METALLICA (usa) - Load (1996)
Label : Vertigo Records
Sortie du Scud : 4 juin 1996
Pays : Etats-Unis
Genre : Hard Rock
Type : Album
Playtime : 14 Titres - 79 Mins
De nombreux groupes majeurs à la longévité indiscutable ont tous dans leur discographie une œuvre un peu à part, discutable, ou du moins, sujette à controverse. Les STONES avec Some Girls, et son « Miss You » discoïde et discuté, LED ZEP et son Presence un peu boudé et boudeur, CLAPTON et son « projet » BLIND FAITH si boursouflé que la maison de disque en a pressé le citron au-delà du raisonnable, KISS et son diptyque maudit Dynasty / The Elder, que certains considèrent pourtant comme les meilleurs, JUDAS PRIEST et un Turbo aussi synthétique que critique, et la liste est loin d’être exhaustive…
C’est un peu le passage obligé des maîtres. Cas d’école pour certains, faute non avouée dans la plupart des cas, et moins qu’à demi pardonnée, ce sont des albums qui ne mettent personne d’accord, fans comme néophytes. Et je serais tenté de dire que c’est tant mieux. La linéarité étant l’ennemie de la fascination, il faut bien quelques tentatives parfois malheureuses pour que l’aventure garde tout son sel.
METALLICA. Hum, sujet épineux, fans aux réactions épidermiques, groupe unique et mythique, le dossier sent le souffre à plein nez. Après avoir été intronisés maîtres es-Thrash, West Coast, assez faussement d’ailleurs (et VENOM ? Même le GBH de City Baby était plus violent et compact, sans parler de DISCHARGE qui s’autorisait au niveau du son une incursion indéniable dans le monde Metal…), ils n’ont eu de cesse de fouiller dans les étagères du Hard Rock pour étoffer leur musique.
Et d’un Kill’Em All séminal jusqu’à un Metallica surestimé gonflé aux stéroïdes, en passant par un Master touffu et un And Justice couillu, les quatre cavaliers de l’Apocalypse n’ont jamais cessé leur quête, de celles qui font avancer les choses et défricher les terrains vierges. Seulement là, après une tournée marathon propice à toutes les démesures, étalée sur plus de deux ans et demi, succès radiophonique oblige, le groupe était sur les rotules, et il lui fallait du temps.
Le genre de pause indispensable pour huiler la machine et remotiver les troupes. Il fallait digérer les disques de platine, le statut tout nouveau de Big Thing, les arpèges de « Nothing Else Matters », qu’on ne jouait que lorsque tout allait bien (un peu comme le « Stairway » du ZEP…), et les tartes à la crème d’anniversaire balancée dans l’euphorie la plus totale.
Et surtout se poser LA question.
Comment donner une suite à un album ayant ouvert tant de portes et démontré tant de possibilités ? Se la jouer peinard et refourguer les mêmes riffs en les enrobant d’un nappage un peu plus glacé ? Oser la surenchère et devenir radicalement commercial ? Ils étaient déjà à la lisière du mainstream, et world wide. Alors que faire…Retourner en arrière et se la jouer technique ? Vulgaire. Redevenir des gamins et foncer partout en essayant de ne pas paumer sa bouteille de Clerasil ? N’importe quoi. Mais ça viendrait un peu plus tard.
Non. Les Horsemen ont choisi la longue pause, celle qui inspire et qui expire le meilleur des fumets, parce que le moins prévisible aux narines et aux oreilles.
La nouveauté, une fois de plus. Et quitte à faire chier, autant y aller carrément, en riant. Et en se maquillant.
Load. J’aurais du noter sur un petit cahier toutes les interrogations qu’il a suscitées, et le concert de jurons qui les ont accompagnées. Du « P*****, mais c’est quoi ce look de péd**** ???? » au « C’est de la merde en branche… », enfin, le genre de litanie qui dure et qui accompagne nos Californiens depuis 1996 justement. C’est vrai que comme le soulignait Lars, en cinq ans, on change. Et on se métamorphose aussi ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Une évolution naturelle certes, mais en ayant sauté quelques étapes. Selon les scientifiques, l’intelligence est de passer de A à D en trouvant B et C. Le génie étant de passer directement de A à D. Alors, selon ce postulat, METALLICA est donc composé de génies.
Et de la pochette signée Andres Serrano aux photos en insert d’Anton Corbjin, tout était là pour titiller la corde sensible des aficionados. La controverse encore une fois, simple non ?
