BEATALLICA (usa) - La Scène Bastille à Paris (31/03/09)
Groupes Présents au concert : BEATALLICA + THE FOUR HORSEMEN
Date du Concert : mardi 31 mars 2009
Lieu du Concert : La Scène Bastille (Paris, France)
Enfin, une semaine que je trépigne à l'idée de ce concert. Ça ne va pas être EUX, mais on va LEUR rendre hommage. J'ai enfilé mes plus beaux badges et lustré mes bottines. BEATALLICA, je n'avais jamais entendu parler de ce groupe avant de croiser une affiche au hasard d'une rue, mais, avec un nom pareil, que voulez vous que ce soit d'autre ?
Les quelques personnes postées à l'entrée de la salle n'arborent pas un profil très sixties : rasés ou chevelus, t-shirts noirs, pantalons et chaussures assortis. Mais où sont passées les coupes au bol et les petites fleurs ? Enfin, après tout, ILS sont intemporels, ILS touchent toutes les générations et tous les genres. De nos jours les gens n'osent plus la couleur, du coup je fais toujours sensation ! D'ailleurs, je sens déjà que les regards se tournent vers moi. Normal, je suis ravissante avec mon chemisier vert et jaune et mon brushing Jackie Kennedy.
- Salut poupée, ton cuir était au pressing, t'as pris les fringues de maman ?
Me lance un énergumène au menton outrageusement velu, les oreilles distendues par de larges disques noirs. Sans tiquer d'un cil, je l'ignore, prenant l'air dégagé et confortable qui m'a toujours tiré de ce genre de situation. Relevant un tantinet le menton, je passe sur lui un regard indifférent qui ne m'empêche pas de noter les déchirures qui balafrent vulgairement ses jeans.
- Hep, mec ! Mate les miches à la grognasse !
- Hé mignonne, tu viens te frotter aux vrais hommes ?
- Dans le mille, mon mignon, ça confirme ce que je pensais, nous n'allons pas dans la même salle !
Je le laisse comme deux ronds de flanc, la lèvre inférieure pendante, d'où s'échappe, dans un souffle, un faible :
- ...pas mon genre de toute manière...
Si sa persévérance est à l'image de sa repartie, je suis débarrassée, ouf ! Vu la mauvaise fréquentation du lieu j'imagine qu'il y a d'un côté mes quatre garçons dans le vent, de l'autre un concert de sauvages.
Sur le mur du hall, avant de rentrer dans la salle, un grand logo Sergent Pepper. Joli. Avec la boule à facette au plafond, ce lieu présente une certaine similitude avec mes toilettes ! Par contre c'est la première fois que j'ai autant d'invités au petit coin !
A y regarder de plus près j'ai bien peur que ceux ci soient calqués sur ceux du dehors. Il n'y a pourtant pas d'erreur possible : BEATALLICA, en tête d'affiche, et THE FOUR HORSEMEN. S'il ne s'agit pas d'une référence aux Fab Four, je veux bien arrêter les fleurs.
Quatre musiciens entrent en scène et au vu de leur permanente ce n'est pas un vent qui les porte mais bien une sacrée bourrasque. Je ne trouve chez eux aucun stigmate yéyé mais une sombre sobriété.
Une odeur de poudre et de poussière semble planer sur les notes d'intro. Interloquée, j'identifie la chanson du « Bon, la brute et le truand », d'Ennio Morricone. Mon érudition beatlesque essaye vainement de trouver un clin d'oeil, une référence aux chansons de Liverpool. Sans succès.
Ensuite a commencé ce que j'ai d'abord pris pour une longue erreur technique, un couac interminable, résultat de quelque malencontreux réglage. De violentes stridences s'échappent des hauts parleurs. Un son massif et grossier m'écorche les oreilles. Mes voisins semblent souffrir en silence. Certains, magnanimes, arborent un mince sourire d'indulgence. Faisant fi, tant que faire se peut, de la sonorisation exécrable, je ne parviens tout de même pas à identifier la moindre note, le moindre refrain. Et d'abord, il ne me semble pas que les BEATLES aient jamais joué à cette vitesse. Le Ringo Starr de service, qui a troqué sa moustache contre un bouc, me semble plutôt issu du BTP que du conservatoire.
Autour de moi, quelques compagnons d'infortune élèvent la voix, lèvent les bras et gesticulent pour signifier leur douleur auditive, appeler une trêve. N'y tenant plus je me joins à eux, tentant d'exprimer douleur et énervement par ma gestuelle.
- Alors poupée, on s'éclate ? Du bon gros Métôl, rien de mieux pour vous remuer les ovaires !
Seigneur, l'importun de l'entrée et pas une brèche pour s'échapper !
