SUICIDAL TENDENCIES (usa) - The Art Of Rebellion (1992)
Label : Epic Records
Sortie du Scud : 30 Juin 1992
Pays : Etats-Unis
Genre : Heavy Metal
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 58 Mins
Le cas SUICIDAL a toujours été épineux…Originaire de Venice en Californie, capitale du bandana, du backflip et des half-pipe, ce groupe a toujours déclenché la controverse tout en drainant un nombre toujours croissant de fans au fil des sorties de ses albums. Il faut avouer que son leader et chanteur Mike MUIR n’a jamais fait dans la dentelle. Grande gueule assumée, aux prises de positions radicales, il n’a jamais fait la moindre concession au système… Tout en profitant de la moindre opportunité, d’où certains problèmes d’éthique.
Hard-core dès le départ, dans la plus grande tradition des fast bands comme HÜSKER DÜ ou les STUPIDS, SUICIDAL a constellé son parcours de pépites inestimables, hymnes urbains dédiés au skate, à l’individualisme et au radicalisme politico-social. Avec un patronyme fort peu délicat (qui causera bien des soucis au combo), le Mike’s posse n’a eu de cesse de pondre de mini postulats musicaux définitifs, tels « Suicide’s An Alternative », « Possessed To Skate », « Subliminal », et autres « War Inside My Head », qui lui permirent de se constituer un following fidèle de skaters, option multi-ethnique si possible.
Mais il semblait évident que le talent individuel de ses membres réclamait un contexte beaucoup moins restrictif. Rocky George était un guitariste trop fin et racé pour se contenter d’aligner trois riffs supersoniques, et la frappe de R.J Herrera était trop subtile et inspirée pour uniquement cavaler sur les toms à 165 BPM. Et dès How Will I Laugh Tomorrow, When I Can’t Even Smile Today, le glissement vers un Heavy Metal plus traditionnel s’opéra naturellement, causant les railleries des fans de la première heure, mais le délice d’une autre frange d’auditeurs plus aptes à apprécier cette nouvelle finesse de composition. Et de nouveaux chevaux de bataille firent leur apparition, tels que « Pledge Your Allegiance » et son tempo martial en guise de cri de ralliement, ou encore le titre éponyme, emblématique de cette nouvelle direction.
Lights, Camera Revolution ne fit qu’enfoncer le clou, et le renfort à la basse du légendaire et pas encore Metallica-employee-of-the-month Robert « The Slapping Frog » Trujillo ne fit qu’appuyer un peu plus sur la pédale crossover, et le Funk fit son apparition (qui allait bientôt déborder sur un side-project aussi essentiel que furieux, INFECTIOUS GROOVES). Ainsi, en lieu et place des quickies d’antan, nous vîmes apparaître des perles Metal-Funk inoubliables comme le désopilant et sarcastique « Send Me Your Money », ou le furieusement Speed et politically incorrect « You Can’t Bring Me Down » (illustré par un clip contenant tant de *bip* en version censurée que sa fin en devint inécoutable…).
Tout ça avait de l’allure quand même. Ca devenait méchamment pro, et tout aurait pu couler de source si mister Muir l’avait admis. Mais las, celui ci continuait de se voir en garant de l’héritage Punk, et reniait contre vents et marées son appartenance à la scène Heavy Metal. Et même lors du Clash Of The Titans Tour, en compagnie des cadors de SLAYER, MEGADETH et TESTAMENT, celui ci refusait les interviews communes, et se tenait malicieusement à part, comme pour bien camper sur ses positions. Idem pour les séances photo.
Mais à partir de The Art Of Rebellion, cette attitude devint si ridicule et hors propos qu’il fut difficile de rester arc-bouté comme un chêne plié qui refuse de tomber. Car que Mike l’accepte ou non, c’est bien avec ce LP que SUICIDAL a définitivement tourné le dos aux racines underground et Core, et intégré définitivement la scène Metal.
Et ça n’est pas le furieux et nuancé « Can’t Stop » qui allait me contredire. Rien que de placer ce morceau en ouverture était un aveu en soi. Son ample et généreux, instruments exploités au maximum de leur capacité, Riff atomique et refrain explosif, la recette parfaite du Heavy Metal Anthem dans toute sa splendeur. Alors Mike, tu vas continuer à nous dire que tu es toujours Hard-Core ? Laisse-nous rire…
« Nobody Hears » ? Si plutôt, et tout cela ne fait que confirmer mon propos. Mélodie alambiquée et ton feutré, c’est brillant, intelligent et louvoyant. Sorte de Pop-Metal étrange et envoûtant, ce titre ressemble fortement à une hybridation spontanée entre les sonorités confuses de How Will I Laugh et les largesses de Lights. Une très grande réussite, qui faisait la nique à bien des combos de l’époque, original et efficace sans même se forcer.
