STORTREGN, de la Suisse naturellement ! On le sait, on peut le répéter, la Suisse n'est pas le pays le plus connu pour son vivier métallistique, mais elle a toujours su se démerder correctement en la matière. Ce combo genevois, loin de la renommée internationale et de l'exposition médiatique d'ELUVEITIE ou de SAMAEL, est un exemple très singulier de la rigueur et de la perfection des produits "made in Switzerland", qui ne s'applique pas qu'à l'horlogerie et aux chocolats. Ainsi, STORTREGN présente son premier album, Uncreation, dans un packaging soigné au design millimétré et épuré qui impose d'emblée une drôle de prémonition, celle d'avoir affaire à une œuvre qui sera, à défaut peut-être d'être qualitative, d'une propreté absolue. C'est imbibé de ce feeling, mêlant respect, curiosité et appréhension, que j'ai abordé l'écoute d'un album... renversant !

Les helvètes en ont gros sur la patate, on le sent. Après une intro qui narre un passage de la Bible Satanique, STORTREGN lâche les chevaux et emmène l'auditeur par le fond. "The Eye Of Judgement" vous explose au visage, sans coup férir. Un cocktail détonnant de Death et de Black qui copule joyeusement avec une production léchée et homogène. Ma première impression est excellente, car les Suisses ne recopient pas untel ou untel, ils produisent un son très personnel avec un sens de la composition déjà bien développé. Aucune comparaison possible avec BEHEMOTH par exemple, bien que les deux évoluent sur le papier dans le même registre stylistique. STORTREGN se rapproche beaucoup plus, à titre indicatif, d'un COMPOS MENTIS. Toujours avec une dose de musicalité appréciable, les guitares suivent des schémas assez harmonieux. La lead se détache souvent de la rythmique, pour le plus grand bonheur des amateurs de riffs mélodiques et planants. Les influences passent souvent par la case DISSECTION et vont même jusqu'à côtoyer sur certains passages le DIMMU BORGIR de la grande époque ("Through A Path Of Prevarication"), pas pour le côté sympho mais pour le potentiel créatif. On en prend plein la vue sur pratiquement chaque plan, sans compter les fréquentes variations rythmiques et autres interludes qui viennent rafraîchir une atmosphère très glauque. STORTREGN, malgré un catalogue restreint, parvient à se diversifier et à pondre un premier album couillu. On réalise aisément le travail de composition qui a été effectué en amont, car Uncreation fait l'effort de proposer un spectacle à la fois cohérent et bien orchestré, sans être une seule seconde rédhibitoire. Les morceaux sont ajustés sur mesure, ni trop longs, ni trop courts. L'intensité est permanente, pour une grosse demi-heure de musique. Certains fléchissent dans les derniers instants, mais c'est ce moment précis que choisissent les mecs pour mettre le coup de grâce avec "A Shape In The Mystical Haze". Si le côté épique est un peu cliché, l'émotion véhiculée par les guitares dépasse probablement les attentes d'une grande partie d'entre nous.

Il est très difficile de revenir de ce voyage vers l'enfer, de même qu'il est difficile de croire que c'est "juste" un premier full-lenght. STORTREGN, que ce soit dans les vocaux harangueurs de Romain ou l'inusable force de frappe de Garry (batterie), fait preuve d'une maturité technique assez hallucinante. Cet assemblement décomplexé de guitares Death musclées, de chant Black et de maestria donne naissance à un excellent disque qui apportera du baume au cœur à ceux qui croient à tort que ce genre musical peine à se renouveler.