LINKIN PARK (usa) - Hybrid Theory (2000)
Label : Warner Bros. Records
Sortie du Scud : 24 octobre 2000
Pays : Etats-Unis
Genre : Néo Metal
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 38 Mins
An 2000. Un passage au nouveau millénaire accompagné de ses habituelles précognitions apocalyptiques et, à première vue, rien de nouveau à signaler. Le soi-disant "bug de l’an 2000" a eu l’effet d’un pétard mouillé et la technologie est plus fonctionnelle que jamais, toujours au service de l’homme. Néanmoins, cette nouvelle année est bel et bien témoin d’un phénomène tout à fait imprévu : l’arrivée de cet album, Hybrid Theory, premier essai d’une formation jusqu’alors peu connue. Originellement nommé XERO à sa création en 1996, puis HYBRID THEORY avec l’arrivée du nouveau chanteur et, enfin, LINKIN PARK, le groupe signa un contrat dans la foulée avec le label Warner Bros. Records, malgré de nombreuses précédentes tentatives infructueuses. Nous voici donc en présence du premier album des Californiens, portant le nom de leur ancien patronyme, et bien parti pour s’imposer comme fédérateur d’une petite révolution musicale.
En effet, se décrivant comme un groupe de Néo Metal suppléé d’éléments Hip Hop et Electro, LINKIN PARK est en bonne voie pour voler la vedette à ses aînés reconnus que sont KORN ou bien LIMP BIZKIT, en dépassant le stade des titres torturés aux rythmiques syncopées et en proposant un pur condensé d’énergie, aux travers de titres directs et efficaces. Cela passe, d’abord, par un album relativement court (à peine quarante minutes) et des pistes accessibles allant à l’essentiel. Ainsi, les compositions possèdent quasiment toutes la même structure, soit une alternance entre couplets et refrains, puis un pont placé sur la fin du morceau, souvent occupé par différents effets électroniques. Par conséquent, le souci avec un album comme celui-ci, constitué d’un enchaînement de singles potentiels, est qu’il présente une uniformité d’accroche empêchant certains morceaux de se démarquer, à l’instar de « Points Of Authority » et « Forgotten ».
Ce défaut aurait pu s’appliquer à la majorité des compositions, mais c’était sans compter la véhémence et la conviction dont fait preuve le quintet américain. Les pistes vocales, partagées entre deux frontmen, sont alors pourvues d’un réel dynamisme, dû au contraste des deux types de chant, et insufflent une harmonie appréciable au sein des compositions. Chester Bennington, dernier arrivé dans le groupe, s’impose comme chanteur principal et possède un timbre remarquable, tout à fait unique, qui permet au combo californien d’en faire un élément phare de sa signature musicale et de se démarquer aisément du lot. Ce membre, apparaissant d’ores et déjà primordial, s’attèle à insuffler émotions et hargne nécessaires aux compositions en naviguant d’un chant clair mélodique à une voix rocailleuse emblématique rendant les refrains mémorables, à l’exemple de l’intense « Crawling » ou de l’excellent « In The End », poignant de sensibilité. En outre, les titres ne sont pas exempts de quelques hurlements rageurs bien sentis, principalement sur les ponts, les transformant ainsi en purs défouloirs, comme « One Step Closer », « Runaway » ou l’outro schizophrénique de « A Place For My Head » partagée entre une rythmique implacable, des vociférations, et le flow frénétique de Mike Shinoda. Ce dernier, second vocaliste, récite donc les textes dans un style Hip Hop, plutôt similaire à celui du groupe THE ROOTS. Ses lignes rappées, débitées à une cadence moyennement rapide, viennent essentiellement en soutien de son comparse, se contentant de quelques phrases, mais se chargent, parfois, d’occuper les couplets pour renforcer l’impact du refrain mélodique (« Papercut », « By Myself »). Par ailleurs, ses vocaux, contrairement à ceux de Chester, sont davantage sujets aux manipulations telles que des multiplications de ses pistes ou l’application de filtres et autres bidouillages électroniques. Quant à l’enchaînement des deux voix, il ne suit pas un schéma convenu sur tous les morceaux et, ainsi, les multiples facettes des chanteurs parviennent à se retrouver à toutes les places possibles d’une composition, sur l’ensemble de l’album ; ce qui accentue la fluidité des titres. Toutefois, bien que les combinaisons des différents chants soient, dans l’ensemble, réussies, les paroles sont, quant à elles, écrites dans la pure tradition du genre ; c’est-à-dire que Mike et son acolyte ont instauré des textes relatant de problèmes et souffrances personnels, surtout liés à la jeunesse et l’adolescence de Chester (drogue, alcool, solitude, échecs…), tout en les adaptant de manière à ce que chaque personne puisse s’y retrouver.
