où tout se réglait à l’épée ou à la hache. Où l’on pouvait mettre le monde à feu et à sang, laisser libre cours à sa colère, faire la peau aux traîtres et à ses ennemis. D’où vient-elle, cette colère qui habite ARAWN, Engus, Math et Kern ? Jalousie ? Ambition ? Convoitise ?

Sûrement tout ça à la fois. Ils sont frères, Rois, et pourtant s’entredéchirent jusqu’à se vouer une haine tenace. D’un côté, ARAWN et Engus, de l’autre Math et Kern. Siamh La Guerrière, leur mère, a volontairement pris partie pour les enfants de Dag Le Guerrier, elle renie ses enfants aux cheveux sombres, ceux-là même que Bran Le Maudit lui a imposé lors d’une nuit macabre. Il faut voir ces deux colosses, ARAWN et Math, armés jusqu’aux dents, dressés l’un en face de l’autre, enfin prêts à en finir, à s’entretuer au milieu d’un massacre sans nom et sous une foudre divine. La double page de cet affrontement ultime, subtilement dénuée de tout dialogue ou commentaire inutile, est tout simplement grandiose …

Quelques instants plus tôt, les aléas de La Bataille de Cad Goddun nous ont rappelé la magie des légendes celtiques. Le Roi Kern a réveillé l’instinct guerrier des arbres de la forêt, pour les dresser contre les soldats revenus de l’au-delà. De la fureur illustrée lors de cette guerre sans merci se dégage pourtant une beauté, un esthétisme, indescriptible, qu’il vous faut découvrir par vous-mêmes. La puissance du feu n’a jamais été autant mise en avant depuis le début de la saga ARAWN. Cette fois, c’est sûr, vous êtes au cœur de la guerre …

Aux côtés de ces scènes d’affrontement, Grenier et Le Breton continuent néanmoins d’enrichir l’épopée du Roi maudit et son contexte. Après le Royaume funeste de l’autre monde, après la froideur des montagnes, après les forêts denses des payes celtes, après la chaleur étouffante des combats sanglants, c’est un nouveau spectacle qui s’offre à nous : celui de la désolation. De la première séquence, vraiment glauque, où on en apprend un peu plus sur Bran Le Maudit, jusqu’au foyer déserté par Siamh, en passant par la morosité des Rois vieillissants dans leurs forteresses froides, c’est le corbeau qui règne en maître, celui qui annonce la mort et symbolise le désespoir.

Une plus grande place est également accordée au Chaudron de Sang, et notamment en ce qui concerne son rôle pervers envers ces hommes tellement influençables et avides de pouvoir. Pourtant, malgré cette violente folie subsiste un sentiment plus fort : l’amour. L’amour que se portent ARAWN et Deirdre, sa bien aimée enlevée par ses faux frères, et pour laquelle il est prêt à faire brûler le monde entier. Le bond en avant effectué en fin de ce Tome 3 amorce la suite de la saga, évoquant le fruit de l’amour qu’ARAWN et Deidre se portent (qu’elle est belle, cette rousse Deirdre, bravo Seb). On touche d’ailleurs au seul point noir, relativement minime, à émettre au sujet de La Bataille de Cad Goddun : une projection vers l’avenir un peu soudaine, et des flash-back assez fréquents qui cassent un peu le rythme global.

Ceci étant, le troisième tome d’ARAWN s’inscrit dans la fidèle continuité des volumes précédents.
Illustrations parfaites, heroïc fantasy de rigueur, adaptation et mise en scène quasi-cinématographique de la culture celte, imagerie idéale pour vous accompagner pendant l’écoute d’un AMON AMARTH, d’un MANOWAR, d’un disque de Pagan Metal sauvage ou de Black Metal, que demander de plus ?
Une requête, une seule : le Tome 4, vite …

Saga Arawn :
- Tome 1 : Bran Le Maudit (2008)
- Tome 2 : Les Liens Du Sang (2009)
- Tome 3 : La Bataille de Cad Goddun (2010)
- Tome 4 : Le Chaudron de Sang (2011)
- LES CHRONIQUES D'ARAWN - Tome 1 : L’Ile des Géants (2012)

Bonus Metal Impact :
- SEBASTIEN GRENIER (FRA) - Illustrateur (Interview / Nov-2008)