DREAM THEATER (usa) - Black Clouds & Silver Linings (2009)
Label : Roadrunner Records / Warner Music France
Sortie du Scud : 23 juin 2009
Pays : Etats-Unis
Genre : Chef D’oeuvre
Type : Album
Playtime : 6 Titres - 74 Mins
J’ai le clavier qui tremble. Je ne sais pas pourquoi. Ou plutôt si, je le sais très bien. J’ai peur d’écrire. Peur de ne pas savoir retranscrire par des mots les sons que je viens d’entendre. Peur de ne pas avoir l’habileté nécessaire pour illustrer par des phrases la magie qui s’est opérée.
Il faut avouer que je suis rentré dans le château à reculons. Mes dernières visites dans la forteresse DREAM THEATER ne m’avaient laissées qu’une désagréable impression de redite, d’expérimentations hasardeuses, et de trop rares réussites (Train Of Thought, trop Néo, Octavarium oscillant entre le très bon, et le juste moyen, et Systematic Chaos montrant un groupe en voie de rétablissement, mais encore convalescent), impression renforcée par l’euphorie auditive procurée par le diptyque magique Metropolis 2000/Six Degrees.
Du coup, le pont-levis commençait à sérieusement se fissurer, et les douves menaçaient à chaque instant de déborder à l’intérieur de l’édifice. Bien sur, les die-hards ont toujours fait semblant de ne rien remarquer, comme si la perfection instrumentale pouvait excuser les erreurs de composition, mais nous savions tous que ces approximations nous éloignaient de la substantifique moelle, du génie fougueux et mélodique qui à toujours animé des pépites comme « Pull Me Under », « Peruvian Skies », « Voices », « The Great Debate » et autres « Beyond This Life »…
Alors oui, cette fois ci, j’ai peur d’écrire. Non que les mots qui me viennent soient cinglants, bien au contraire. J’ai retrouvé un château remis à neuf, débarrassé de toutes ses imperfections, plaies pansées, chevaliers affûtés. Les armures brillent de mille feux, les armoiries ont été brossées, les dames se parent de leurs plus beaux atours, et la cérémonie peut enfin commencer…
Elle commence violemment d’ailleurs, sur « A Nightmare To Remember », digne descendant direct de « The Glass Prison », graves en avant, basse menaçante et suintante de malice, rythme pulsé et guitare en embuscade, prête à trancher la gorge du premier barbare qui tentera de s’introduire. Quinze minutes de folie pure, aucune restriction, le cahier des charges est vierge et les musiciens s’en donnent à cœur joie. Jordan fait valser son clavier somme Tom Cruise ses doutes dans la scène masquée et magnifique de « Eyes Wide Shut », tandis que les ambiances se multiplient, que les climats se succèdent dans une folle farandole que même le fou du Roi ne pourrait suivre.
C’est une basse orientale qui introduit « A Rite Of Passage » et son riff tout droit sorti d’un oasis Saharien à la tombée de la nuit. Les fauves sont lâchés, John fait rugir sa guitare, et le beat martelé par Mike plombe l’horizon un peu trop dégagé pour l’assombrir à sa manière, tel un peintre du désespoir trop longtemps bridé. Emettons une hypothèse farfelue je vous prie. Imaginons que le LED ZEP de légende se reforme aujourd’hui. Je parierais toutes mes maigres économies qu’il signerait un titre de cette trempe. Mieux, un groupe formé de John Bohnam à la batterie, James Hetfield à la rythmique, Gene Simmons à la basse, Steve Vaï au lead, John Lord au clavier et David Coverdale au chant…Vous imaginez le tableau ? Vous l’avez sous les yeux….
Et puis au moment même ou l’on croyait que la puissance allait l’emporter sur le reste après un combat gagné d’avance, le magnifique « Wither » nous tombe dessus… Monument de délicatesse, la voix de James nous emporte au sommet du paradis, et les volutes de clavier nous enchantent telles les sirènes d’Ulysse…
Le solo de John P se met au niveau de ses plus grandes réussites, et nous remémore des suites mélodiques de légende comme on en trouvait sur « Peruvian Skies » ou encore « The Spirit Carries On ». Une perle. Un diamant taillé sur mesure pour la plus belle princesse du monde. Les larmes ne sont pas loin….
