BLACK SABBATH (uk) - Black Sabbath (1970)
Label : Vertigo
Sortie du Scud : 13 février 1970
Pays : Angleterre
Genre : Doom Metal
Type : Album
Playtime : 7 Titres - 38 Mins
J'ai toujours été impressionné par la conjonction de hasards qui contribuent à la naissance d'un groupe. La genèse de BLACK SABBATH est tellement parsemée de ces petits accidents et coïncidences qu'on pourrait croire que la réunion d'Ozzy Osbourne, Tony Iommi, Geezer Buttler et Bill Ward a quelque chose à voir avec cette magie noire qu'on les a accusés de pratiquer à la sortie de leur debut album, dont la croix renversée a fait couler beaucoup plus d'encre que de sang de vierges.
Il a fallu qu'une presse hydraulique ampute cruellement la main droite de Tony Iommi à la veille de son départ en tournée avec THE ROCKING CHEVROLETS. Il a ensuite fallu que le même Tony décide que son handicap ne l'empêcherait pas de jouer de la guitare et qu'il réaprenne à jouer avec deux doigts raccourcis. Il a fallu que l'annonce "Ozzy Zig Needs Gig" reste accrochée un peu plus longtemps que prévu dans la vitrine du magasin de musique Ringway Music et que Bill Ward et Tony Iommi frappent un soir à la porte de la famille Osbourne en quête d'un nouveau chanteur. Il a fallu que Ozzy connaisse un guitariste qui pourrait faire un bon bassiste. Il a fallu que ledit guitariste abandonne une carrière prometteuse de comptable pour celle, plus aléatoire, de bassiste. Il a enfin fallu que Tony Iommi renonce à devenir guitariste pour JETHRO TULL et préfère construire sa propre légende avec son propre gang que contribuer à celle d'un autre. Tous ces ingrédients mélangés dans le chaudron de la sorcière ont donné naissance à BLACK SABBATH. Quatre gamins d'Aston qui fondent un groupe de Blues Rock parce que la musique est le seul moyen d'échapper à l'usine et à une vie de labeur et de peines. Quatre gamins qui tournent sans cesse de concert en concert si bien qu'ils finissent par intéresser un manager qui leur décroche l'enregistrement d'un debut album début 1970. Il suffit d'une journée au Regent Sound Studio (Londres) sur un magneto quatre pistes, sans overdub, ni effets, ni doublages, ni reverb pour capturer les premières compos du combo. Un son raw, brut de décoffrage, l'essence même de la musique qu'ils jouent sur les scènes du pays depuis deux ans. Le disque est produit par Roger Bain en moins d'une semaine. A cette époque, une fois sorti du studio, le groupe n'avait pas vraiment son mot à dire sur la production ou l'habillage. Si Roger Bain demande quand même leur avis aux anglais avant d'ajouter le son de cloche et d'orage sur "Black Sabbath" et la guimbarde sur "Sleeping village", c'est la maison de disques qui s'occupe de la fameuse pochette avec sa sorcière posant devant le moulin de Mapledurham et insère la croix renversée (sur la face interne) qui a fait courir toutes sortes de bruits idiots sur le satanisme... Il faut dire qu'entre le titre, la photo de couverture, la croix et la date de sortie, le vendredi 13 février 1970, il y avait de quoi faire réciter son bréviaire à l'envers à une grenouille de bénitier. Sans parler de la galette à proprement parler, concentré de paroles inquiétantes psalmodiées par un chanteur allumé sur une musique torturée.
On pose la galette sur la platine, le diamant dans le sillon, et on écoute une page d'histoire de la musique se dérouler. Et dès l'ouverture, avec cette chanson titre, "Black Sabbath", la messe (noire) est dite. La pluie qui tombe, des cloches qui sonnent, un riff plombé d'une effroyable lenteur, la voix d'outre-tombe d'Ozzy qui égrène des paroles inquiétantes. Arrive ce fameux triton que Tony Iommi aurait découvert par hasard, sans connaître sa signification sulfureuse. Puis ce cri de désespoir du frontman annonçant un changement de rythme, cette accélération signature amorcée par un roulement de cymbale avant que le rythme de la chanson change complètement et qu'un solo d'une justesse hallucinante vienne clôturer le tout. Un riff pachydermique de la guitare qui, doublée par la basse érige son mur de son. Une accélération, un break qui fait basculer dans tout autre chose, un changement de ton... Tout SABBATH est résumé dans cette chanson qui annonce sans coup férir la naissance du Metal et celle, plus tard, du Doom.
Mais pour l'heure, nos quatre amis se contentent de jouer un Blues Rock aux paroles inquiétantes et les anciennes influences Blues de Geezer Buttler et Tony Iommi, plus Jazz de Bill Ward sont encore audibles ici et là. Prenant la suite de cette magistrale ouverture, "The Wizard", "NIB", et "Sleeping village" proposent des déclinaisons autour du même concept. Toujours ces ambiances inquiétantes et moites, ces ruptures de tempo, ces quelques paroles psalmodiées sur une musique toute en virtuosité. Il y a aussi ces belles transitions d'une chanson vers l'autre, quand la mélodie de "Sleeping Village" s'éteint juste le temps d'amorcer "Warning", comme deux pièces d'un puzzle qui se complètent en parfaite harmonie.
Bien que le groupe ait de quoi remplir une galette avec sa propre musique, l'album compte deux cover, "Evil Woman" (THE CROWS) et "The Warning" (ANSLEY DUNBAR RETALIATION) copieusement allongé par un instru au long cours de 10 minutes.
Quelques mois avant Paranoid, album de la révélation ; Black Sabbath a déjà bien des choses à dire. On ne peut résumer la carrière du gang à ces 38 minutes mais force est de constater que tout ce qu'on aime dans le son du SAB était déjà présent dans leur premier méfait. La suite n'a fait que le confirmer.
Ajouté : Vendredi 15 Janvier 2016 Chroniqueur : Rivax Score : Lien en relation: Black Sabbath Website Hits: 7302
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