Epiphanie de Rebellion, « Monopoly On Sorrow » (qui sera repris dans la langue de Molière sous la traduction pas forcément heureuse de… « Le Monopole Des Sanglots », mais au moins, à cette époque, la Star Academy n’existait pas, donc pas de duo infâme…) est une merveille à plusieurs vitesses qui n’a pas pris une seule ride. Le chant de Mike est inquiétant, les guitares de Rocky et Mike sinueuses, l’ambiance est poisseuse et le solo magnifique. Le travail de Mike en rythmique et Rocky en solitaire est si complémentaire d’ailleurs sur cet album qu’il convient de les replacer à leur véritable rang, parmi les duettistes les plus fameux, du tandem King/Hanneman, à la paire Downing/Tipton, en passant par le bicycle Murray/Smith.
Même constat pour le gros morceau « I Wasn't Meant To Feel This / Asleep At The Wheel », association de deux titres aussi différents qu’indissociables, qui finissent d’établir la filiation avec le Metal le plus pur. Ca n’est pas pour rien que The Art Of Rebellion fut défini par Mike Clark comme l’effort le plus expérimental de SUICIDAL. Bien que personne n’eut l’intention délibérée d’en faire un ensemble aussi inattendu, le travail collectif emmena tous les membres à se surpasser et chercher le petit plus qui ferait la différence. C’était frais, mais compact. Novateur, mais d’une façon traditionnelle. C’était le chemin trouvé par un petit groupe de Hard-Core pour se trouver une identité respectable, correspondant à leur propre évolution.
Le single « I’ll Hate You Better » rencontra un franc succès, amplement mérité. C’est un retour vers le Funky paillard et ironique de Lights, Camera, Revolution, en plus sobre et concis. Une fois de plus, Mike est dans une forme olympique et déroule son chant de manière à étrangler ses détracteurs. Quel talent… Et comme il le dit si bien, « I'm just enlightening you, so you won’t be naive ». Naïfs de croire qu’il allait se contenter du minimum sans essayer d’en avoir plus.
Et la paire George/Muir d’achever le LP avec trois salves bien pesées, « Which Way to Free? », « It’s Going Down » (Muir seul à la barre pour celle ci), et « Where's the Truth? » au titre bien révélateur…
Alors oui, RJ Herrera avait déjà quitté le groupe lorsque The Art Of Rebellion sortit. Alors oui, son remplaçant Josh Freese (futur GUNS, DEVO, NINE INCH NAILS, A PERFECT CIRCLE, et la liste est longue comme un jour sans pain) n’eut pas l’honneur de figurer sur la pochette.
Mais comme le disait Mike à la fin du CD, « Où est la vérité ? ».
Est-ce que ce pénultième album avant le premier split était encore une façon de rouler les gens dans la farine ? De leur faire croire que l’esprit early 80 était toujours là, tout en le diluant dans un discours léché ? Mike Muir est suffisamment roublard pour tromper les pistes, et seul Suicidal For Life apportera son tout petit lot d’indices avec ses morceaux courts et puissants.
Mais après tout, qu’est ce qu’on s’en fout ? Doit-on ne pas apprécier The Last House On The Left parce que Wes Craven est un traître qui a toujours détesté le cinéma d’horreur qui l’a fait grassement vivre ? Non, je vous l’accorde.
Muir à toujours eu un problème avec le Heavy Metal et ses codes.
Mais c’est SON problème, pas le nôtre.
Alors continuons d’écouter ce monument que sera toujours The Art Of Rebellion, et même l’intégrale de SUICIDAL, parce que c’est du tout bon, et qu’il y en a pour chacun.
Après tout, Rotten/Lydon a toujours craché sur les PISTOLS. Et Nevermind The Bollocks est toujours un chef d’œuvre…
Alors…
Alors SUICYKO MUTHAFUCKA !!!
Ajouté : Vendredi 23 Mars 2012 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Suicidal Tendencies Website Hits: 9752
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