Et si Mike n’a pas une part majoritaire dans la délivrance orale de celles-ci, c’est parce qu’il ne se contente pas simplement du micro mais touche également à la guitare rythmique, ainsi qu’aux claviers, en apport du travail déjà fourni par Joseph Hanh, le DJ du groupe qui appuie, de par sa présence, le côté Hip Hop de la formation. Grâce à lui, LINKIN PARK assure une autre facette clef de son empreinte sonore, sublimant les compositions d’une multitude de scratches (issus de techniques variées) délivrés par ses platines, mais aussi de nombreux beats Hip Hop, des boucles et samples électroniques, ou encore des nappes ambiantes visant à densifier leur strate musicale tout en y conférant une accroche mélodique supérieure. D’ailleurs, son potentiel est confiné dans la piste instrumentale en "Dj-ing" « Cure For The Itch » où il joue, dans un premier temps, sur les rythmes, puis explore un agencement atmosphérique, presque surréel, que l’on peut aussi retrouver sur « With You » ou « By Myself », toutes deux reposant sur un fond de synthé envoûtant. On lui doit aussi la majorité des introductions, permettant de ce fait de retenir immédiatement l’attention de l’auditeur, comme les boucles aquatiques de « Runaway », le piano entraînant de « In The End » qui sert de leitmotiv au titre, ou les notes doucereuses de « Pushing Me Away ».
Pour le reste de l’instrumentation, on conserve un jeu plutôt classique pour le genre. Sur un schéma rythmique mid-tempo, la batterie n’a aucune peine à se faire entendre au moment opportun lorsque les envolées agressives nécessitent un appui sans faille, tout en sachant s’échanger les beats avec les claviers sur les accalmies, parfois ponctuées d’acoustique (« A Place For My Head », « Forgotten »). Les guitares se contentent de délivrer des riffs basiques, mais d’une puissance déconcertante, à la distorsion bien sentie, lors de l’arrivée des refrains fougueux, les faisant littéralement exploser, surtout qu’il n’est pas rare que les couplets en soient exempts pour intensifier cet impact. Brad Delson, s’occupant de l’instrument en lead, insuffle également une part de mélodie au sein des lignes grondantes, plus prononcée sur « Crawling » ou « Pushing Me Away ». Quant à la basse, maniée à tour de rôle entre ce dernier, en grande partie, et Scott Koziol et Ian Hornbeck pour d’autres titres, elle ne se montre en aucun cas innovante et remarquable mais se révèle être un soutien robuste pour les autres cordes, participant à leur jeu redoutable. Malheureusement, le mix ne favorise pas toujours l’instrumentation plus lourde en présentant un son brouillon, bien que la production reste correcte dans l’ensemble pour un premier disque. C’est sûr que s’ils avaient eu Ross Robinson, le parrain du genre, le résultat aurait été plus propre. Mais le travail effectué par Don Gilmore, peu connu dans le milieu qui plus est, demeure réussi.
LINKIN PARK a beau être une jeune formation, elle n’en possède pas moins déjà une identité musicale singulière et le démontre au détour de douze titres expressifs et travaillés pour être rapidement mémorables. Même si l’on peut lui reprocher sa linéarité, Hybrid Theory n’aura sans conteste aucun problème à octroyer au groupe une place de choix dans les listes de lectures des années à venir. Les Californiens possèdent un talent certain et exécutent un Néo Metal, certes accessible, mais rudement efficace et nerveux qui appelle, sans doute, à un renouveau complet du genre. Une chose est sûre, LINKIN PARK n’a pas fini de faire parler de lui !
Ajouté : Samedi 06 Novembre 2010 Chroniqueur : CyberIF. Score : Lien en relation: Linkin Park Website Hits: 10943
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