Mais ne remettez pas le mouchoir trop vite dans votre poche. Sinon, vous finirez l’écoute de « The Best Of Times » les yeux embués. L’intro… qu’en dire ? Je n’ai pas de lexique approprié. Je suis désolé, mais il va falloir l’écouter…La suite est à la hauteur, et pourrait figurer sans honte en plein milieu de Images And Words, tant ses harmonies sont à tomber. Ce morceau nous donne l’image d’un groupe apaisé, enfin rassuré, et prêt à continuer sa route seul, en leader. Pas de démonstration inutile, pas de mot déplacé. Juste une incroyable capacité à illustrer un rêve en musique. Alors on va à l’essentiel. Des lignes vocales simples mais pures, des guitares qui savent trouver la note juste. Un rythme paisible, et l’ébène et l’ivoire qui se chatouillent pour mieux donner le la. Un des plus grand morceau de DREAM THEATER, et si vous êtes fan, vous savez de quoi je veux parler et que je pèse mes propos…Et ce solo…Mon Dieu ce solo…
Suite logique de « The Glass Prison », « The Shattered Fortress » nous ramène en terrain hostile, avec son riff calqué, mais là ou les Athéniens s’atteignirent, c’est que la séquelle est supérieure à l’original, et de loin…Son pont parlé suivi d’une reprise à peine croyable, ses couleurs vocales à la limite de l’irréel, et ses arrangements grandioses…Il n’y a que DT pour arriver à faire passer un titre de presque 13 minutes pour un plaisir éphémère…Une fois de plus, M.Petrucci flirte avec les limites de son talent, si limites il y a…James chante comme jamais, et redevient cet exceptionnel vocaliste qui sait nous faire frissonner…et le final en clin d’œil boucle la boucle…Avant l’apothéose finale…
Si jusqu’à présent, les pièces de choix au niveau de l’accomplissement dans la durée dans la carrière du groupe étaient symbolisées par « A Change Of Seasons », ou bien « Six Degrees Of Inner Turbulence », leur suprématie dans le cœur des fans risque d’être remise en cause par l’épilogue de Black Clouds & Silver Linings, l’énormissime « The Count Of Tuscany ».
La leçon de choses. La bible du Metal progressif. Le petit livre rouge de la composition alambiquée mais terrassante. Comment décrire dix neuf minutes de plaisir sonore intégral ? Impossible. Je pourrais passer des heures à vous narrer l’aventure qu’a représentée l’écoute de ce morceau mais c’est inutile. Un passage en revue de tous les ingrédients qui ont fait le succès du combo. Un éventail sans bords qui vous plonge dans un zéphyr inconnu mais délicieusement dépaysant. Illustré d’une façon surnaturelle par un pont acoustique de toute beauté…
Nous l’avons notre preuve. Après tant d’attente, nous le savons enfin. Ou bien l’avons-nous toujours su. DREAM THEATER n’est pas un groupe de Metal progressif. C’est un groupe de musique. Tout court. Dans le sens le plus noble du terme. Comme ont pu l’être les BEATLES, les BEACH BOYS, YES, LED ZEPPELIN, les EAGLES ou bien U2.
Ils nous l’avaient déjà démontré à maintes reprises, mais cette fois-ci, il faut bien poser le deuxième genou à terre. Black Clouds & Silver Linings est le Saint Graal que Perceval à un jour trouvé dans la légende. DREAM THEATER est aussi une légende. Mais vivante.
La jeunesse éternelle est possible. Ce soir, je n’avais pas trop le moral, comme tous ces derniers mois. Ils me l’ont redonné.
La musique guérit tous les maux.
La musique dépasse tous les mots.
DREAM THEATER 2009.
Ajouté : Dimanche 19 Juillet 2009 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Dream Theater Website Hits: 15035
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