RECTAL HYGIENICS (usa) - Ultimate Purity (2015)
Label : Permanent Records
Sortie du Scud : 9 février 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Alternative Noise
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 27 Mins
Chicago c'est pas rigolo.
Ca pourrait être un leitmotiv enfantin, mais il n'en est rien. Depuis quelques années, cette ville emblématique de l'état de l'Illinois déverse son lot d'atrocités sonores sur le monde, et laisse se développer des scènes venimeuses qui ne veulent pas vraiment calmer les esprits, ni faire preuve d'empathie. J'en tiens encore pour preuve aujourd'hui la sortie de ce nouvel LP des embrumés RECTAL HYGIENICS qui ne vous veulent que du mal. Oui, vous avez bien lu, des méchants, des vrais, qui utilisent le feedback pour faire mal aux oreilles, qui plombent la disto dans de telles profondeurs qu'elle semble se faire l'écho d'une stridence permanente, qui alourdissent tellement la basse qu'elle pourrait supporter le poids de vieux trucks roulant sans discontinuer.
Ok, l'affaire est métallique, vraiment. Mais pas dans le sens où vous l'entendez. Plutôt dans l'optique d'un Iggy et son Metallic KO, c'est blanc de blanc, en fusion, chaud comme de l'acier qui coule dans une fonderie, et ça coule le long des enceintes comme une lave qui menace de tout bouffer sur son passage.
De ce groupe, on sait d'où ils viennent, inévitablement, qu'ils se sont formés à l'automne 2012, mais à la rigueur on s'en fout, et qu'ils ont sorti depuis leur naissance un EP, Cold Meat/Hoard Of Violence, qui précède ce Ultimate Purity, et un longue durée (quoique...) Even The Flies Won't Touch You, ce qui est assez révélateur de leur démarche, dans l'intitulé et le contenu.<br<
Oui, on imagine mal une nuée de mouches graviter autour des instruments laissés par terre par RECTAL HYGIENICS. Je serais bien tenté de dire que leur nom n'est pour rien dans ma volonté de parler d'eux, mais ce serait un mensonge, quoique à demi avoué. Mais soyons franc. Si vous pensiez que votre groupe préféré était Heavy, si vous pensiez qu'il faisait plus de bruit que son voisin, lâchez l'affaire, à côté de ces flingués de Chicago, ce sont de petits joueurs.
Amoureux de l'harmonie, des structures complexes et/ou au contraire des refrains limpides, des productions clean et autres artifices de studio, fuyez, fuyez. RECTAL HYGIENICS n'est que bruit, condensé dans des chansons courtes, qui résonnent d'une basse énorme et distordue à l'extrême, de guitare vénéneuses et écorchées vives, et d'un "chant" en lamentations/cris/complaintes/harangues qui rappelle un peu les supplications perverses et suintantes de Scott McCloud. Pour faire court, parce qu'en plus ils n'aiment pas disserter pendant des heures, les gaillards pratiquent ce qu'on pourrait baliser d'un Sludge agonisant, fortement teinté de Hardcore noisy strié d'attaques en circonvolutions de scies circulaires tournant à plein régime. Ca atteint parfois les sommets du non sens ("Untitled" et ses quatre minutes presque SWANS, à la limite du mantra bruitiste inécoutable), mais la plupart du temps, ce brouhaha concentré de stupre sent le cul à des kilomètres à la ronde, déclenchant des crises de priapisme auditif incontrôlables. Grivois ? Non, pas du tout, luxurieux, échangiste dans ses influences, enfin le genre de post party qui pue la groupie usée et abusée et l'alcool bon marché. Soit. br>
Des noms viennent immanquablement à l'esprit, pour peu que l'on ai pas la mémoire courte. Les GIRLS AGAINST BOYS justement, en version pourrie jusqu'à la mœlle, mais aussi Cows, Flipper, les Melvins, des trucs plus médium genre Walls, Moutheater, ou Ken Mode. Oui, ça place la barre assez haut j'en convient. Mais l'avantage, c'est qu'il n'y a pas de coup fourré. Dès l'intro "Addicted To Filth", vous êtes prévenus. Ca se traîne, les guitares sont tellement abrasives qu'on se crame en les touchant, et la section rythmique pataude se contente du strict minimum, sur un tempo lancinant. Et si celui ci s'active sur "Suffocating", c'est pour mieux vous emprisonner dans une claustrophobie étouffante, comme si tous les monstres de votre enfance se retrouvaient dans la même pièce que vous. Chant mixé en arrière plan, hurlé d'une voix souffreteuse, Hardcore/Rock qui exhale un doux fumet urbain et désabusé, construction toute en linéarité obsédante, et final tronqué genre "j'en ai rien à foutre de la coda", tout ça pour enchaîner sur un autre feedback assourdissant et faire repartir la machine.
Mais quand cette même machine aime à se concentrer sur le malaise et l'angoisse ("Grandeur", en plus ils se foutent de notre gueule), c'est vraiment, mais vraiment méchant. On retrouve ces inflexions post Sludge que les trois MELVINS adorent, sauf qu'ici, rien n'est drôle ou second degré. C'est du direct dans ta face, la réalité en étendard et la désillusion dans le placard. Chaud, très chaud.
Et si les olibrius s'amusent à finir leur massacre par un "Dirty As Fuck" qui exsude l'ennui et la crasse, on peut aussi prendre ça comme un aveu.
Rien de "propre" ici, rien de "carré", et encore moins de "rassurant". Ultimate Purity est un pied de nez à la bienséance, un gros majeur tendu à la face du bon goût, et c'est jouissif, très jouissif, parce que c'est... dangereux. Alors oui, évidemment, ça ne va pas plaire à tout le monde, mais comme ça n'est pas le but, seuls les égarés un peu inconscients et qui s'en cognent de l'état de leur surdité, de leur foie et de leurs articulations seront captivés par ce bruit émanant d'un vieux local de répète décrépit. Moi j'adore, parce que c'est subversif et plein de saloperies que j'affectionne. Enfin vous voila au jus maintenant, vous faites ce que vous voulez. Moi - et eux aussi d'ailleurs - je m'en tape.
Ajouté : Vendredi 20 Mars 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Rectal Hygienics Website Hits: 5760
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