BLUT AUS NORD (FRA) - Memoria Vetusta II - Dialogue With The Stars (2009)
Label : Candlelight Records / Season of Mist
Sortie du Scud : 23 février 2009
Pays : France
Genre : Black Metal astral
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 58 Mins
Concepteurs de travaux aussi austères que désincarnés, la discographie de BLUT AUS NORD plaide pour une désharmonisation absolue des sons et des sens. Révolutionnaires d’un Black Metal extrême futuriste et avant-gardiste, les français ont toujours repoussé les limites de leurs propres expérimentations. Bien souvent énigmatique, plusieurs niveaux d’interprétation et un investissement total de la part de l’auditeur sont requis pour s’immerger dans leurs œuvres singulières qui demandent une acuité auditive accrue.
Prêter une oreille aux travaux de BLUT AUS NORD, c’est assister de visu à ses propres funérailles. La formule est tellement vraie.
Dignes descendants de la quintessence du genre avec EMPEROR, LIMBONIC ART pour la construction harmonique ou de BURZUM pour la noirceur, BLUT AUS NORD n’a jamais laissé totalement indifférent en traçant un sillon unique. La formule si chère aux français n’a pas changée d’un iota : l’apparence de givre, de mécanique et la discordance de leurs sonorités font toujours parties du paysage sonore du trio. Memoria Vetusta II - Dialogue with the Stars est le pendant et l’écho lointain de Memoria Vetusta I: Fathers Of The Icy Âge paru en 1996 et se présente comme la suite contemporaine, alambiquée, riche et méthodique avec une pincée homérique qui sied parfaitement aux compositions délicatement rachitiques du combo.
C’est également le second volet qui devait à l’origine voir le jour tout de suite après le premier. Seulement les aléas des envies et des enregistrements précédents font que cette seconde partie arrive treize ans plus tard ! Mieux vaut tard que jamais, surtout quand une qualité si abrasive est au rendez vous ! Moins maniaque, insensé et névrosé que les précédents travaux, Memoria Vetusta II- Dialogue With The Stars n’en est pas pour autant un album facile et commode à appréhender.
Opérant un "retour aux sources", cette septième livraison sonore voit le Sang du Nord remettre au goût du jour ses riffs audacieux et glaciaux. Rayonnant et lumineux malgré la froideur et la glaciation des sens engendrées par les écoutes répétées de ces disharmonies si justement mélodieuses, il vous faudra apprivoiser longuement les dissonances caverneuses qui sont toujours l’apanage de Vinsdval et de ses deux acolytes, les segments mélodiques se faisant du coup transcendants et singuliers.
Les vagues déferlantes et autres couches successives de riffs fanatiques et cristallins se font ressentir de manière profonde comme sur la splendide piste N°2, la rageuse «Antithesis of The Flesh (…And Then Arises a New Essence)», froide et aliénante, où l’édification du titre s’apparente au cycle de la Nature dans son essence intrinsèque : Naissance-Mort-Renaissance. Soutenues par des arpèges glaciaux et des variations de tons récurrentes, les mélodies hypnotiques et empreintes d’une grave mélancolie, avec un final proche de ce qui se fait de mieux en Cold Wave sont autant de déductions qui montrent l’état de grâce dans lequel l’entité évolue depuis bien longtemps. La triade illuminée prend les devants avec le Thrash Black volcanique et terrien contenu dans «Acceptance (Aske)», où la fureur et le tonnerre grondent de mille feux. Le break pharaonique de cette piste aux arpèges de feu et de glace provoque un maelstrom puissant accouplé à un solo dévastateur débouchant sur un final magique et apocalyptique. Le Ragnarok dans toute sa splendeur.
Avec la piste «The Cosmic Echoes of Non-Matter (Immaterial Voices of the Fathers)», on assiste à l’éclosion d’une autre face du groupe: leur Black Thrash spatial et immatériel enfante une sensation d’apesanteur d’une telle fluidité que le solo inspiré final et féérique s’apparente à une constellation de notes magiques qui défilent à la vitesse de la lumière.
Une telle intensité se dégage également du titre «The Formless Sphere (Beyond the Reason)» et de son final en apothéose. Une pareille oppression tragique dans les riffs abandonnés en pizzicato étouffés et stupéfiant illustre la maitrise de génie dans la composition de sons intrigants et dépressifs menant vers une sorte de voyage astral de toute beauté…
Autre face cachée du combo, les références bouddhiques se font flagrantes avec des morceaux tels que «The Alcove of Angels (Vipassana)», (i.e. méditation bouddhiste), titre typique de Black froid et anguleux avec des nappes de claviers apportant une dimension épique et grandiloquente. Son break phénoménal et son solo désaccordé véhiculent une force inattendue à cette plage exaltée au final flamboyant. Il en sera de même avec «Translucent Body of Air (Sutta Anapanasati)» et son intro tout en arpège suivie d’une grosse rythmique à l’intensité à fleur de peau ! Ses harmonies séduisantes, comprenant un solo intelligible et pertinent, aèrent cette longue pièce de dix minutes à l’indéniable souffle épique magistral et lancinant.
En ce qui concerne les divers interludes instrumentaux parsemant le disque comme «Disciple’s Libration (Lost in the Nine Worlds)», sorte de voyage cosmique pour percer la Porte des Etoiles, «Elevation (the Dawn of the Gods)», instrumental solennel aux sommets enneigés, prenant et mirifique, ces courts mais troublants moments demeurent fidèles à l’univers du combo qui sont d’une rare maitrise à ce niveau, en nous immergeant dans une mer de glace où toute notion de perception et de sensation devient vaine. Le vide par l’acoustique. La sublimation par le son. Quant à l’interlude «The Meditant (Dialogue With the Stars)», qui justement porte bien son nom, il invite à la méditation, grâce à ses arpèges dans la plus grande tradition nordique, songeurs et d’une rare force.
Les voix blafardes et blanchâtres du chevronné Vindsval soutiennent cette notion et sensation de mal-être et de malaise. La production dévoile le gros travail produit sur les mélodies de guitares riches et soignées ainsi que sur les plans de batterie dantesques à la précision mécanique. De l’importance accordée à la production, on en retiendra ainsi qu’elle se révèle tantôt claire tantôt brumeuse tout en conférant à l’opus une atmosphère captivante, horripilante et ensorcelante qui prend littéralement aux tripes. BLUT AUS NORD livre avec Memoria Vetusta II – Dialogue With The Stars une prestation absolument époustouflante. Avec eux, une heure de sons semble durer une fraction de secondes. On voudrait que ce voyage intemporel ne prenne jamais fin.
Indescriptible, BLUT AUS NORD ne s’écoute pas, BLUT AUS NORD se perçoit et se vit. Treize ans pour accoucher d’un tel chef d’œuvre qui s’affirme d’ores et déjà comme l’une des plus grandes surprises de cette année. Patience est mère de sureté. C’est aussi la Sainte Patronne de BLUT AUS NORD. Bien leur en a pris… Ad Astra.
Ajouté : Jeudi 26 Mars 2009 Chroniqueur : Loki Score : Lien en relation: Blut Aus Nord Website Hits: 15543
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