Depuis la nuit des temps, le split CD est un lieu de rassemblement, de convergence musicale. Souvent, il est un dialogue passionné et constructif. Rarement, il est un affrontement viril, un combat de coqs. C’est encore plus vrai dans le Black Metal, qui doit être l’un des derniers genres à lui accorder du crédit et du temps de jeu. Pas étonnant, quand on connaît TEMPLE OF BAAL et son appétit pour ce format, de revoir les parisiens revenir, non pas avec le successeur de Lightslaying Rituals, mais avec The Vision Of Fading Mankind, une collaboration exclusive avec les Orléanais de RITUALIZATION. Et si sur le papier, la rencontre parait déséquilibrée, comme un match de foot entre le PSG qui tutoie les sommets de la Ligue 1 et l’USO qui stagne dans le ventre mou du National, c’est surtout des sites de paris sportifs qu’il faut se méfier. L’essentiel ici sera d’apprécier cette joute franchement amicale pour ce qu’elle est, un hommage ardent au Black / Death vieille école du début des années 90.

TEMPLE OF BAAL
Ce n’est pas particulièrement flagrant sur la partie TEMPLE OF BAAL, il faut le reconnaître. Ces franciliens n’ont jamais eu un goût immodérément prononcé pour le old-school, au point de maculer de boue leurs propres productions alors que la technologie leur offre les moyens d’une production très précise. Je ne dirais pas qu’ici, la production est de style hollywoodien, mais elle est suffisamment carrée pour être un relais important entre l’auditeur et la musique du groupe. Conformément à ce qu’ils font depuis plus de dix ans, TEMPLE OF BAAL se la joue classique mais efficace. Parmi ces quatre titres, trois se démarquent assez distinctement. « Ordeals Of The Void » pour commencer, à cause de deux premières minutes très violentes, d’une autre plus martiale, avec une batterie militaire qui accompagne des samples de qualité et d’une derrière qui laisse place aux talents de soliste d’Amduscias. « Slaves To The Beast », déjà présente sur Servants Of The Beast en 2003 fait peau neuve. Et avec ce réenregistrement, TEMPLE OF BAAL donne encore plus de volume à une composition vicieuse raccourcie de quelques secondes. Mais le gros reste à venir avec « Heresy Forever Enthroned », une œuvre de neuf minutes, très aboutie, écrasante et ponctuée d’un solo absolument fantastique et poignant. Du lourd ! (8/10)

RITUALIZATION
Après cette orgie de Black / Death sans accroc, on change de registre avec RITUALIZATION, groupe en provenance d’Orléans comptant dans ses troupes le batteur de MERRIMACK ! Et là différence de niveau est flagrante. Premièrement, et on sera tous d’accord là-dessus, la production est bien plus sale, bien plus rustique, ce qui ne manquera pas de flanquer leur Blackened Death de l’adjectif « old-school ». Si parfois, sur certains splits, on ne distingue pas clairement le changement de groupe, ici, impossible de le manquer ! Les compositions de ce groupe sont davantage minimalistes, à l’image d’un « Ave Dominus » brouillon qui introduit un vocaliste usant et abusant de son timbre caverneux, alors que des screams typiquement Black auraient peut-être été préférables ? Qu’importe, puisque RITUALIZATION cartonne niveau violence et n’oublie pas de faire parler la lead, même si on aurait aimé qu’elle s’exprime avec moins de retenue. Le bout de gras concernant nos Orléanais, c’est la reprise du « The Devil Speaks In Tongue » des péruviens de MORTEM, un modèle de déflagration Death / Black teinté de Thrash comme savent le faire les sud-américains. Une reprise occidentale honnête d’une chanson imposante, avec mention pour le jeu de basse efficient. Malgré ça, on regrettera probablement que comme son nom l’indique, RITUALIZATION fasse un peu trop dans le Death ritualiste et du coup, ne rivalise pas vraiment avec le Black / Death d’expérience de TEMPLE OF BAAL. En tout cas, leur prestation en invitera plus d’un à s’intéresser à leurs travaux, j’en suis certain. (6/10)

Quoiqu’il en soit, la rencontre entre ces deux spectres aura été explosive. On y trouvera ce plaisir d’avoir des nouvelles d’une valeur sûre de la scène Black française et de redécouvrir une façon de jouer qui plait à tous les coups. On y trouvera également un nom qui sera surement nouveau pour certains mais qui mérite largement l’attention, même si tout n’est pas parfait. Et pour finir, on y trouvera l’essentiel, à savoir un échange artistique intense entre deux groupes ayant de la répartie et du coffre.