Metallica nous avait laissés nageant dans la simplicité et la franchise. Des riffs simples soutenus par une rythmique plombée, bien loin des syncopes d’And Justice et de la progression majestueuse des instrumentaux de naguère. La simplicité de pochette proche de l’avant garde ascétique de The Beatles, la coulée de confiture et le matricule remplacés par un serpent, nous avait prévenus. Avec Load, l’affaire est autre. La pochette est aussi absconse que les titres présents sur la back cover. « Ronnie » ? « Mama Said » ? « The House That Jack Built » ? « 2x4 »? (Quoique dans ce dernier cas, l’avertissement fut donné en amont, et live je vous prie…). Il y avait effectivement de quoi se sentir dépassé. Et une fois la rondelle opaque glissée dans le lecteur, le choc était d’autant plus rude.
Oh pas tout de suite bien sur. Car les titres les plus discutés étaient évidemment projetés un peu plus loin que les premiers bits. Et l’album de commencer par un furieux « Ain’t My Bitch » aux guitares gonflées d’envie et de certitudes. Alors oui, ça entraînait, oui ça calcinait, mais c’était quand même un roadster Rock boosté à la gasoline Heavy. Et puis, c’était quoi ce « Bitch » du titre ? Une salope chez METALLICA ? Vous n’y pensez pas…Première surprise, mais après vision rapide de la durée du track-listing (qui sur les premiers pressages était tout simplement apposé en sticker sur la pochette, avec la seule mention « 78:59 »…), on tire les premières conclusions s’imposant : le voyage va être long, et sinueux.
Et une fois passé le binaire Groovy/Heavy, lénifiant d’évidence de « 2x4 », sorte de Dupont Volant pataud, la construction à tiroir de « The House That Jack Built » nous prend à rebrousse poil. Roboratif pour certains, inattendu et raffiné pour d’autres, c’est le second symptôme de la maladie nouvelle, du virus qu’on craignait. C’est du METS bien sur, mais lifté, allégé et assumé.
Le single « Until It Sleeps » était déjà connu, mais même encore, à l’heure où l’album tournait, il restait une surprise. On avait évoqué pêle-mêle et assez grossièrement U2, DEPECHE MODE, d’une manière péjorative comme pour blesser l’animal. Pourtant, avec ses arpèges délicats, et son refrain tout en puissance, c’est le haut du panier du répertoire des gringos. Une pièce de choix, soutenue par un clip certes empesé et un peu trop précieux, mais novateur. Fini les éructations primaires, James se confie à son public et évoque à demi mots la souffrance de sa mère luttant contre un cancer ravageur. Emouvant, pour le moins, et porté par une mélodie qui hante.
« King Nothing » électrise le Blues et offre un riff définitif qu’on imagine rieur. C’est une preuve du retournement des deux guitaristes qui n’ont pas oublié les bases, et c’est surtout le fondement même de Load. Charger ? Oui, avec le barillet vide, on remet les cartouches d’origine et on flingue, chirurgicalement. Mais cette montée en puissance du refrain et cette façon de balancer ce revanchard « Where’s your crown, King Nothing ? », c’est du James tout craché. Avec un Lars tout en puissance, qui module un peu son jeu monolithique qui avait montré toutes ses limites sur And Justice, et toute sa hargne dans Metallica, la rythmique est en place, et Jason peut se montrer solide comme à son habitude. Son attaque de médiator est unique, beaucoup moins fluide que les doigts de feu Burton, mais ad hoc pour ce répertoire plus claqué.
La mélodie chez METALLICA, depuis Ride The Lightning, on avait l’habitude. Elle était forcée sur « Escape », grandiloquente sur « The Call Of Ktulu », émouvante sur « One » et « To Live Is To Die », et ciselée sur « Nothing Else Matters ». Mais avec « Hero Of The Day », les METS flirtent avec la Power Pop de la fin des 70’s, guitares claires comme les PLIMSOULS et autres NERVES, pour un refrain contagieux et un pont malin. Ou comment frotter religieusement pour mieux décoiffer. Les chœurs sont proches de QUEEN, la production énorme et le résultat, tout comme « Until It Sleeps », imparable. Six titres, et le panorama est à jamais chamboulé. Bien joué.
La question alors était : METALLICA avait il viré Hard-Rock de stade ? Le grand public nous avait il volé NOTRE groupe ? Je n’ai aucune réponse. Et je dirais même plus : tant mieux. L’ambition du quatuor n’était une surprise pour personne, et surtout pas pour ses fans. Alors lorsqu’il s’illustre avec une telle créativité, pourquoi donc lutter ?
