BLACK SABBATH (uk) - Dehumanizer (1992)
Label : IRS Records
Sortie du Scud : 22 juin 1992
Pays : Angleterre
Genre : Heavy Metal
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 51 Mins
On devrait toujours remettre un disque dans son contexte avant de l'évaluer. Parfois, cela permet de mettre en lumière des qualités novatrices à l'époque où il est sorti, mais qui paraissent complètement banales aujourd'hui. Comme ces effets sonores intégrés sur les premiers albums de BLACK SABBATH et bricolés avec les moyens du bord, parfois au prix de longues heures de travail alors qu'il suffit aujourd'hui de charger le bon sample ou d'appuyer sur la touche d'un synthé. Dans certains cas, comme pour l'opus qui nous occupe aujourd'hui, ce retour aux sources ne joue pas en faveur du produit, il aurait même tendance à le faire passer pour plus daté et has been qu'il ne l'est réellement. Car un disque n'est pas le produit d'une année, c'est un oeuvre éternelle qui survivra au temps à laquelle elle a été créée et qu'on appréciera peut-être autrement plusieurs années après sa création, tout simplement parce que ce qui n'était pas dans l'air du temps l'est soudain redevenu.
Quand Dehumanizer parait, en juin 1992, le monde vibre au son du Grunge. Avec le recul, le Grunge n'aura duré qu'une poignée d'années et n'a pas vraiment écorné l'aura du Heavy Metal qui lui a d'ailleurs survécu. Mais au début des années 1990, un groupe de "vieux" qui sort un disque de pur Heavy Metal n'est pas du tout dans l'air du temps. C'est pourtant ce que choisit de faire BLACK SABBATH avec Dehumanizer, un disque d'un classicisme rare. Certes, après vingt ans à la tête du combo réputé avoir "inventé" le Metal, Tony Iommi n'est pas du genre à chercher à suivre les modes. Il n'a pas été mis en danger par la vague Punk des années 80, pourquoi s'imaginer que le Grunge pourrait nuire à la musique éternelle du sabbat noir ? Mais si BLACK SABBATH est une légende, c'est une légende aux pieds d'argile. Le SAB de 1990 n'est que l'ombre du groupe des années 1970. Des quatre fondateurs, seul Tony Iommi reste fidèle à la barre. Ozzy a quitté le navire en 1979, suivi par Bill Ward en 1982 puis enfin Geezer s'en est lui aussi allé. On a cru un moment qu'il revenait mais il a finalement rejoint le line-up d'Ozzy. Ultime camouflet ! En 1990, BLACK SABBATH est constitué de Tony Martin au chant, Neil Murray à la basse, Cozzy Powell à la batterie et le fidèle Geoff Nichols aux claviers. Le pénultième album, Tyr, n'a pas vraiment rencontré son public, le label IRS Records a même préféré ne pas organiser de tournée américaine, la dernière ayant été un four. La tournée européenne s'est plutôt bien passée, sauf en Angleterre où certains concerts ont dû être annulés faute de préventes suffisantes. Tony Iommi essaye par tous les moyens de relancer la carrière de son groupe, quitte à en bouleverser le line-up.
"I.R.S n'était pas parvenu à relancer BLACK SABBATH aux Etats-Unis alors Tony Iommi s'est mis en quête d'un meilleur contrat. Bien entendu, Warner était intéressé, mais ils ont dû lui dire qu'il devait réunir une version plus "classique" du groupe avant de faire quoi que ce soit. Et à l'époque, Ozzy n'était pas intéressé. Il a donc rappelé Ronnie Dio." (Neil Murray, 2007)
Après de courtes négociations, Geezer et Dio acceptent de rejoindre le groupe. Tony Martin et Neil Murray sont remerciés et les trois amis s'attellent au nouvel album à partir d'un concept écrit par Geezer Buttler. L'élaboration du projet prend beaucoup de temps et coûte près d'un million de dollars avancés par Warner Bros. Hésitations sur la ligne de conduite, désaccords entre les musiciens, climat très tendu entre Dio, Cozzy Powell et Tony Iommi. Le batteur abandonne la partie suite à un accident de cheval, il est remplacé par Vinnie Appice, ce qui permet au groupe de reconstituer le line-up de Mob Rules. Enfin, l'album parait et c'est un succès public, très rapidement certifié disque d'or. C'est donc le vent en poupe que le SAB entame une énorme tournée mondiale et enchaîne les concerts les plus monstrueux depuis... 1983 et la tournée Born Again. Malheureusement, l'ambiance n'est vraiment pas au beau fixe backstage et la cohésion qu'affichent les musiciens sur scène cache des dissensions graves entre Tony Iommi et Dio. Si en 1982 c'est Tony Iommi qui avait éjecté le chanteur pendant le mixage du Live Evil, c'est cette fois-ci Dio qui claque la porte quand Tony et Geezer acceptent d'ouvrir en première partie d'un concert de Ozzy Osbourne, à l'invitation de ce dernier. Une nouvelle fois, la relation artistiquement très profitable entre Dio et BLACK SABBATH se termine dans les larmes et la douleur.
Musicalement, Dehumanizer est un album plutôt moyen. Malgré tout ce qu'on aurait pu espérer d'une réunion de l'équipe de Mob Rules et Heaven and Hell, Dehumanizer n'a rien à voir avec les deux précédents projets. Disparus les lyrics fantasy, à la demande de Tony et Geezer, Dio a dû renoncer à son univers artistique habituel et ranger au placard les chevaliers, les dragons et les arcs en ciel pour des paroles plus réalistes et plus sombres... plus dans l'air du temps pourrait-on dire. Sur la construction aussi, on change de braquet. Toutes les pistes font sensiblement la même taille. Finis les hymnes épiques, finis les morceaux de transition expérimentaux, finies les power ballades grandioses, place à l'efficacité massive d'un Heavy Metal bien carré. Même les claviers de Geoff Nichols sont un peu en retrait sur ce disque qui ressemble à un sursaut de Heavy Metal bas du front de la part d'un groupe qui nous a habitués à un peu plus de créativité. Du fait de sa construction en mode "rien ne dépasse", toutes les chansons de la galette ont tendance à se ressembler, donnant au public ce qu'il a envie d'entendre, à base de soli de killer, rythmique inspirée reposant sur les jeux conjugués d'un Geezer Deezer et d'un Vinnie Appice au top de leur forme et bien sûr le chant toujours aussi spectaculaire de Ronnie James Dio. C'est bien exécuté, il y a de grands moments dans la tracklist mais aucun morceau vraiment mémorable, aucun climax et même si on appréciera toujours autant l'alchimie qui se fait entre ces gars on se prend à regretter qu'ils aient sacrifié un peu de leur folie sur cet album assez convenu.
Ajouté : Samedi 16 Avril 2016 Chroniqueur : Rivax Score : Lien en relation: Black Sabbath Website Hits: 6204
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