- Ça envoie comme on aime. C'est du vieux ça, période Ride the Lightning je crois. Moules burnes et tignasses de clébards. Ils prenaient leur élan pour devenir le plus grand groupe du monde !
Oui, le plus grand groupe du monde, on est d'accords mais... Ils massacrent un si beau répertoire. Je n'y comprends rien !
- Écoute ce riff : 220 à la noire !
Mon interlocuteur se met alors à remuer les doigts de la main gauche en faisant mine de se gratter vigoureusement l'entregent de l'autre. Je savais que le pays était affligé de pas mal de tares, mais un tel taux d'arriération ! J'en restais bouche bée tout en craignant qu'il ne s'agisse chez cet individu primitif d'une tentative animale de me faire la cour.
- Tu kiffes ? C'est bon hein ? C'est sûr, c'est pas les vrais mais ça change de se secouer le chapeau sur un cd !
Secouer le chapeau ! Mais pourquoi ces mâles se sentent ils toujours obligés de parler de leur vît ?
- La main serrée sur la baguette, ça envoie la purée ! Chauffe Lars ! Fait nous suer, fais nous hurler !
Coincée entre un parterre d'adolescents lobotomisés qui secouent leur tête de haut en bas, hurlent à s'en meurtrir les cordes vocales et un satyre qui, si ce n'est l'absence notable de partenaire, a toutes les apparences du rut, je me morfonds, un peu paniquée à l'idée d'être une victime en puissance des appétits répréhensibles de mon voisin nauséabond. Et les autres qui n'en finissent pas !
…
...
Ce soir c'est la bonne. Les FOUR HORSEMEN ont bien chauffé la salle avec leurs reprises. Ils n'étaient pas parfaits, c'est sûr, leurs solos un peu incertains, leurs riffs parfois pas très carrés. Mais c'est bonne ambiance ! On chante en coeur, on sue en coeur, on se bourre le mou en coeur. Fraternité quoi. Et c'est la bonne, parce que moi aussi je chauffe. Je tiens le bon bout. Une frangine pas trop moche a qui j'ai tapé dans l'oeil, et à qui j'aimerais bien taper autre part.
Les BEATALLICA font leur entrée sur scène habillés en pingouins daltoniens. Genre armée du salut en plein trip LSD. Franges aux couleurs de l'arc en ciel et lunettes de soleil violettes. On se marre. Je me rapproche de la petite. Pendant la première partie, j'ai senti que malgré l'appel du pit devant elle, elle voulait rester près de moi. J'ai senti son regard caresser ma nuque quand je headbanguais, se coller à mes doigts quand je suivais en air-guitar les solos de Kirk. Elle en prend de la graine, j'ai senti chez elle l'énergie, mais un manque de vocabulaire dans la gestuelle. Un manque de graves dans les cris aussi. Si je suis son coach, elle fera une bonne pouliche.
Les 4 sur scène balancent quelques morceaux. Je retrouve bien de ci de là, quelques riffs pas inconnus, des phrasés à la James qui vont bien... mais...
D'accord, j'avoue, plutôt marrant au début cette sensation de déséquilibre. On reconnaît quelques notes, on prend de l'élan, se sentant en terrain connu, on balance la nuque en rythme et, paf ! Ils te la foutent dans le cul ! Le riff que t'aime tant : émasculé ! Une mélodie de grand breton prend joyeusement le dessus.
Du coup, coupé en plein vol, t'as la tête qui retombe mollement, les épaules basses, un air de chien battu que t'essaye de cacher par un sourire. Du genre, « ils m'ont bien eu, mais je leur en tient pas rigueur. » Par contre, elle est pas dupe, à côté, la mignonne à qui t'essaye d'en mettre plein la vue en faisant le virtuose du pit.
Certains ont mélangé les genres, mixant Reggae et Punk, Jazz et Metal, Hip Hop et musique Klezmer avec parfois beaucoup de talent et d'inventivité. D'autres se sont adonnés à des ré interprétations offrant des choses aussi inattendues que « la marseillaise » en Reggae (qui, soit dit en passant et à l'instar de RENAUD, m'a toujours fait dégueuler) ou « I like to move it » version Grindcore (on remercie ULTRA VOMIT pour ce monument). Mais jamais je n'avais été témoin d'une tentative aussi systématique de fusionner des éléments si hétérogènes.
BEATALLICA serait il le joyau d'un postmodernisme monomaniaque ?
Et le pire c'est que ça les fait marrer ces salauds d'anglo-saxons ! Ils racontent des blagues en étranger, j'en comprends pas deux mots. Pour pas perdre la face, je fais comme tout le monde, je rigole quand il faut rigoler, j'en rajoute un peu même, je fais dans le rire pédant de celui qui a compris mieux que les autres. Faut dire que la poulette, ça la déride pas mal. Elle à l'air de s'y entendre plus que de raison en grand breton.
