Un livre sur les destins brisés du Rock. Rien d’inhabituel jusqu’ici, on peut même dire qu’il y en a eu pléthore ces 25 dernières années. Au mieux, on grappille quelques anecdotes supplémentaires, on apprend de rares détails encore inédits, mais qui y’a-t-il à dire de réellement nouveau sur Jim MORRISON, James DEAN, Sid VICIOUS en 2010 ?
Rien, je vous l’accorde. Et à moins qu’ils ne ressuscitent tous pour jouer au Shea Stadium ou chez Jay LENO, je ne vois pas ce qui pourrait nous surprendre à leur propos.
Jean-Paul BOURRE le sait bien, et c’est pour ça qu’il décide avec ce Sexe, Sang et Rock N’ Roll, de nous donner SON point de vue, subjectif bien évidemment, mais hautement imprégné de son expérience personnelle de Rocker/Blouson Noir. Car, loin d’être né de la dernière pluie, Jean-Paul se rangerait plutôt du côté des vétérans du combat Rock, qu’il a connu dès les premières heures de Johnny, des Chaussettes et autre Vince Taylor. Alors c’est vous dire si les chaises cassées, les émeutes juvéniles et autres expériences sensorielles à base de narcotiques plus ou moins concentrés, il connaît. Sur le bout du Perfecto.
Son parcours atypique, ses diverses collaborations à des magazines sur l’occulte/paranormal, ses études variées, ses nombreux romans/essais/poèmes/textes font de lui le narrateur parfait d’une épopée qui à commencé bien avant l’arrivée d’Elvis, pour continuer encore aujourd’hui.
Son style est direct, franc, effilé comme la lame d’un rasoir, et tranche dans le vif avec une aisance qui laisse pantois. Et prouve par la même occasion que s’il existe cinquante manières différentes de raconter le Rock, rien ne vaut la focalisation interne d’un fan qui a cramé sa jeunesse sur le même autel de destruction que ses idoles.
Lire ses vues sur le Rock des années 60 est incomparable. Lorsqu’il évoque la dérive chimique/Baba-cool, il devient quasiment surréaliste. Le Punk devient un champ de bataille parsemé de seringues vides et hautement contagieuses. Il arrive même à rendre la scène Black norvégienne des années 90 encore plus glauque qu’elle ne l’était vraiment.
Un peu Kerouac, un peu Thompson, un peu Manœuvre ou Eudeline, tout ça et pourtant lui-même et lui seul. La crédibilité et l’envie pour seuls moteurs. Et du carburant, beaucoup de carburant.
Mais son livre ne se contente pas d’aligner les portraits faciles de martyrs de la cause fauchés en plein vol, c’est aussi une immersion dans la face obscure du Rock, ceux que cette musique pleine de tripes et de sang a influencés, jusqu’à commettre l’irréparable. De Florence Rey, la Bonnie française, à Richard Ramirez le « Night Stalker » fan d’AC/DC en passant par Ed GEIN, les meurtriers de Columbine, ou le fan furieux et suicidaire de BJORK, tous les barges, criminels, assassins de haut ou bas étage qui un jour ont tué au nom/au son du Rock sont évoqués ici. Dans une ambiance de film noir très glauque, comme le destin de ceux qui les ont croisés.
Mais les anonymes de la cause ne sont pas occultés pour autant, et mister BOURRE n’oublie pas de saluer quelques sans noms, amis ou pas, tous ceux qui ont un peu trop pris à la lettre le credo du Rock, en se démontant la tête et le reste, a grands coups de décibels, de drogues et de pinard frelaté.
Et c’est pour tout ça que Sexe, Sang et Rock N’ Roll est indispensable. Pour Spector, pour Thompson, pour Janis, pour Kurt, mais aussi pour ceux que personne ne nommera plus jamais.
Parce qu’il y a deux façons de vivre le Rock. Comme un passe temps agréable, défouloir quotidien d’une réalité ambiante trop déprimante, ou comme exutoire/catharsis d’une existence qu’on ne peut concevoir autrement que dans l’excès et la liberté.
Et puis franchement, que préférez vous, un abruti qui reprend « Hallelujah » de Cohen en couinant comme s’il était soudain pénétré par tant de bon sens, ou Sid Vicious qui balance à un médecin dans un avion « J’ai pris un shoot de Méthadone et six Valium, maintenant, va te faire enculer et laisse moi crever ! » ?

Vous hésitez ? Allez vous faire mettre vous aussi.