Digne représentant de la seconde vague du Heavy Metal français des années 80, au même titre que SATAN JOKERS, FISC, ATTENTAT ROCK ou SORTILEGE, BLASPHEME a couché sur vinyle deux albums témoignages d’une époque bien lointaine. Entre un premier effort éponyme et un Desir de Vampyr relativement bien troussé, ils ont participé à une épopée dont bon nombre d’entre nous se souviennent avec une certaine émotion. Bon musiciens, on pouvait néanmoins leur reprocher une imagerie un peu cheap, et un conformisme musical assez emblématique de l’esprit de démarquage soft des groupes nationaux en activité.
Sympathiques sans être indispensables, il leur manquait l’aura mystique d’un ADX, un showman comme Renaud Hantson, ou un vocaliste d’exception comme Christian Augustin.
Alors bien sur, devant la désaffection d’un public préférant toujours un combo de seconde zone anglais qu’un excellent groupe de son propre pays, devant le manque de promotion de labels préférant la quantité à la qualité, leur aventure arriva à son terme assez rapidement.
Après une reformation en 2007, et un concert très convaincant lors de la dernière édition du Hellfest (2010), BLASPHEME vient chercher sa revanche avec ce Briser Le Silence à la très belle pochette. Avec les deux tiers de son line up d’origine (Marc Fery (chanteur), Pierre Holzhaeuser (guitariste) et Philippe Guadagnino (bassiste)), BLASPHEME aligne crânement ses atouts, et avance vers l’avenir, qui, s’il ne sera pas forcément synonyme de succès à grande échelle, leur réservera sans doute encore de bien beaux moments de musique et de communions live.
Oscillant entre Heavy speedé (« The Crow », parfaite ouverture, « Carpe Diem » en forme de profession de foi, « Qui Suis-je » et ses breaks en contretemps bienvenus, « Homme Eternel » très Helloween), et Heavy plombé (« Briser Le Silence » lyrique, avec un chant somptueux, et des arrangements fouillés, « Cœur D’enfant », assez influencé Rapshody, « De L’ombre A La Lumière », et son rythme heurté sur fond de soli impeccables.), BLASPHEME adapte son style à son époque, et renouvelle sa recette avec un brio indéniable. Largement à la hauteur des standards du Heavy européen, le quintette savoure ses retrouvailles avec son public, et lui offre outre une performance de groupe très cohérente, des démonstrations en solitaire sans faille.
A ce titre, Marc, le vocaliste dispose d’un timbre chaud, et d’une vaste palette d’émotions, comme en témoigne la très jolie ballade « Ultime Errance », ou il fait montre de toute l’étendue de son talent. La rythmique reste au dessus de tout soupçon, et alterne avec bonheur les tempi tantôt lourds, tantôt aériens, mais reste toujours créative pour ne pas laisser les morceaux sombrer dans la routine.
A noter que Briser Le Silence s’achève sur un splendide instrumental que n’aurait sans doute pas renié le grand Satriani lui-même, teintant au final l’ensemble d’une petite note de nostalgie, qui nous ramène au temps béni ou les groupes hexagonaux sillonnaient le pays la rage au ventre et l’espoir en bandoulière.
Alors certes, je vous le concède, Briser Le Silence ne s’imposera pas comme la relève tardive d’un Heavy Metal français tué dans l’œuf. Il restera une anecdote plaisante pour les amateurs de Heavy, mais une anecdote vers laquelle on reviendra par plaisir. Et ce qui est anecdotique pour la majorité ne l’est pas forcément pour ses auteurs. Laissons les se faire plaisir une nouvelle fois, sans attendre rien d’autre que le bonheur de partager avec nous un plaisir non feint.
Mieux vaut un bonheur simple qu’une expectative grandiloquente hors sujet.