Histoire de marquer un point supplémentaire, je lui place au creux de l'oreille un « funny isn't it ? » ce à quoi elle me répond par un regard de braise, un froncement de sourcils et un babil incompréhensible. Je lie immédiatement dans ses yeux qu'elle est conquise mais que sa bonne éducation lui impose encore une certaine retenue. J'acquiesce à son interjection mystérieuse en clignant de l'oeil. C'est dans la poche coco !
Mais ça commence à me peser cette manie de briser toute grandiloquence metalliquienne par des rythmiques sautillantes de garçons de bonne famille.
On reconnaît clairement quelques traits du père, le fier, « Blackened », la mère, elle, est une traînée de l'ex URSS. Mais quel est ce rejeton bâtard ? Ces criminels trahissent l'esprit et la lettre. Brûlez moi ces hérétiques, bordel, sauvez tant qu'il en est encore temps, l'âme de nos quatre centaures !
Merde, fais gaffe bonhomme, avec des propos aussi fascisant tu va finir toi aussi par être réhabilité par le Vatican.
Je m'égare, le manque d'alcool sûrement, ou ces petites fesses qui se balancent à porté de ma main, mon esprit s'embrume. Je ne voudrais pas passer pour un affreux dévot défenseur aveugle du dogme.
La miscégénation, les rapports entre “races”, ont toujours été condamnés par les plus réactionnaires, et… je n'en suis pas ! Les obscurantistes de tous poils se lèvent encore contre les mariages “contre nature”, qui contreviennent à une soit disant sacro sainte pureté originelle. Et ça, dans tous les domaines : musical, pictural, sexuel, etc.
Les avants gardes aiment à se saisir de ces tabous pour les malmener, bouleverser les codes, briser les barrières, et irriter le cul des fossiles. Mais putain, justement, ça me démange !
Unique en son genre le projet des BEATALLICA, c'est sûr. Mais un peu chiant quand même, convenons en. Si je devais réduire BEATALLICA à une formule mathématique, plutôt que BEATLES plus METALLICA, j'opterais pour BEATLES moins METALLICA.
Le tout multiplié par une grosse dose de second degré, ingrédient principal de ce projet musical, qui n'arrive pourtant pas, à mon avis, à redonner du goût à l'ensemble.
Cette métaphore mathématique me donne des idées, tiens. Parce que ma formule ce soir, ca va être, ses fesses + mes mains =... ...faut que je trouve un résultat en 7 exposant ciel... Plus elles se marrent, plus elles se couchent ! Enfin, c'est ce que m'ont dit les copains ! Allez je prends mon courage à deux main et...
Les 4 zouaves sur scène, qui ont troqué leurs vestes contre les robes à fleurs de leurs mères-grand, ne font rien pour me faciliter la tâche. Le bassiste, en fixant ce qui ressemble fortement à un couteau à pain au bout de son manche, a transformé son instrument en baïonnette de ménagère. Belle métaphore de ce groupe qui, bien que nourri à 50 % par ceux qui ont pondu « Kill'em All » est aussi belliqueux qu'un enfant de 8 ans armé d'un couteau à tartiner.
Cette pâle parodie de « The call of Ktulu » fait doucement monter en moi le peu de testostérone qui a survécu au show. Au prochain morceau je lui sort mon poème mathématique. J'ai pas vraiment formulé ma conclusion, mais dans le feu de l'action je devrais m'en débrouiller, j'espère surtout qu'elle ne me laissera pas terminer. Le désir m'enivre, la tête me tourne...
Le morceau se termine... James Lennon dit deux mots dans le micro... regarde vers le fond de la salle... ça va redémarrer. Je me lance aux premières notes... il fait un signe... ils font une drôle de tête, et... mais, les cons, ils quittent la scène là... Ça redescend, putain.
Ça râle dans le public... C'est le technicien du son, qui, pire qu'un fonctionnaire, voyant l'aiguille de sa montre dépasser de 30 secondes l'heure fixée, a fait signe au groupe de se la rentrer et commence bravement à plier ses gaules. Et la mienne par la même occasion. Tout penaud, planté dans mon slip comme une asperge dans le whisky, je tourne la tête vers celle qui me l'a mise en orbite pendant deux heures pour ne voir, là où se dressaient ses belles petites jambes qu'un gobelet de bière éventré dont le contenu s'est largement répandu dans mes godasses. (texte de Régina Lampert et Moloch)
Ajouté : Mardi 21 Avril 2009 Live Reporteur : Moloch Score : Lien en relation: Beatallica website Hits: 22083
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