ROLO TOMASSI (uk) - Grievances (2015)
Label : Holy Roar Records
Sortie du Scud : 1er juin 2015
Pays : Angleterre
Genre : Post Hardcore
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 40 Mins
Dix ans de carrière, des changements de line-up en veux-tu en voilà, la route de ROLO TOMASSI n'a pas vraiment été un fleuve tranquille.
Hors du pivot central de James et Eva Spence, les chaises ont été musicales certes, mais ont beaucoup bougé, et ce quatrième album ne fait pas exception à la règle.
Le fauteuil de batteur est à présent occupé par Tom Pitts, et il faut avouer que sa frappe versatile et puissante sied merveilleusement bien au Post/Mathcore du groupe anglais.
Sheffield, Angleterre. 2005. Naissance de ROLO TOMASSI qui à l'époque strie le ciel de ses éclairs core très chargés, et se fait derechef suivre par une horde de fans enragés, qui eux aussi, ont parfois quitté la barque, désorientés par les choix du groupe (duo ?).
Astraea il y a trois ans n'avait pas dérogé à ce principe, avait profondément divisé, mais comme toutes les oeuvres riches et complexes, avait fini par s'imposer sur la durée. Gageons que le destin de Grievances ne sera pas différent, puisque lui non plus ne revient pas aux sources, mais continue d'explorer les pistes dessinées par ses prédécesseurs, sans se demander s'il offre les bonnes clefs.
Je ne sais pas, il doit y avoir une mésentente tacite entre le public et les groupes comme ROLO TOMASSI, DILLINGER ESCAPE PLAN, ou plus généralement, tous les groupes qui expérimentent d'une façon extrême la déconstruction de la musique... Peut être que Miles Davis, Ornette Coleman ont eu le même problème à leur époque...
On s'attend toujours à un déferlement de violence ininterrompu, à un copié collé du point de départ, alors qu'on sait, pertinemment, que les groupes veulent passer à autre chose et enrichir leur expérience... Alors à quoi bon protester ou tourner le dos... Autant s'y abreuver tant que la source n'est pas tarie.
Et celle qui alimente les confluents de Grievances est loin de l'être, je dirais même que c'est une des plus abondantes que les anglais aient fait couler dans nos oreilles.
Les amateurs de chaos et de pulvérisations rythmiques se rueront d'office sur deux morceaux. Le très agité "Stage Knives" et ses parties vocales découpées sur fond de rythmique d'abattage, et "Funereal" bien sur, pour ses guitares striées et enflammées, sa batterie à la limite de la syncope, et ses hurlements sans pitié. Ce dernier est d'ailleurs très proche du DEP de la fin des années 2010, à tel point qu'on en confond presque le chant de James avec celui de Greg. Mais mon Dieu, quelle basse...
Pour le reste, l'affaire se complique et s'embrume. Si l'ouverture "Estranged" ne fait pas grand cas de ses intentions belliqueuses et aurait pu être enregistré à l'époque d'Ire Works de DEP, dont il synthétise toutes les directions, "Ramdeuter" opacifie le miroir et tente la lourdeur, les digressions synthétiques, tout au long d'un long pont un peu chancelant et qui semble sans fin, avant que la lumière ne soit apportée par Eva lors d'une explosion épiphanique.
Mais le groupe laisse aussi parler les touches ébène et ivoire ("Crystal Cascades"), lui laissant tout loisir de tomber dans une sémantique plus précieuse et mélodique, qui trouve son apogée sur le très apaisé "Chandelier Shiver", qu'on imagine posé sur une nappe de velours, dans le grand salon d'un hôtel particulier vide de tout convive...
D'un autre côté, l'efficacité de "The Embers" ne saurait être remise en cause, et ce grâce à un riff circulaire et particulièrement redondant qui occupe tout l'espace de ses métamorphoses. Concis, précis, épais, puis en cascade d'arpèges distordus, c'est une belle démonstration de polymorphie, qui amplifie les échos malsains d'un titre très hermétique.
"All That Has Gone Before" reprend les choses là où le piano les avait laissées, et laisse l'auditeur sur une note amère, un regard biaisé. Puissant mais harmonieux, tragique mais énergique, ce sont sept minutes de noeuds qui vous perdent dans leur labyrinthe, sans vous donner de plan. La magie des voix unies de James et Eva fait merveille, et nous éloigne encore un peu plus de la clarté rassurante des grèves bruyantes des débuts de l'aventure. Même si les guitares tranchent, même si la rythmique se pose lourdement sans hésiter, un léger parfum de mystère plane et laisse l'odorat dubitatif...
Dans quelle direction le futur va il guider ROLO TOMASSI ?
Nul ne le sait, et peut être que le duo ne le sait pas lui même. Chaque album de leur bébé est une réflexion à un moment T, et il est je pense inutile d'en chercher la portée hors de cet instant.
Alors comme à l'habitude, Grievances surprendra, décevra, enthousiasmera, mais il ne laissera personne indifférent. C'est une étape de plus dans la carrière d'un groupe à part, qui laisse s'exprimer le bruit sous toutes ses formes, mais aussi la mélodie, la nostalgie autant que le sentiment d'urgence, et il nous faudra encore attendre, pour en savoir un peu plus...
Mais il n'en reste pas moins un excellent disque, digne de ses auteurs, qui retrouve un peu de l'essence d'autrefois sans se tourner complètement vers le passé.
Mais à quoi bon réécrire le passé lorsqu'on peut laisser parler le futur ?
Ajouté : Jeudi 01 Octobre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Rolo Tomassi Website Hits: 5736
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