OPETH (se) - Damnation (2003)
Label : Music for Nations / Wagram
Sortie du Scud : 14 Avril 2003
Pays : Suède
Genre : Rock Progressif Acoustique
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 43 Mins
Sans frou-frou ni apparat, "Damnation" s'affirme d'amblé comme un exutoire dans la discographie d'OPETH. Car il va de soi que ce septième album aux vapeurs apaisantes, si pur et nonchalant qu'il soit, n'a rien à voir avec le conglomérat sonore du groupe auquel nous avons à faire à l'accoutumée. Mickaël Akerfeldt et consorts ont mis en quelque sorte des entraves au successeur de "Deliverance" en captant son évanescence sans le dépouiller de son caractère et sans brider leur aspiration à la liberté. Tout l'art consiste à se placer au centre d'un cyclone, inconscient du champ de gravitation, et à dompter l'espace alentour. Les portes du royaume s'ouvrent alors et peut débuter la représentation du théâtre intérieur de chacun.
Je m'apprêtais à tourner le dos à cet album retraçant les épisodes acoustiques du groupe lorsque cet apéritif sonore m'apporta quelque chose d'à peine perceptible, une miette infime, un atome de musique, plutôt le pressentiment d'une musique qu'une musique réelle, et pourtant en même temps le pressentiment infaillible de quelque chose que je n'avais jamais entendu. J'avais l'étrange prescience que cette musique était la clef de l'ordre régissant toutes les autres, et qu'on ne comprenait rien aux musiques si l'on ne comprenait pas celle-là. Comme un ruban, cette musique pleine de nuances, de sentiments d'irrésolution et de préoccupations moroses, s'étirait le long des murs jusqu'à mes radars, nette et impossible à confondre, mais toujours aussi délicate. Je sentis mon cœur cogner dans ma poitrine et je sus que c'était le désarroi que me causait cette présence. Je tentais de me rappeler quelque chose de comparable et ne pus que récuser toute comparaison si ce n'est le souvenir clapotant d'un LED ZEPPELIN édulcoré ou d'un ANATHEMA garé en double file. Cette musique, d'une fraîcheur d'eau de source, était incompréhensible, indescriptible, impossible à classer d'aucune manière, de fait elle n'aurait pas dû exister. Cependant, elle était là avec un naturel subtil. Je soupçonnais que ce n'était pas moi qui la suivais mais que c'était elle qui m'avait fait captif et m'attirait à présent à elle, irrésistiblement. L'espace d'un instant, d'un soupir qui me parut une éternité, il me sembla que le temps se dédoublait ou qu'il s'annihilait tout à fait, car je ne savais plus si maintenant était maintenant, si ici était ici, ou si au contraire ici et maintenant étaient autrefois et là-bas. Tout autour n'était que futilité. Et par-dessus tout, je flottais à tâtons, balayant le brouillard de pressentiments lugubres, battant le rappel de mes pensées confuses et effarées. A défaut d'être détestable ou insignifiante, la musique exquise ne pouvait m'empêcher de me raccrocher à cette mer de félicité et de tomber en pâmoison. A vrai dire, cet égarement des sens dura même l'album terminé, car je m'abandonnais impétueusement encore aux perceptions de son souffle et la goûtais avec délectation.
Comment ne pas s'abîmer dans la contemplation d'un tel chef-d'œuvre et porter au pinacle ce reliquat récitant bien plus que sa partition et semant sans parcimonie excitation et mélancolie sur nos plate-bandes intimes. Il est des albums à sertir comme la pierre la plus précieuse et auxquels il faut se cramponner du bec et des ongles, histoire de se requinquer une fois pour toute.
Ajouté : Vendredi 23 Mai 2003 Chroniqueur : ZdunWalker Score : Lien en relation: Opeth Website Hits: 16147
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