Et les huit minutes de « Bleeding Me », une fois de plus toute en substance d’illustrer mon propos. Bien avant de diluer le même riff pataud dans une fausse rage cathartique (cf. « Some Kind Of Monster » sur St Anger…), METALLICA prenait le temps d’instaurer une ambiance pesante sans paraître redondant.
« Cure » et « Poor Twisted Me » sont deux friandises mineures, mais qui flattent le palais avec leurs accents roots et parfois vagabonds.
Mais tandis que « Wasting My Hate » se contente d’étaler le mordant d’un combo qui ne s’en laisse pas conter, avec un up tempo traditionnel chez toute formation de Heavy classique mais délicieusement novateur pour nos pistoleros, « Mama Said » achève les Metalliphiles avec sa fausse guitar steel et son parfum de ballade country pur jus. Une fois de plus, James s’ouvre, et nous offre une de ses plus belles prestations vocales. Le cœur en berne et les souvenirs humides, M.Hetfield, le dur de dur, souffre, pense une fois de plus à celle qui lui a donné le jour, et nous émeut. Et peu importe que ce titre soit oui ou non opportun sur un album des quatre de Frisco, il est, et c’est tout. Et des années après l’avoir découvert et interprété à ma sauce, il me donne toujours le frisson, comme tant d’autres titres du groupe.
Considérons « Thorn Within » comme une jolie pause et « Ronnie » comme une sympathique récréation. Même si ce dernier tire plus vers un LYNYRD jouant de ses influences en accentuant l’aspect bucolique mais Heavy, il est plus à prendre comme une bouffée d’air frais qu’une révolution, surtout placé après « Mama Said ».
Mais alors que METALLICA se clôturait sur un filler un peu passe partout (« The Struggle Within »), Lars, James, Kirk et Jason décident de fermer la page de la révolution par un morceau progressif comme à la grande époque de…Ride The Lightning.
Presque dix minutes d’épilogue pour un des morceaux les plus fascinants de leur discographie, hermétique mais ouvert, complexe mais sincère. « The Outlaw Torn », ou comment brouiller les pistes et achever un album dans la direction contraire de son entame. Si « Ain’t My Bitch » peut parfois sonner un brin simpliste, son opposé l’est dans tous les sens du terme et laisse songeur…Des guitares qui amadouent, une rythmique inventive, des variations vocales, de quoi apporter de l’eau au moulin de ceux qui se plaisaient à dire que les METS avaient décidément viré barge…Mais comment, je vous le demande, écrire autrement le dernier chapitre d’une histoire que beaucoup de monde à eu du mal à comprendre et à accepter ?
Bon…
Je me fais l’avocat du diable à travers ces quelques lignes…Pour beaucoup, Load, sans être un ratage complet, fut le signe avant coureur d’une seconde partie de carrière en dent de scie qui ne laissait rien augurer de bon. Ce qui, au demeurant, n’était pas complètement faux, tout du moins pour la deuxième partie de l’affirmation.
Mais ce sont les mêmes qui se sont acharnés sur METALLICA à la sortie de Ride The Lightning, le jugeant trop policé, puis Master of Puppets a été accusé de redite malheureuse, And Justice de tentative pompeuse et ratée (n’est ce pas M. Guegano…), et Metallica de Heavy basique et corrompu à la solde des majors…Il n’y a pas moins consensuel que METALLICA en fait…Et c’est pour ça que je continue à placer i>Load dans mon tiercé de tête des meilleurs albums du groupe, juste après Master et Justice. Pour sa variété, pour sa prise de risque, pour le chant de James, la guitare de Kirk…Si l’on admet que Load et Reload n’auraient du faire qu’un, alors il conviendrait de rejuger l’œuvre globale, qui prendrait des airs d’auberge espagnole au même titre que le Double Blanc (oui, encore !) des BEATLES…Et si le groupe s’était contenté d’écrémer et avait proposé un seul disque, essence des meilleurs parfums de ces deux albums ? La pilule serait-elle mieux passée ?
Nul ne le saura jamais. Et Load peut dire merci à Lulu de lui avoir ravi dans le cœur des fans la place de disque le plus décrié du groupe.
Lulu.
Un autre album que j’ai défendu tiens…
Ajouté : Mercredi 29 Février 2012 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Metallica Website Hits: 9788
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